Malastree




Préface :
Murmure d'une peur géante, cette histoire s'est transmise de génération en génération au sein de la famille De Périglote.
De père en fils, son caractère légendaire est demeuré intacte et aujourd'hui l'un des deux derniers représentants de la famille conte cette légende au plus précis de son origine... Il y a plus de 350 cycles.


1070.
Il faisait nuit, une nuit magnifiquement étoilée.
La chaleur de la journée s'était dissipée, un léger zéphyr frais venait chatouiller les grandes moustaches du tchaë.
Grison De Périglote, quatrième du nom était là, au cœur des dunes de sable, embusqué dans une entreprise périlleuse.
Une entreprise qu'il réitérait pourtant chaque nuit depuis presque 32 cycles.
Il était le premier à avoir compris que la meilleure façon de trouver de précieuses pierres était de s'aventurer hors d'Arameth, la nuit.
Car la spécificité de ces pierres était de refléter de milles feux, la lumière des étoiles.

Alors il était a nouveau la encore une fois, entre deux dunes, scrutant l'horizon à la recherche d'une petite surbrillance au sol.
Pas à pas il progressait dans cet océan de sable, observant chaque pan de colline.
Il marchait vers le nord, cette fois-ci, déçu de n'avoir rien trouvé les nuits précédentes vers l'ouest…
Après quelques minutes de marche sans grande trouvaille, il fut surprit par quelques ombres naissantes sur le sol.
Les nuages approchaient à grands pas, un orage sec se préparait.
A plus de trois heures de marche de la cité des perles sombres, il ne pouvait faire marche arrière, aussi se contenta-t-il de poursuivre ses recherches espérant trouver un abris sous peu.

Une a une les étoiles du ciel disparaissaient, un immense voile noir avait recouvert le désert.
Incapable de faire un pas de plus en avant ne sachant ou ses pas allaient le mener, il fit halte, reposant ses genoux sur le sable, attendant le retour des étoiles.
Mais le voile s'éternisa au fil des minutes, au point que, peu à peu de graves sonorités vinrent entonner les lieux.
A chaque fois un peu plus fort et un peu plus nombreux, les "booms" du ciel faisait frissonner le tchaë.
Il avait pourtant l'habitude de ce genre de situation, mais il était toujours impressionnant d'entendre ce genre d'explosion sourde.
Au moment où les bruits étaient les plus forts et les plus nombreux, le ciel s'anima d'éclair blanc.
Le ciel était en colère, il se déchirait, hurlant sa colère aux oreilles de Grison.
Le chaos était au dessus de lui, insignifiante petite créature sous une immensité déchaînée.
Les déchirements s'enchaînaient, les éclairs battaient dans tous les sens, les craintes de Grison grandissaient, jamais un orage du désert n'avait été si fort lors de ses précédentes expéditions.
Il s'allongea sur le pan de la dune et se contenta d'attendre, attendre... attendre…
Les secondes se transformaient en minutes, elles-mêmes mutées en interminables heures de frayeurs.

Au coup le plus fort, Grison sentit une présence autour de lui, une présence qui venait d'apparaître comme par enchantement.
Il avait beau balayé l'horizon du regard, rien ne semblait être là.
Puis en relevant son regard vers le ciel déchaîné, plus aucun éclair ne se dessinait au dessus de lui, comme effacés sur une zone précise.
D'environ une trentaine de pieds de diamètre, le noir complet était maître, laissant les foudres s'exprimer à sa circonférence.
Curieusement, il se releva comme interloqué par cet étrange phénomène.
Soudain la foudre vint s'écraser à quelques pieds de lui.
La secousse le fit tomber à la renverse tandis que l'explosion éclaira son entourage comme en plein jour.
C'est alors que l'évènement se transforma en tragédie.

De longues et grandes pattes sinueuses, un large corps sombre auquel venait s'ajouter sur une des extrémités un long dard d'une finesse laissant aisément deviner son piquant.
L'autre extrémité était pourvue de deux énormes pinces comparables à des ciseaux d'un diamètre quatre fois plus gros que le tchaë.

Le visage de Grison se métamorphosa, les craintes avaient laissé place à une peur plus grande que se retrouver aux abords d'un précipice.
Le tchaë était pétrifié, incapable de faire un pas en avant, ni même en arrière.
Les immenses pattes l'entouraient, le corps le recouvrait, il ne savait que faire.
Il s'agitait et pourtant l'arachnide ne semblait broncher.

Elle demeura immobile, laissant le tchaë recouvrir son courage.
Doucement il s'écarta, pas à pas, sans faire de bruit.
Approchant la sortie de sa prison de pattes, il constata l'ampleur de la menace au gré des éclairs illuminant sous de multiples angles la gigantesque araignée.
La distance qui le séparait désormais du monstre lui permettait de se retourner, dos a elle.
Il marchait toujours aussi lentement, de peur d'éveiller son ennemi.
Une cinquantaine de pas le séparait maintenant d'elle.
Il marchait, marchait, marchait a chaque fois un peu plus vite… lorsqu'il fit une chute.

Même si le bruit occasionné était insignifiant sous ce ciel déchaîné, l'immense insecte était pourvu d'une ouie inégalable.
L'arachnide se rapprocha de lui à grande vitesse ne laissant d'autres choix à Grison que de combattre.
Mais que pouvait-il faire face à une telle taille… rien.
Elle marchait autour du tchaë a une distance raisonnable comme un prédateur effrayant sa cible.
Elle se rua d'un coup sur lui tentant de le transpercer de son dard, mais il esquiva de peu, laissant l'araignée frustrée.
Mais elle s'éloigna curieusement derrière une dune, prévoyant certainement de surprendre sa proie.
Grison ne voyait quand à l'issu de sa péripétie qu'une mort assurée.
Il ne reverrait pas ses enfants, ni sa femme.
La peur le gagna mais une idée qui n'avait pas le temps d'être pensée le traversa.
Il s'exécuta sans attendre, il n'avait pas le choix, le temps n'était pas en sa faveur, alors il s'allongea sur le sable, puis s'en recouvrit tout le corps, ne laissant tout juste que son visage dépasser pour respirer.
Il était immobile, dernière chance de sauver sa vie.

L'araignée fit alors son retour brusquement au dessus de lui.
Il vit alors la mort le recouvrir…
Mais les secondes passaient et rien... il respirait encore.
Visiblement l'araignée ne le débusquait pas.
Il demeura en l'état, attendant l'éloignement du monstre.
Mais elle resta longtemps dans les environs, guettant le moindre mouvement.
Puis au bout de quelques minutes elle sembla s'éloigner.
Grison ne commit pas une nouvelle erreur en sortant de sa cachette de sable.

Les éclairs s'amenuisaient et baissaient en intensité, les craquements du ciel se firent moins nombreux, et plus faibles.
L'orage semblait maintenant s'éloigner.
Il se releva doucement au bout d'une heure, balayant une nouvelle fois l'horizon du regard, qui s'était a nouveau éclairci sous quelques étoiles réapparaissant.
Plus aucune menace ne semblait le guetter.
Il prit alors et enfin chemin vers Arameth, vers un berceau calme.
Il se retourna néanmoins a de nombreuses reprises par peur mais rien ne le poursuivait, il était sauf…

Gagnant la cité des six, il ne parla jamais de sa mésaventure a quiconque, sauf a ses enfants quelques années plus tard.
Il nomma l'arachnide, Malastrée, aucune étymologie apparente, laissant croire que seul son esprit était paternel a ce nom.

Personne n'entendit jamais parlé de cette créature durant près de 100 cycles.
Puis en 1165, une rumeur parvint aux oreilles de Sarkano De Périglote, sixième du nom.
Une gigantesque araignée aurait été aperçut proche d'Arameth.
Un garde l'aurait décrit a peu de chose près comme les descriptions données par Grison, au point près qu'elle aurait été décrite arborant une couleur jaunâtre, facilement dissimulable sur le tapis de sable qu'est le désert.
Mais le descendant de la famille ne parla pas de cette histoire.
Il garda ceci pour son enfant comme son père l'avait fait avant lui, comme son grand père, victime de cette rencontre l'avait fait également avant lui.
La nouvelle apparition se dissipa au cours des semaines, laissant pour les Aramethois un simple souvenir d'un bruit... d'une rumeur.
Malastrée était réapparu… et avait à nouveau disparu… mais pour combien de temps…?




(Elaboré par Melrilgil De Périglote, onzième du nom)