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Sujet lancé par Penthésilée
Le 18-03-1509 à 17h22
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Posté par Narrateur,
Le 27-03-1509 à 02h58
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Penthésilée

Le Merakih 18 Marigar 1509 à 17h22

 
Penthésilée évolue dans Zarlif la truffe en l'air, s'imprégnant des odeurs et des images exotiques dont la culture équilibrienne l'abreuve.

La nature est partout présente, au point qu'il est difficile d'affirmer que telle ou telle bâtisse est le fait des hommes ou... des plantes. Le lierre et la vigne vierge mangent les façades pierreuses, elles-mêmes ayant des airs de falaises ou d'affleurements rocheux. Les portes se dérobent aux regards, et nombre d'habitats sont perchés sur des arbres aux branches puissantes et majestueuses. C'est à croire qu'on a construit la ville sur la forêt, sans pour autant l'avoir touchée.


Achille dit :
C'est moche... presque aussi moche que chez toi !
Quels peine-culs vous faites, vous autres poussiéreux ! Quand est-ce qu'on va à Ulmendya m'acheter des membres ? Marre de ressembler à une baudruche mal grimée !


Jamais. Tais-toi, monstre sans nom.

Elle a pris le temps de se changer sur la route pavée menant aux portes, à l'écart des premiers bâtiments ; conformément aux paroles du Preux Veiglaigh, les gardes l'ont laissée entrer sans autre forme de procès, après avoir contrôlé son laisser-passer et sa dérogation spécifique à la cité de Zarlif.

La jeune nelda ayant demandé aux sentinelles la direction de la mairie, on l'oriente vers le bâtiment administratif. Elle a d'une part des informations plus qu'inquiétantes à propos de l'Archonte Amalthur, qui ne sera certainement pas là pour l'accueillir, et souhaite d'autre part remettre son présent à quelqu'un qui puisse, d'une façon ou d'une autre, le transmettre aux habitants...

La haut-Rêvante s'était imaginée faire tout cela à Syrinth, mais le destin et la pression des évènements en ont décidé autrement.


Penthésilée
Vigie du Rêve
Chroniques

 
Narrateur

Le Merakih 18 Marigar 1509 à 22h17

 
Appuyé nonchalamment à un petit guichet juste à l'entrée de la mairie, un fonctionnaire joue d'une main avec les franges de sa plume usée et défraichie.

Le tchaë est assez excentrique dans sa tenue, mais au contraire de son aspect extérieur il est un des plus chevronnés des bureaucrates de bas étage de la bâtisse.

Son poste actuel, grand bien en fasse aux visiteurs, est précisément d'organiser et filtrer de manière drastiques les flux de demandes et s'il existe une chose qui l'horripile au delà de tout, c'est bien les requêtes qui sortent de l'ordinaire et n'entrent pas dans les cases...

Les cases des innombrables et inévitables formulaires qui sont nécessaires au fonctionnement d'une si vénérable institution, soit dit en passant...


 
Penthésilée

Le Merakih 18 Marigar 1509 à 22h38

 
S'avançant jusqu'au guichet du petit personnage, Penthésilée vérifie qu'elle est bien seule à vouloir s'adresser à lui et, se tassant légèrement pour qu'il ne se dévisse pas le cou, lui adresse la parole :

Hejia, Arc'Rhon

Mon nom est Penthésilée. Je suis une Haut-Rêvante, munie d'un titre de déambulation et d'une dérogation officiels, en visite dans votre noble cité.

Je viens vous informer à propos d'un message de détresse, transmis par l'Archonte de Syrinth Amalthur au Preux du Crépuscule Veiglaigh et à ma personne, par télépathie.
Tout porte à croire que votre dignitaire est en grand danger, pour ne pas dire vraisemblablement... décédé, sur la route menant à la lagune des glaces.

D'autre part, je suis porteuse d'un présent, symbole de l'amitié des habitants de Korsyne envers votre faction voisine. J'aimerais rencontrer un représentant de votre cité pour le lui remettre, n'ayant pu précisément parler à l'Archonte Amalthur... comme je l'avais prévu.

Pouvez-vous m'aider, m'orienter ou me conseiller ?


Penthésilée
Vigie du Rêve
Chroniques

 
Narrateur

Le Julung 19 Marigar 1509 à 03h31

 
Le petit fonctionnaire regarda la nelda d'un air plus qu'étrange, la dévisageant, puis balayant du regard la femelle d'une manière qui aurait pu prêter à confusion, si un ennui profond n'habitait pas son regard, qui s'arrêta comme hypnotisé par les mouvement gracieux de l'appendice en panache qu'elle arborait fièrement.

Les paroles de Penthésilée finirent tout de même par se frayer un passage dans les sombres volutes de l'esprit obtus du guichetier et horreur, rapidement la montagne de formulaires à remplir pour honorer la demander et guider la visiteuse s'imposa à son esprit défaillant rien que d'y penser...

***
Le petit être, grommela donc à l'adresse de celle-ci un vague :
***


Grmbl, un Archonte en danger ou mort, au moins trois formulaires différent rien que pour cette éventualité.
Un cadeau diplomatiques, un seul document en trois exemplaires, mais 8 messagers et tant de missives, grmbl, j'en ai pour toute la fin de journée, grmbl...


Veuillez attendre quelques instants, il me faut consulter quelques registres et mander un coursier, asseyez vous sur l'un des sièges en face si vous le désirez.

***
Dit-il en désignant quelques banquettes austères situées dans un coin du vestibule.

Puis en quelques instants d'une démarche raidie par l'age et l'inactivité coutumière de sa charge, il disparut à l'angle d'un corridor.
***


***
Il réapparut quelques dizaines de minutes plus tard, lourdement chargé d'une bonne dizaines de chemises de classement de couleurs différentes.
***


Il nous faut éclaircir certains détails, pour commencer je vous demanderait de bien vouloir remplir ce formulaire en trois exemplaires.

Vos noms et prénoms, filiation, date de naissance, ville d'origine, faction(facultatif), but de la demande...

Le danger potentiel que pourrait courir un Archonte étant me semble le plus urgent je vous demanderais de commencer par cela, nous nous occuperons des demandes adéquates à votre présent ensuite.

Cette organisation vous agrée t'elle ?


La voix du fonctionnaire était douce et courtoise, mais l'éclat de ses yeux et les traits tirés de son visage, expression que même un rejeton aurais prise pour une insulte, trahissait le profond mécontentement de l'individu allié à une furieuse envie d'envoyer la requérante faire un tour au bureau des dormants.

 
Penthésilée

Le Julung 19 Marigar 1509 à 08h17

 
En signe de réflexions abyssales, la longue queue de Penthésilée trace des arabesques de plus en plus complexes, revisitant à l'envie la famille des nœuds marins les plus subtils et torturés qui soient. Sa propriétaire ouvre de grands yeux ronds, un tantinet déconfite par les multiples décalages offerts par la présente conversation :

- Décalage entre l'urgence - doux euphémisme - de la situation probable de l'Archonte Amalthur et la (très) modeste réaction du personnage. Ils ne sont certainement pas membres de la même famille, mais tout de même...
Est-ce donc cela, l'équilibre ? Les grands dangers sont traités avec mollesse, les futilités avec diligence ?

- Décalage entre l'intérêt relatif du tchae pour sa personne, et l'indifférence agacée du professionnel pour les problèmes qui lui sont posés. La jeune nelda note bien la modeste curiosité du petit rhon à son endroit, mais prend aussi la mesure de son embarras, qui confine au quasi désespoir. A l'évidence, le fonctionnaire n'aime pas son travail... et irradie, littéralement, l'ennui...

- Décalage, surtout, entre la culture de transmission orale Haut-Rêvante et les contraintes administratives locales, manifestement basées sur l'accumulation d'un nombre astronomique de documents écrits. Par Toh ! Règne-t-il un tel désordre en ces lieux... qu'il convient de le juguler ainsi, en multipliant les formulaires ? Mais qu'en fera-t-on, des nom (qu'elle n'a pas) et prénom de l'Onÿr de Korsyne, lorsqu'il s'agira d'assister l'Archonte ou de récupérer son corps au pilier ? Et qu'importe l'identité du messager, lorsqu'on vient offrir un présent au nom d'une cité entière ?
Quelle étonnante faction que celle-ci ! Si la Haut-Rêvante n''était pas déjà passée par la Perle, et n'avait eu affaire aux méandres tortueux de l'administration confraternelle, elle se serait déjà enfuie à toutes pattes sans demander son reste !

Mais elle demeure coite, se contentant de papillonner des cils le temps d'assimiler le sens des paroles du petit tchae. Puis elle acquiesce en dénouant machinalement son appendice caudal, prend les trois premiers formulaires et va s'asseoir à une table annexe équipée d'une plume et d'un encrier, certainement mis à disposition du malheureux public par manque de copistes...

Penthésilée n'a pas l'habitude d'écrire, cela lui prend du temps. Elle s'adonne à cette tâche avec l'application d'une écolière, plissant les yeux et par moments, tirant la langue. Si Ham' et Hem' l'avaient prénommée Kiki, elle souffrirait moins...

Les trois documents plus ou moins remplis, agrémentés d'un schéma simple et clair sur la dernière localisation connue de l'Archonte en détresse, la rhona revient au guichet avec le sourire radieux de celle qui vient d'affronter - et de terrasser - son pire cauchemar.


Penthésilée
Vigie du Rêve
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Penthésilée

Le Julung 19 Marigar 1509 à 08h34

 
C'est ainsi, le bras tendu pour donner ses trois formulaires au petit tchae, qu'elle perd son sourire et se fige soudain comme si la pointe d'une lame aigüe venait subrepticement lui chatouiller l'échine...

L'information, de source divinatoire, est tombée sur le consensus de l'Ordre : Arc'Rhon Amalthur est mort.

Achille dit :
Encore un qui n'a pas du écouter les conseils de son mou...
Il parait que plus le poussiéreux est bête, plus son symbiote est malin. On compense plus ou moins vos tares, pour le dire simplement.
J'en suis d'ailleurs la preuve vivante !


Penthésilée pose ses formulaires, l'expression quelque peu contrite par la sinistre nouvelle, et dit simplement :

Ma démarche est désormais inutile, hélas. Je viens d'être informée de la mort de votre dignitaire. Sans doute va-t-il prochainement ressurgir d'un pilier de poussière, ici même ou... près des murs de la Sainte.

Je suis désolée, ajoute-elle, doutant pourtant que le fonctionnaire se soucie le moins du monde du sort de son lointain supérieur.

Penthésilée
Vigie du Rêve
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Narrateur

Le Julung 19 Marigar 1509 à 14h37

 
Le guichetier après avoir quelques instants observé la nelda et ses mimiques s´était replié dans son activité - O combien intéressante - de tripotage de sa plume, jusqu´au retour de la belle nelda vers son comptoir.

***
S´apprêtant a récupérer les formulaires, il vit le visage de Penthésilée prendre une expression étrange, puis écouta ses dires sur la mort confirmée d´Amalthur.
***


Divination, consensus de l´Ordre, voilà déjà la moitié de la phrase de la rêvante incompréhensible aux vieux rabougri, insensible aux chose de sorcellerie et ignorant parfait des implications de la symbiose.

Pardonnez moi riemta, mais je ne saisi pas bien d´où viennent ces informations, divinations dites vous, un consensus de votre Ordre, serait´il dans votre tête que je n´ai ponit vu de messager ?


Une curiosité avide déformait les traits de l´individu, mêlée d´une incompréhension totale et d´un début de jalousie de se trouver en face d´une femelle, qui plus est, possédant ce type d´informations.

Grmbl, grmbl, j´y comprend plus rien moi a ce smilblick...

Bien un simple formulaire additionnel pour informer de la mort potentielle sera suffisant.


***
Dit -il, rédigeant lui même une courte note qu´il joint aux formulaires incomplets et glissa dans une des nombreuses cases de bois ornant le mur, sur celle ci une affichette signalait : URGENT, d´une belle encre vermeille.
***


Bien si nous voyons pour vos présents à présent...

Pouvez vous m´en dire un peu plus ?




 
Penthésilée

Le Julung 19 Marigar 1509 à 19h17

 
Penthésilée voit disparaître les trois formulaires identiques et le mot laconique dans l'alcôve en bois ; l'image d'une urne funéraire qu'on scelle pour sa dernière demeure dans quelque obscure caveau lui vient à l'esprit... exit le sort de l'Archonte Amalthur, réduit à la portion congrue d'un ensemble de lettres sur un vélin administratif. S'il ne ressort jamais d'un pilier, la jeune nelda aura - en quelque sorte - assisté à sa mise en bière.
Ô tempora, Ô mores...

Avisant le tchae aux traits changeants, elle s'interroge sur les raisons de son apparente déconfiture : ce n'est pas tant la nouvelle qui semble l'affecter, en elle-même, que l'explication sommaire de la rhona. Ignore-t-il donc ce qu'est la symbiose ? N'a-t-il pas remarqué Achille, le mou pervers et acariâtre, qui tourne dans ses jambes en se demandant ce qu'il va pouvoir mordre ou renverser ?
Plutôt que de jouer les éminences grises, la Haut-Rêvante se fend d'une explication :


C'est un sage de ma faction, celle de l'Ordre, qui a localisé précisément l'endroit d'où votre Archonte m'a envoyé un message de détresse. Et ce même sage a pu, en usant de la science divinatoire propre à la transe onirique, déterminer le décès d'Arc'Rhon Amalthur. Il a aussitôt transmis l'information sur notre consensus de pensées collectives, l'espace mental commun de tous les symbiosés Haut-Rêvants ; c'est ainsi que je l'ai su... ce matin même.

Afin de ne pas fâcher le fonctionnaire, qui pourrait s'offenser d'être ainsi l'objet d'un cours improvisé, l'Onÿr ajoute aussitôt :

Mais vous savez déjà tout cela, très certainement...

Jouant un instant avec sa queue, comme s'il s'agissait d'une écharpe de laine angora, elle marque une pause et poursuit :

Mes présents ? Oh, j'ai peur de n'en avoir qu'un... j'aimerais cependant l'offrir à vos habitants. Pour ce faire, le mieux serait de le consigner et de l'afficher, peut-être sur un panneau d'annonces, ou à l'auberge ? De la sorte, tout le monde ou presque en profiterait, et pourrait se l'approprier... ou l'oublier vite fait...

Voyant la mine perplexe de son vis-à-vis, Penthésilée s'empresse de préciser :

Il s'agit d'un conte original, que j'ai gardé en mémoire pour vous.

Penthésilée
Vigie du Rêve
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Narrateur

Le Julung 19 Marigar 1509 à 20h23

 
La symbiose, tout ça, tout ça, oui oui, bien entendu je savais.

Veuillez m´excuser de n´avoir pas fait le rapprochement...


***
Dit l´hurluberlu éberlué par les vas et viens du mou balafré, qu´il n´avait en réalité absolument pas remarqué avant que Penthésilée ne fasse référence à la symbiose.
***


Un conte dites vous,ouuii. Je vois, oui !


***
Un sourire avait fait son apparition sur la trogne du rabougris, état que son visage usé ne devait pas avoir connu depuis un certain temps au vu de la déformation qu´il occasionnait.
***


Il vous faut pour cela voir la responsable de la communication de la Mairie.
Vous pouvez vous y rendre, c´est le bureaux 487 bD.

Vous prenez le premier escalier montant à droite, puis c´est la deuxième porte sur la gauche.
Ensuite le troisième escalier de ce corridor et descendez un étage.
Quatrième porte à droite, vous ne pouvez pas la manquer, un écriteaux "Communication" y est affiché.


***
L´excentrique tchaë était au anges, peu de fois qu´il pouvait se permettre d´envoyer un visiteur se per..., heu se promener dans les méandres de la battisse.
***


 
Penthésilée

Le Julung 19 Marigar 1509 à 23h25

 
Penthésilée remercie le guichetier et s'engage dans l'intimité intestine de l'édifice, en quête du bureau susnommé.

Elle se trompe d'escalier, ou d'étage, et marque une pause... avant de choisir la porte qui lui semble le mieux correspondre à l'idée qu'elle se fait du matricule 487 bD. Elle frappe et de fait, une voix féminine l'invite à entrer. La jeune nelda s'exécute...

... et tombe en plein dans une réunion : autour d'une vaste table ovale sont rassemblés une bonne dizaine de personnages d'aspect variés. il y a des fonctionnaires, évidemment, mais aussi des... prêtres, et prêtresses... enfin, ça y ressemble, ainsi que... des soldats, ou des militaires ? Bref, comme un aperçu condensé de la société équilibrienne, telle que se l'imagine la rhona.

Tout le monde est assis et dans un bel ensemble, se tourne vers l'intruse. En bout de table, une tydale assez âgée se tient droite ; elle manipule une baguette qui lui sert manifestement à désigner des points précis, sur une belle carte géographique à l'échelle des terres de l'Equilibrium punaisée au mur. Lorsqu'elle voit la Haut-Rêvante, elle semble hésiter une seconde, puis se reprend et désignant une chaise vide positionnée entre un tchae ventripotent et un nelda à moitié endormi, dit d'une voix autoritaire :


- Ah, tout de même, vous voilà ! Prenez place, que nous puissions commencer sans perdre davantage de temps.

- C'est-à-dire que...

- Quoi donc ?!

- ...je cherche juste le bureau quatre-cent quatre-vingt-sept bé-dé... vous devez me confondre avec quelqu'un d'autre, je suis une visiteuse venue de Korsyne... une cité de la faction de l'Ordre des Haut-Rêvants...

- Ah, bon ! Revenez sur vos pas, tournez à droite et montez d'un étage. La responsable de la communication a déménagé, elle est dans le salon vert, juste à coté des archives. Vous ne pouvez pas vous tromper, c'est écrit sur la porte. Enfin, je crois.


L'Onÿr ressort sans demander son reste et prend la direction indiquée. Effectivement, après quelques minutes, elle tombe sur le fameux "salon vert" ; elle frappe à sa porte et s'apprête à l'ouvrir, se demandant ce qu'elle fera si personne ne répond...
Combien sont morts dans l'affreux dédale, tournant des semaines et des mois jusqu'à l'épuisement, sans jamais avoir trouvé ce qu'ils étaient venu chercher ?


Penthésilée
Vigie du Rêve
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Narrateur

Le Vayang 20 Marigar 1509 à 13h39

 
- Un instant.


***
Une voix s´exprime derrière la porte, qui s´ouvre presque instantanément sur une tydale.
Vêtue sobrement, mais avec gout, la Grise dévisage Penthésilée un instant avant de percevoir qu´il s´agit là d´une visiteuse étrangère.
***


Peu d´Equilibriens se risqueraient dans le dédale de la battisse sans un guide formé...

Par la Dame, une étrangère !

Ho excusez moi, je me nomme Alikana, donnez vous la peine d´entrer.


***
S´effaçant devant la rêvante, elle se dirige vers une petite table garnie de deux théières et de quelques bouteilles.
***


J´ai du mal à imaginer comment vous êtes arrivée jusqu'ici !
Asseyez vous, je peux vous offrir du thé, une tisane ?
Quelque chose de plus fort peut être ?


L´apôtre de la dame avait un regard doux et calme, une pro de la communication, sans aucun doute.

 
Penthésilée

Le Vayang 20 Marigar 1509 à 19h45

 
Compte tenu de sa maitrise imparfaite de la langue Shaï, Penthésilée n'est pas certaine d'avoir bien saisi le nom de son interlocutrice. Alikana ? Aussi la salue-t-elle traditionnellement, tête baissée et main sur la poitrine, tout en se limitant à une formule sobre et protocolaire :

Héjia, Arc'Rhona.

Ceci fait, elle observe brièvement l'équilibrienne, pour ne pas donner le sentiment de la dévisager. Elle semble sereine et posée, avec un regard bienveillant... c'est de bon aloi. La Grise tranche sur le fonctionnaire précédent, sans que la jeune nelda ne puisse attribuer l'assurance affichée par la dame à sa meilleure position hiérarchique, ou à son tempérament propre.

Mais peu importe, l'essentiel est d'être tombée sur la bonne personne. Souriante, la rhona avise la table dressée du salon, cossu et magnifiquement décoré de plantes grimpantes. Oh, elle prendrait bien une bonne amphore de vinasse... mais est-ce un breuvage vraiment adaptée à la situation ?


D'un ton aimable et respectueux, elle répond à la question posée :

Avec votre permission... je vous accompagnerai volontiers, si vous buvez vous-même, de toute boisson typique de votre belle cité, ou de votre faction. Choisissez pour moi, je me fie à votre goût et à votre intuition...

Mais permettez-moi de me présenter : Penthésilée, votre obligée. Je suis Onÿr de l'Ordre des hauts-Rêvants pour la ville de Korsyne, actuellement en visite sur vos terres et présentement, bénéficiaire d'un titre de déambulation temporaire délivré par le Preux du Crépuscule veiglaigh.

L'objet de ma venue est amical et culturel. Il n'engage que moi, au sens où je ne suis pas en mission officielle pour la Congrégation. Cependant, consciente de mes responsabilités envers les miens et en particulier envers les habitants dont j'ai la charge, je suis porteuse d'un présent haut-rêvant traditionnel ; il vient de l'Etoile du Désert et n'a d'autre ambition que de plaire à vos concitoyens.

Ce présent est un conte, une fiction à portée philosophique. Voilà pourquoi, très certainement, l'on m'a demandé de venir à vous : avant que de le faire connaître, j'imagine qu'il doit recevoir votre assentiment ? Les cultures de nos deux factions présentant des différences d'appréciation marquées sur le monde qui nous entoure, j'ai pris soin de choisir un récit bien précis... l'un des seuls, à ma connaissance, qui présente une image positive de Syfaria.


Ceci dit, la haut-Rêvante se tait, laissant la maîtresse des lieux gérer la suite des évènements comme elle l'entend.

Penthésilée
Vigie du Rêve
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Narrateur

Le Vayang 20 Marigar 1509 à 20h40

 
La grise prêta une attention toute particulière au propos de la visiteuse, il était rare pour elle de recevoir ici des étrangers et qui plus est offrant quelque chose de manière désintéressée.

***
La tydale servit deux verres d´une liqueur bleutée et s´approchant de la Haut-Rêvante lui tendit l´un d´eux.
***


Voilà un alcool typique, il est d´une douceur parfaite et alcoolisé a souhaits, vous m´en direz des nouvelles.

***
Alikana s´assit dans un des profonds fauteuils et invita Penthésilée a faire de même.
***


Je suis enchantée de faire votre connaissance, Onyr, bienvenue en cette ville, je souhaite que votre séjour soit sous les bons auspices de la Dame.

Et c´est d´un plaisir que de recevoir ainsi une visite désintéressée, qui plus est accompagnée d´un présent !
Il ne s´agit pas vraiment de mon assentiment, il me faudra en référer à mes supérieurs, cependant c´est bien à moi qu´il revient de transmettre ce genre de choses.

Enfin, je ne vous cache pas qu´il s´agit là d´une première a ma connaissance.

Avant que vous ne me livriez le contenu de ce conte, j´aimerais savoir comment vous voyez sa diffusion, encore une fois, je ne me souviens pas que cette cité ai déjà reçut pareille requête.

Un affichage de parchemins peut être, mais le budget d´une telle entreprise n´est pas négligeable.
Une diffusion par nos artistes serait préférable et mieux en vue.

Qu´en pensez vous ?


 
Penthésilée

Le Vayang 20 Marigar 1509 à 22h08

 
Penthésilée goûte la curieuse liqueur : en effet, elle est d'une grande douceur... capiteuse à souhait, délicate au palais, mais... incendiaire à la descente ! L'arrière-goût est un délice, difficile à identifier, avec des notes de fruits rouges et de baies printanières. Evidemment, qui mieux que l'Equilibrium peut marier les saveurs des plantes et en extraire le meilleur alcool ?

La jeune nelda ferme les yeux pour mieux profiter de sa boisson, prenant son temps. Elle écoute doctement la Grise, non sans une pointe de mélancolie : dans les temps anciens, avant l'avènement de la symbiose, les voyages étaient extrêmement rares ; il n'est pas surprenant qu'aucun Haut-Rêvant n'ait jamais apporté de conte dans sa besace, si tant est qu'un sage de l'Ordre soit jamais venu jusqu'ici. Désormais, la télépathie écrasant les distances, la transmission orale du savoir se perd... et les contes, à mi-chemin entre les leçons de chose et les récits oniriques, sombrent dans l'oubli.

Laissant ses tristes pensées se dissoudre et s'évaporer dans les vapeurs de l'alcool fort, l'Onÿr revient dans la conversation et réfléchit aux dernières paroles de son hôtesse : en effet, la rhona ne s'est pas posée la question de ce qu'il convenait de faire, à propos de son présent...
La suggestion de la tydale est excellente : un conte est fait pour être... conté, plutôt que lu. Le donner aux bardes et aux troubadours est encore la meilleure façon de lui prêter vie, d'autant qu'ils pourront alors le jouer à leur façon, voire même le retoucher à la sauce équilibrienne.
Enthousiaste, Penthésilée commence à agiter la queue en tous sens, au risque de renverser son verre :


Transmettre le conte à vos artistes est le plus bel hommage que vous pourriez rendre à son défunt auteur, et sans doute la meilleure manière de le faire circuler. De plus, s'il ne convient pas à vos façons ou n'a pas l'heur de plaire à vos pairs, les troubadours l'auront vite retiré de leurs répertoires : ainsi, il ne connaitra auprès des vôtres... que le destin qu'il mérite.

Je ne peux qu'approuver une telle idée !


Penthésilée
Vigie du Rêve
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Narrateur

Le Sukra 21 Marigar 1509 à 17h36

 
Bien si elle vous convient, nous procéderons donc de cette manière.
Enfin, si comme je l'espère votre présent correspond à ce qu'il est possible qu'une institution diffuse.

Vous vous en doutez, bien entendu !


La tydale était sincère, elle trouvait la démarche de Penthésilée très intéressante et priait la Dame que ce conte soit à la hauteur de ses espérances.
Et diffusable...

Je vous écoute, si vous voulez bien.

 
Penthésilée

Le Sukra 21 Marigar 1509 à 19h21

 
Penthésilée hoche la tête et précise, avant d'aborder le vif du sujet :

Oh, point n'est peut-être besoin d'engager votre institution en tant que telle ?

D'ordinaire, il appartient aux récipiendaires d'un conte Haut-Rêvant d'en extraire et d'en saisir les composantes philosophiques. C'est ainsi qu'une part non négligeable de notre éducation est menée. Je serais tentée de vous en décrypter les grandes lignes et d'en expliciter les nombreux messages ; mais par respect envers Arc'Rhon Neij, qui me l'a transmis dans un but pédagogique, et par considération envers votre intelligence, je vais le narrer sans plus attendre et vous laisser seule juge de son intérêt et de sa pertinence.

Cela n'est pas habituel, mais ce conte porte un nom...
Il s'intitule :

Le meilleur des mondes


La jeune nelda se lève, se concentre, pose sa voix et entame son récit avec toute l'intensité et l'émotion voulues :


*** ***


Un jour, sur le chemin menant de Korsyne à Farnya, un jeune et vaillant camelot nelda entreprit de traverser en droite ligne le vaste désert de Laommain.
Il était membre de l'Ordre des Hauts-Rêvants et se nommait Sénéchal.

Sa foi le portait tout naturellement vers Grior, le divin principe de la Durée, allégorie du temps qui passe et permet la transformation – pour le meilleur et pour le pire – de toute chose. Grior, celui par qui tout est donné, par qui tout est repris. Grior, celui qui permet aux rêves... ou aux cauchemars, de se réaliser.

Notre brave camelot, donc, s'engagea dans le désert.
Et s'y perdit.

A court de vivres, épuisé par une longue marche éreintante, il dérivait en trainant des pieds dans le sable. Les deux soleils lui mordaient cruellement le cuir et, sous leur joug brûlant, le malheureux voyait son espoir s'amenuiser en même temps que ses chances de salut. Il maudissait son choix, arguant de son audace imbécile et suicidaire, cause de son présent malheur et de son prochain trépas. Il se maudissait lui-même et, tourmenté par la promesse d'une mort lente et cruelle, accusa finalement Grior : si son divin principe l'avait mieux protégé, il lui aurait inculqué la patience, et le jeune imprudent n'aurait pas choisi de raccourci indu.

Ses pas erratiques le menèrent dans un chott perdu, caché aux regards curieux par de hautes dunes aux crêtes dentelées. Là, sous ses yeux ébahis, se révéla la plus étrange et fantastique bâtisse qu'il lui fut donné de voir au cours de son existence :

Une tour. Une ziggourat, plutôt. Une cathédrale de verre, altière et magnifique, plantée dans le sable comme un point d'exclamation et taquinant les nuages de son faîte éthéré. Elle était d'une irréelle transparence, chatoyante et irisée. Elle se dressait telle une lance de diamant perforant le ciel, dans la lumière des soleils déclinants...
Qui avait pu bâtir une pareille structure ? Pourquoi n'était-elle point connue, répertoriée sur les cartes, visitée comme le plus somptueux des monuments syfarien ? Pourquoi n'était-elle pas l'objet de légendes, ou le lieu de grands pèlerinages ? Et comment tenait-elle debout, belle et linéaire jusqu'à l'absurde ?

Confronté au saisissant spectacle de l'impossible architecture, Sénéchal se frotta les yeux comme un moush'tin apeuré. L'édifice était certainement fait de verre, ou de cristal soufflé. Translucide, il laissait apparaître ses entrailles et le paysage d'arrière-plan, déformés par les reflets et les réfringences multiples de sa matière. Sa base devait mesurer plus de cent pieds de diamètre ; quant à sa hauteur, elle défiait le bon sens et même, l'imagination.

Le nelda en fit le tour. Une fois, deux fois... avant d'apercevoir – d'entrapercevoir – l'entrée. Elle était taillée en ogive, rehaussée de voussures aux décors insensés. Ses hauts-reliefs exposaient des scènes historiques complexes, difficiles à décrypter, comme intriquées : ici s'étalaient des batailles, là des cérémonies, des migrations... Le jeu complexe des lumières infiniment réfléchies annihilait toute tentative rationnelle d'interprétation.
Sénéchal, perdu dans la contemplation de l'indescriptible portail, en oublia sa soif, sa faim, sa fatigue et sa peur. Cessant de s'apitoyer et d'accabler Grior, il s'avança vers l'ouverture et pénétra dans l'incroyable tour.

L'intérieur, à la grande surprise du camelot, se révéla moins spectaculaire.
Mais plus inquiétant.

Moins spectaculaire, parce que la farandole de couleurs et d'arcs-en-ciel promise par la structure cristalline n'était pas au rendez-vous : le paysage extérieur apparaissait nettement, clairement, à peine altéré par quelques déformations à la limite du perceptible. Qu'il s'agisse de verre ou de cristal, la matière des murs s'avérait d'une transparence... asymétrique. La tour cachait ses entrailles à ceux qui n'osaient l'investir. Mais s'ils entraient, ils bénéficiaient d'une vue parfaite sur les environs.

Plus inquiétant, parce que Sénéchal découvrit au centre géométrique de l'édifice une sorte de gigantesque charnier.
Ou plus exactement, un ossuaire.

Des os. Des os de toutes tailles, intacts ou brisés, disposés en tas, pèle-mêle. Ils témoignaient à l'évidence de nombreux drames passés. Bien des gens étaient morts ici, de façon manifestement violente. Certes, le haut-rêvant n'était pas soigneur, et n'avait aucune compétence particulière en matière de médecine légale. Mais point n'était besoin d'avoir usé ses culottes à l'université pour reconnaitre un fémur brisé, un tibia fendu, un crâne perforé. Combien, ici, avaient tutoyé la grande faucheuse ? Un millier, plusieurs milliers d'individus ? Neldas, tydales, tchaes ? Nemens ?
Quelle folie avait orchestré leur génocide ?

Parmi les vestiges d'albâtre, quelques reliques refusaient obstinément de se dévoiler : cet os oblong aux plis perlés de petits trous, comme poinçonné par un douanier dément... quel genre de piéton l'avait perdu ? Et celui-là, ressemblant à un thorax surmonté d'un tripode... sous quels soleils était-il né ? En cherchant bien, le nelda repéra un nombre conséquent de crânes incontestablement neldas. Mais ils étaient noyés dans la masse, perdus parmi d'innombrables têtes blanches orphelines, sans parenté désignée.
Nulle fragrance, nulle odeur méphitique ne flottait dans l'air. Depuis des éons, le temps avait dissous les chairs de ces pauvres hères. Il n'en restaient que les os, pâles, crayeux et desséchés.

Interdit, Sénéchal puisa dans ses souvenirs, cherchant dans sa mémoire faillible quelque donnée cachée susceptible de l'éclairer. En vain. Tant la ziggourat de verre que le charnier fossile n'avaient de sens. Il aurait pu se croire dans un rêve, si... s'il avait su rêver. Mais voilà, il ne savait pas. Le monde du mensonge lui crachait une absurdité en plein visage, et le pauvre nelda ne pouvait même pas s'essuyer.

S'ébrouant mentalement, il s'intéressa au contexte : la folle cathédrale n'était pas qu'une extraordinaire fenêtre sur le monde extérieur, elle était aussi nantie d'un escalier monumental, spiralant sur son pourtour intérieur en une translucide élévation se perdant à son zénith. La tour de verre était une tour scalaire. Lorsqu'il en prit conscience, Sénéchal se perdit dans des abimes de réflexions : la bâtisse n'était-elle donc que cela ? Un poste de guet ? S'agissait-il d'un phare, plutôt, taquinant le ciel d'un pinceau lumineux ? L'ensemble était-il une sorte de plante, drainant la lumière du jour dans son étrange écorce, l'emportant vers les sommets, et redistribuant l'énergie ainsi collectée à des distances impossibles ?

Un escalier...

Prenant son courage à deux pattes, le haut-rêvant s'y risqua.

Un peu tremblant, un peu fiévreux, il attaqua une première marche, une seconde, une troisième...
A la quatrième, il s'arrêta net : un mouvement fugace, furtif, attira son attention. Quelqu'un se déplaçait à l'extérieur.
Plissant des yeux, la main en visière, Sénéchal espionna l'importun. Ce dernier lui était familier... et pour cause : c'était lui-même ! Le camelot, interdit, observait son double parfait venir vers lui depuis les dunes proches, comme s'il visionnait un enregistrement de ce qu'il avait fait quelques heures auparavant !
Aussitôt, le nelda fit un pas vers le bas, pour redescendre. Instantanément, son image antérieure entama une marche à rebours, repartant en arrière vers le désert insondable. Par les Quatre ! Quel étrange prodige présidait à cette incroyable illusion ?

Lorsque Sénéchal montait, les murs de verre lui donnaient l'image d'un temps à l'écoulement inversé. Les soleils de Syfaria roulaient soudain dans le mauvais sens, se précipitant vers le levant comme s'ils étaient pris de folie. Lorsqu'il descendait, les évènements extérieurs reprenaient leur cours naturel. S'élever, c'était aller vers le passé. Revenir vers le plancher et l'ossuaire, c'était retourner vers le présent...
Tout se passait comme si la matière translucide de la tour scalaire piégeait la lumière : à sa base, elle la laissait passer sans retard. Mais plus haut, elle la conservait, avant de la délivrer. D'abord un peu, puis plus longtemps. Le phénomène était d'autant plus marqué que l'on montait. Ainsi, s'élever par l'escalier spiralant, c'était observer un paysage extérieur issu d'un passé... de plus en plus lointain.
Lorsqu'il comprit cela, le haut-Rêvant en fut positivement bouleversé ! Les créateurs de cette invraisemblable Ziggourat disposaient d'une science fantastique ! Elle n'était pas une cathédrale, ni même une tour : elle était une machine à visionner l'histoire du monde, dans un sens ou dans l'autre, d'aujourd'hui à... ses origines ?
Jusqu'où, dans son ascension, Sénéchal pourrait-il remonter le temps ?
Comment le savoir ?

En montant.

Alors le nelda monta. Il attaqua les marches au petit trot, s'amusant de voir les les étoiles courir à rebours, la pluie tomber vers le haut, les cactées s'enfouir dans le sol, les dunes bouger, mourir et naître. Après quelques minutes, il vit passer des gens, à toute allure, en groupe et en paquets : une armée... une armée ? Il fit une pause et se figea pour l'observer :

C'était une troupe, en effet. De ses cours d'histoire, Sénéchal avait souvenance de cette expédition militaire, lorsqu'il s'était agi de pacifier les marges sud de Korsyne pour y bâtir un premier village. Le nelda jura : Par Toh ! Ces guerrières caparaçonnées et lourdement armées, comme sorties d'une vieille légende, avaient foulé le sable du désert quatre ou cinq siècles avant sa naissance ! A cette hauteur, l'indicible matière vitreuse qui composait la tour retenait la lumière en son sein... depuis l'aube des temps poussiéreux ! Quelques dizaines de mètres encore, et l'audacieux voyageur pourrait voir un monde antérieur à la venue des siens !

La troupe passa, en bon ordre. Sénéchal prit son temps, s'attardant sur chaque visage, ému à l'idée d'assister à quelque chose d'unique et de merveilleux. Toutes ces Sentinelles étaient jeunes... mais aujourd'hui, il n'en restait rien. Pas même de la poussière. Que le nelda redescende d'un ou deux pas, et elles mourraient, rattrapées par la morsure cruelle du temps qui passe...

Il se risqua à jeter un coup d'oeil en contrebas. Fichtre, qu'il était haut ! Le grand ossuaire du rez-de-chaussée n'était plus qu'une tache blanche, entourée d'une spirale abyssale. Pris de vertiges, le camelot s'adossa au mur et inspira profondément. Puis, par curiosité, il fit marche arrière et recula de quelques mètres : il désirait revoir l'armée, avant d'aller plus haut.

Elle repassa.
Mais elle avait changé...
Quelques personnages différaient. Leur chef n'était plus vêtue de vert, mais de pourpre. Les lancières n'étaient plus en tête, elles fermaient la marche. Et les archères semblaient moins nombreuses. Pour ce qu'en perçu le nelda, à bonne distance des plus proches guerrières, la troupe n'avait plus l'allant ni l'enthousiasme de sa précédente vision.

Brusquement dégrisé, Sénéchal senti comme des serres de glace lui fouailler les entrailles. Tenaillé par un mauvais pressentiment, il poursuivit vers le bas, bien décidé à mettre le doigt sur ce qui clochait.
Il fut vite fixé : L'histoire bifurquait !

En revenant vers le présent, le rêvant découvrit une version modifiée de la réalité antérieure. Il y avait plus de monstres, incontestablement. Les soleils étaient plus pâles. Des plantes nouvelles apparurent, dans une version accélérée d'un film qu'il n'avait pas vu en montant vers les cimes. Pas à pas, le haut-Rêvant descendait vers un présent qui n'était pas le sien. Il marchait droit vers une histoire altérée, mutilée et qui, plusieurs signes en attestaient, semblait nettement plus dure que la sienne...
A trois marches du sol, le nelda s'arrêta. Il se vit courir à l'extérieur, en direction de la tour. Une sorte de tigre à six pattes, pourvu d'une gueule énorme, le poursuivait. L'être immonde le faucha et l'égorgea sous ses yeux, avant de le dévorer tout cru.
Dans ce nouveau présent, Sénéchal n'existait pas.
Sortir, c'était mourir.
Il n'avait plus qu'à monter...

Effondré, le pauvre camelot repris son ascension. Si la machine infernale disposait d'une sortie, elle était à la cime. Il gravi l'escalier jusqu'à retrouver son armée, mais... plus tard. Et plus mal en point : Les guerrières souffraient, elles étaient blessées, leur troupe décimée. Le nelda les laissa à leur triste sort.
De temps en temps, il redescendait de quelques pas, ou dizaines de pas, pour voir...
A chaque fois, c'était le même constat : faire marche arrière, c'était s'engager vers une nouvelle version de l'histoire. Une version assombrie, obscurcie, toujours plus dure et plus cruelle. Une version qui l'incitait aussitôt à reprendre sa fuite en avant. En avant vers le passé.

Perclu de fatigue, il montait. Depuis combien de temps ? Mystère. Les êtres qu'il voyait parfois passer à l'extérieur, le temps d'un battement de cils, lui étaient inconnus. Des montagnes naissaient, poussaient comme des champignons, puis s'affaissaient. Ou le contraire. Des cours d'eau serpentaient fébrilement, avidement, comme des rigoles de pluie sur une vitre tordue. Le monde était laid. Il s'enlaidissait à chaque tentative de retour, comme si l'histoire connue de Sénéchal était la plus sympathique, la plus agréable, la plus acceptable qui soit. Comme si, dans un ensemble infini de destins monstrueux et abjects, elle était la moins pire.
Comme si son monde, au final, était... le meilleur des mondes.

Et ce monde n'était plus. Il l'avait perdu dans le dédale insondable d'un passé d'épouvante, qui s'échinait à ne pas vouloir se remettre sur les bons rails.

Deux jours durant, de son point de vue, le rêvant monta. Il ne sentait plus ses jambes, et le reste de son corps n'était que ruine. Le paysage extérieur n'avait plus aucun sens : ce n'étaient que tourbillons, étincelles, choses informes. Contemplait-il le berceau primordial ? S'il avait été suffisamment cultivé pour mettre un mot sur ses visions, sans doute les aurait-il baptisées : chaos.

Au troisième jour, il vit le sommet. Une journée supplémentaire lui fut nécessaire pour l'atteindre.
C'était une sorte de belvédère, un balcon étroit et circulaire qui courait le long du mur sur un tour complet. L'édifice se finissait en pointe, avec un toit de verre segmenté comme l'embase inversée d'un diamant. Sa flèche sommitale était d'une absolue noirceur, et l'origine des temps se cachait aux yeux fatigués du marchand, derrière un pudique paravent d'obscurité.

Dans un ultime accès de pathétique espoir, le nelda cessa d'avancer. Il esquissa, un instant, le geste de redescendre. Aussitôt, la noirceur du sommet lança des filaments d'ombre jusqu'à son niveau, striant les vitres et le chaos extérieur de veines arachnéennes et malsaines. L'horreur envahissait le monde, et promettait une histoire si laide que sa seule évocation tétanisa Sénéchal. Faire demi-tour, c'était souiller l'entièreté du temps. Il n'était pas question d'assister à ça.

Il n'aurait jamais du monter.
Il n'aurait jamais du venir.
Il n'aurait jamais du vivre.
Il n'aurait jamais du naître.

La solution lui vint comme un éclair dans la plus noire des nuits d'orage.

Le Haut-Rêvant confia son âme à Grior puis, enjambant le garde-fou, se précipita dans le vide.


Penthésilée
Vigie du Rêve
Chroniques

 
Narrateur

Le Dhiwara 22 Marigar 1509 à 23h46

 
La Grise écouta captivée la narration de la nelda, en dehors de la qualité du conte en lui même la Haut Rêvante donnait une vie toute particulière à son récit, comme si elle l'avait vécu elle même.

Je suis conquise, c'est une merveilleuse histoire !

Dont la fin n'est pas si triste qu'elle peut le parraitre au premier abord n'est-ce pas ?

***
Tout en disant cela elle se leva et manda d'une voie claire par la porte entrouverte un copiste.
***

Il fallait bien entendu qu'elle en réfère, mais elle ne doutais point trop de pouvoir passer cette œuvre aux artistes Equilibriens.



 
Penthésilée

Le Luang 23 Marigar 1509 à 08h12

 
Penthésilée reprend contact avec le contexte et sourit à la Grise :

Sashi, Arc'Rhona. En effet, la fin est cruelle, mais n'est pas triste. La mort du camelot entérine et matérialise sa conviction profonde, qui est le message premier délivré par le conte : Syfaria, aussi imparfaite puisse-t-elle nous apparaître, est ce qui nous est donné, dans un ensemble infiniment vaste de mondes autrement plus abjects et cauchemardesques. Elle est le meilleur des mondes, parce qu'elle est le nôtre, et que - d'un point de vue matériel - nous n'en avons pas d'autres.

Arc'Rhon Neij usait de ce conte pour contrecarrer les Hauts-Rêvants tenants d'une position extrême, des fanatiques qui rejettent le monde au point de lui nier tout intérêt et toute vertu. Cela n'est pas conforme à notre philosophie, qui prône l'implication dans l'existence matérielle à titre d'épreuve, et son observation fine comme facteur d'édification spirituelle : qui pourrait vouloir dénoncer le mensonge de la matière de façon crédible sans la prendre, au sens propre et figuré, à bras le corps ? Se voiler la face est indigne d'un être civilisé. Se cacher la tête dans le sable n'a jamais rendu quiconque plus intelligent.

J'espère sincèrement que ce récit, riche en interprétations diverses, n'est pas offensant pour votre culture ; j'espère surtout qu'au-delà de sa prétention philosophique, il séduira les vôtres... car s'il déplait, il ne fera qu'un bien pauvre présent.


Levant son verre de liqueur, la jeune nelda conclu avant d'en boire une nouvelle gorgée :

A Syfaria. Le meilleur des mondes.

Penthésilée
Vigie du Rêve
Chroniques

 
Narrateur

Le Matal 24 Marigar 1509 à 04h10

 
***
La tydale trinque de tout cœur avec Penthésilée, il est vrai que les interprétations possibles du conte sont diverses et variées, mais pour ce qu'elle en ressent, il est un écho à la recherche de l'équilibre, ligne de mire de toute son éducation.
***


Les miens, je ne sais, mais vous avez conquis au moins une Equilibrienne avec votre récit, sans aucun doute.

L'auteur devait être un grand sage pour user de cette manière de récit symboliques pour lutter contre le déséquilibre qu'est l'extrémisme, mais pardonnez moi si je me trompe, mais la congrégation n'est elle pas connue pour une certaine forme de conformisme ?

Qui tend assez rapidement si l'on n'y prend garde vers un extrémisme maquillé ?
Surtout ne le prenez point comme une critique, mais bien comme l'interrogation d'une profane curieuse et bien trop peu instruite.

Il est vrai que pour les symbiosés aujourd'hui, il est bien plus aisé de voyager et de découvrir de nouvelles cultures...


***
Durant la conversation, un vieux nelda trapu se faufila discrètement tant bien que mal et se plaça derrière un pupitre, installant plume et encrier en attente de receullir le récit que le Haut Rêvante se devrait de conter une fois de plus pour en permettre la copie.

Dure réalité des non symbiosés incapables de faire voyager une missive aux quatre coins de l'île en quelques clignements de cils.
***


 
Penthésilée

Le Matal 24 Marigar 1509 à 08h23

 
Penthésilée réfléchit bien avant de répondre à la question de la Grise. Résumer les paradoxes de la philosophie religieuse de la Congrégation en quelques mots est une tâche malaisée que la jeune nelda n'est pas sûre de pouvoir satisfaire de façon correcte ; elle se replonge dans ses leçons...

Fort heureusement pour l'Ordre, la grande majorité des nôtres récuse les positions extrémistes. J'en distingue quatre, liées à notre écartèlement permanent entre deux grandes orientations historiques ; l'une est collective, l'autre individuelle :

Collectivement, nous oscillons entre un désir d'investissement fort dans le monde de Syfaria, jusqu'à y perdre notre identité culturelle, et un désir plus puissant encore de repli sur soi jusqu'au retrait total. Le premier tropisme tient à notre ancrage physique dans cette réalité, et à notre grande vitalité naturelle ; le second est lié à notre quête onirique, qui assimile la matérialité qui nous entoure à un vaste mensonge.

Individuellement, nous oscillons entre la bestialité, héritée de notre passé récent, et la spiritualité absolue, synonyme de perte et d'abandon de soi dans le deuxième monde. Notre part animale se rappelle volontiers à nous, avec les conséquences que vous pouvez imaginer si nous la laissions gouverner nos vies. Le Rêve, lui, happe sans pitié ceux qui se donnent à lui sans retenue ni perception de leurs propres limites...

Mon Précepteur Neij disait quelque chose qui vous aurait plu, je crois : la voie du sage est la voie du milieu. Par sage, il entendait : celui qui met son intelligence au service de la vertu. Par milieu, bien entendu, il voulait mettre en garde contre les quatre écueils promis par les deux tendances croisées dont j'ai précédemment parlé.

Je m'efforce de mettre ses principes en application, mais ce n'est pas toujours facile !


L'Onÿr finit tranquillement son verre, usant de cette pause bienvenue pour organiser ses pensées :

Arc'Rhona, que voulez-vous dire, par "conformisme" ? Que notre société est conforme à... telle ou telle autre ? Nous sommes plutôt taxés d'isolationnisme, ou d'indifférence, parfois d'opacité...
Est-ce bien ce dont vous parlez ?


Sa queue panachée s'arque souplement en grand point d'interrogation, comme pour souligner les propos de sa propriétaire intriguée.

Penthésilée
Vigie du Rêve
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