|
|
|
|
Le Dhiwara 13 Fambir 1511 à 13h27
 |
|
 |
 | Grith était un jeune garçon débrouillard. Un petit gavroche des Basses Fosses. Sur les marchés, rares étaient ceux qui ne l'avaient pas déjà croisés. Il allait et venait. Être de mèche avec le Compagnon coursier et quelques militants servaient à se faire une place au milieu du Désordre. A force de côtoyer la Rue, il avait fini par la connaître par coeur. Un avantage décisif pour qui passe son temps à livrer des parchemins, des paquets, des informations.
Ce jour là, il devait servir de guide à deux étrangers. Et pour seul indication, il savait qu'ils venaient de l'Equilibrium et que l'un d'eux était un nelda. Une silhouette normalement aisément reconnaissable. Lorsque Grith arriva à l'Arbre Rouge, après quelques échanges de rumeurs avec des travailleurs sur la Place des Tertres, il n'eut pas de mal à les trouver. Et aussi curieux que cela puisse paraître, c'était le gamin qui les regarda de haut. Qu'ils fussent érudits ou grands diplomates, Grith s'en fichait. D'autant qu'il n'était pas venu pour les admirer ou leur jouer de la flûte. Alors autant les larguer à bon port et retourner dans la foule.
Quelques mots troqués contre un hochement de tête, la paire d'Equilibrien se laissa mener par le jeune coursier de fortune. Ils sortirent de la Place des Tertres par le nord, et une rue étroite débouchant sur une grande allée. Après quelques minutes de marche -à bonne allure-, le brouhaha constant des marchands fut remplacé par un calme apparent que des appels et autres interjections rompaient par accoup. Grith savait exactement par quel chemin passer pour s'éviter le moins de désagrément. Aussi eut-il paru aux deux étrangers que le Quartier dans lequel ils allaient semblait plus paisible.
Au bout d'un moment, ils arrivèrent à un endroit où toutes les rues étaient pavées. Le gamin les mena par un chemin qui montait doucement vers une rangée de bâtisse cachée derrière des grilles. La Maisonnée des Pierres était une d'entre elle. Pas de portail, un jardin asséché, quelques marches. La façade était celle d'une vieille demeure, pourtant l'entretien des lieux laissaient à désirer, comme si la seule chose qui importait était d'avoir accès à la porte d'entrée.
Un autre tchaë ouvrit, un contour de barbe grise, et le visage de quelqu'un qui voulait une explication. Puis un soulagement en voyant Grith au coté des deux étrangers. Le vieux sociétaire les fit entrer. Contrairement à l'extérieur, l'intérieur de la barraque était bien plus vivant. Même si il n'y avait pas vraiment de sens ou d'organisation en apparence. Des bureaux étaient disposés un peu partout. Comme si l'on avait cherché à en faire rentrer le maximum dans un minimum de place. Des piles de livres un peu partout, des gros paniers de pierres diverses. Partout ici, cela travaillait. Des regards furtifs en direction des deux inconnus qui suivaient Grith. C'est dans le salon qu'ils trouvèrent, au delà de trois bureaux et autant de sociétaires en pleine étude, la silhouette du Sieur Terenor -qu'au moins l'un des deux pouvait reconnaître-, debout devant un meuble rempli de dossier. Un ingénieur à lunette, une bonhommie qui contrastait avec son regard songeur -ce tchaë là ne cessait jamais de ruminer son travail-, et un sourire que l'on pourrait qualifier de forcer. Cependant, un sourire quand même. Et point trop soutenu, car il n'avait pas pour habitude de donner des fausses joies. Par pur pragmatisme, il valait mieux que ses interlocuteurs sachent qu'il n'appréciait pas perdre son temps. Du moins, ce sourire signifiait peut être aussi qu'il était un point moins rigide sur ces principes là. Une bonne augure pour cette rencontre?
Fermant le dossier qu'il tenait, l'Expérimentaliste jaugea ses "invités" -après tout, ce statut leur convenait bien-. Il avait croisé Laelieth. Quant à l'autre ce ne pouvait être que N'raa. D'ailleurs ce nom lui disait quelque chose. Des pensées récentes avaient fait jaillir ce nom. Mais à quel sujet? Si il ne s'en souvenait pas, ce ne devait pas avoir grande importance.
Le Frère Galchik hocha la tête pour les saluer, puis remit quelques girasols à Grith qui ne demanda pas son reste et quitta les lieux.
Ah! Sans lui, vous auriez eu du mal à trouver la Maisonnée.
Rares sont ceux qui savent qu'elle abrite une Loge. Estimez vous privilégiés!
Venez, nous allons monter à l'étage.
A nouveau un sourire. Décidément, Tchik devait être de bonne composition ce jour ci. Il les guida jusqu'à l'escalier, qu'ils grimpèrent rapidement. Ce faisant, l'ingénieur fit à nouveau une chose qui n'était pas dans ses habitudes : il entretint la conversation.
Alors...
...puis-je savoir ce qui vous a amené à Farnya?
Interrupteur Enclenché!
 | |
 |
|
 |
|
|
|
Le Luang 14 Fambir 1511 à 23h10
|
|
|
| N’raa referma le fil de pensée. Le rendez-vous était pris. Un mélange de satisfaction et d’appréhension l’envahit : il avait déjà vu Tchi…,-non Sieur Terenor, se reprit-il- à l’œuvre et pût admirer l’implacable logique de son esprit presque mécanique, la finesse et la précision avec laquelle il mesurait les choses et par corolaire, son désintérêt pour ne pas dire son dédain des pensées non rationnelles. Oui, N’raa avait perçu tout ça et ca le mettait dans une position inconfortable. Le personnage semble avoir des sautes d’humeur, il en avait eu un aperçu dans la pensée qui maintenant s’étiole et ce n’est pas le sens du contact qui pourra être d’un grand secours.
Il s’approcha de Laelieth et lui expliqua la situation. Par chance ils étaient déjà sur le lieu de rendez-vous : à l’ombre de l’arbre rouge dont les feuilles sous le vent semblaient dessiner d’étranges symboles sur la place. Il réajusta sa cape, l’air frais devenait piquant, bientôt il y aura une épaisse couche de neige, peu pratique pour les voyages en montagne pensa t-il.
Il observa un moment la déambulation des habitants. La vie ici avait des points communs avec celle de Syrinth mais l’agitation, les bruits d’objets en mouvements et surtout les détonations que l’on entendait de temps à autre ne pourraient pas avoir lieu dans la Sainte.
Tout à ses pensées, il aperçu distraitement l’arrivée d’un jeune garçon à l’allure vive et au regard franc. Son changement d’expression confirma à N’raa qu’il s’agissait de son guide. Avec un air un peu effronté il les invita à le suivre. Amusé le Nelda lança un regard à sa compagne et sa réaction élargi encore son grand sourire.
Ils le suivent dans un dédale de rues plus ou moins larges et animées. Le petit connait parfaitement la citée et file à vive allure si bien qu’ils manquent, à plusieurs reprises, de le perdre dans la foule en mouvement.
Finalement après un périple plein de bruits, de couleurs et d’odeurs propre à la ville, ils arrivèrent devant une bâtisse en retrait de la rue, d’allure quelquonque et centrée sur une petite porte en bois que le gamin désigne du doigt. Ils passèrent l’entrée sous l’œil d’un Tchaë soupçonneux – Sieur Terenor a donc des personnes qui travaillent pour lui, probablement nota mentalement N’raa- et pénétrèrent dans ce qui aurais du être une vaste pièce si elle n’était pas devenu un lieu de travail encombré de toutes sortes d’objets et en particulier des livres. Ici aussi quelques Tchaës semblaient affairés.
Des livres il y avait également à l’étage et derrière une de ces piles de connaissances parcheminées Sieur Terenor les accueillis.
N’raa le reconnu immédiatement. Son allure atypique le rendait facile à mémoriser. Le premier contact se passa mieux que ce que redoutait le Nelda, Sieur Terenor usant d’une politesse qu’il devait probablement juger inutile et archaïque. N’raa redoutait une humeur versatile, que l’interrupteur se déclenche au moindre illogisme, c’est pourquoi il prit le temps de réfléchir avant de répondre :
Permettez-moi avant toute chose d’exprimer toute ma gratitude, je suis très honoré que vous ayez accepté de nous recevoir
*** – il marqua ses propos par un geste de déférence marqué mais en évitant de trop l’appuyer-
Puis reprenant aimablement : ***
Pour notre venue, disons que c’est pour que je puisse bien faire mon travail : étudier la sorcellerie, la civilisation Nemens. Je pense qu’il faut d’abord avoir une vue d’ensemble et cela inclus la manière dont est perçue et utilisée la sorcellerie dans les différentes factions. Je pense aussi que nous avons, les factions j’entends, beaucoup à nous apporter dans l’échange et suis intimement convaincu que notre force résidera dans le futur à pouvoir s’unir. Et de ce point de vue, regarder ce qui s’est passé à Arameth comme un prélude.
En ce qui concerne votre faction, je suis particulièrement intéressé par votre capacité à faire interagir l’inanimé et la sorcellerie : c’est pour l’instant un prodige qui m’échappe.
- Un moment il pensa lui dire qu’ils s’étaient déjà croisés même s’ils n’avaient pas à l’époque échangés, mais il s’abstint car c’était sauté du coq à l’âne et donc pas une bonne idée-
N'raa
Chercheur du Masque
Maître Alchimiste au service de la Dame
Fil du choix de potions | |
|
|
|
|
|
|
Le Dhiwara 20 Fambir 1511 à 22h19
|
|
|
| Pour le moment, il n'avait pas de raison d'étudier ce nelda de la tête au pied. Le premier contact était toujours délicat. Alors autant ne pas s'y attarder. L'Equilibrien tentait visiblement de modérer ses manières et ce n'était pas pour déplaire à Tchik qui se tourna et hocha du menton, afin de conclure les échanges de remerciements et d'honneurs.
Ils débouchèrent sur un couloir, l'ingénieur en tête, les mains dans le dos. N'raa exposa les raisons de sa présence, ce à quoi Terenor ponctua d'un "hum" puis :
Eh bien, ce sont là de grandes idées, dira t-on.
Difficile de dire si ce résumé détenait bel et bien une pointe de sarcasme. Point de sourire en coin, les sourcils hauts, l'allure inchangée. L'Expérimentaliste avait continué son chemin dans le couloir et lancé ces mots à la manière d'une pensée à haute voix. Excepté que cette pensée là n'avait rien de léger. Elle n'avait pas été lancé par hasard. En quelques mots, il venait de délimiter un champ de définition. Celui des "Grandes Idées". Comme si il s'agissait d'un domaine important, certes, mais bien particulier. Suffisamment particulier pour ne pas être traité à la sauvette dans un couloir, ou en quelques minutes d'entretien. Du moins si l'on espérait obtenir un résultat constructif.
Presque toutes les pièces à l'étage étaient occupées. Il y avait toutefois une chambre remplie d'étagères et de meubles encombrées où trônaient un cercle de sièges. Une dizaine tout au plus. Une sorte de salle de réunion. C'est là que Sieur Terenor se dirigea. Aussitôt entré, il désigna les fauteuils aux deux Equilibriens, les invitant à choisir. Peu importait lequel.
Le Fraternel s'installa sur l'un d'entre eux, où il s'était déjà posé les jours précédents.
Ce n'est pas vraiment un bureau conventionnel, mais cela fera l'affaire.
Les sociétaires ne comptent pas l'utiliser avant plusieurs heures.
Nous pouvons prendre notre temps.
Il jeta un regard pensif en direction de N'raa. Ce nom lui rappelait bel et bien quelque chose. Et ce n'était pas une rencontre. Mais plutot un interlude télépathique. Comme une intrusion oubliée au beau milieu du développement d'une équation. Sans insister, Terenor s'adressa au Nelda.
Chercheur du Masque -c'est bien votre titre, n'est ce pas?-, vous m'avez exposé là de bien belles intentions.
Venir à Farnya pour approfondir Sorcellerie et Culture Nemen.
Au nom de l'union de la Poussièreuse, réveillée en Arameth.
C'est tout de même un peu vague, vous ne trouvez pas?
Concrètement, que cherchez vous?
Il regardait désormais le nelda d'un tout autre oeil. Ni soupçonneux, ni haineux. Simplement avec un très grand sérieux. Débattre sur les Grandes Idées, Tchik savait faire. Mais il lui fallait une bonne raison pour gaspiller sa salive. Alors plutôt que de tourner autour de vagues concepts et de parler de l'avenir géopolitique au risque de sombrer dans un argumentaire de science fiction, l'ingénieur avait naturellement choisi l'option la plus efficace : aller au fond du sujet, directement. Quitte à foncer vers des obstacles ou des incompatibilités. Cela aurait le mérite d'être des résultats, positifs ou négatifs. Une avancée quelque soit le cas.
Seulement ensuite, il aviserait. Le Chiffre jouerait son rôle.
Interrupteur Enclenché!
| |
|
|
|
|
|
|
Le Luang 21 Fambir 1511 à 22h30
|
|
|
|
N’raa se détendit un peu face à l’attitude amicale de son interlocuteur. Il le suivit dans une autre pièce toute aussi encombrée. Le petit Tchaë avait beau être râblais et bien portant, il n’en dégageait pas moins une énergie incroyable, même de dos il lui semblait encore subir son regard perçant.
Eh bien, ce sont là de grandes idées, dira t-on. L’entendit-il prononcer sans qu’il pu en tirer de conclusions sur la teneur de ce propos.
N’raa se raidit à nouveau un peu plus, il savait qu’il n’avait pas droit à l’erreur, que le confrère avait une grande connaissance de la magie et qu’il aurait vite fait de classer le niveau du débat et de lui attribuer un temps limite.
Ce n'est pas vraiment un bureau conventionnel, mais cela fera l'affaire.
Les sociétaires ne comptent pas l'utiliser avant plusieurs heures.
Nous pouvons prendre notre temps.
*** Il hocha la tête avec un sourire poli quand Sieur Terenor les invita à s’asseoir. Il cacha son inconfort face à une chaise à l’assise beaucoup trop petite pour sa corpulence. ***
Il nota au passage qu’une marge de temps était posée et c’est une bonne nouvelle, que cette notion de «sociétaire » lui est inconnue et qu’il faudra lui poser cette question mais plus tard, avant de porter son attention sur son hôte qui semblait réfléchir à toute vitesse.
Chercheur du Masque -c'est bien votre titre, n'est ce pas?-, vous m'avez exposé là de bien belles intentions.
Venir à Farnya pour approfondir Sorcellerie et Culture Nemen.
Au nom de l'union de la Poussièreuse, réveillée en Arameth.
C'est tout de même un peu vague, vous ne trouvez pas? Concrètement, que cherchez vous?
Et voilà : sans réelle surprise, un résumé clair, net et précis de ses propos et une question scalpel en final.
N’raa se cala sur sa chaise. Il n’avait pas un esprit aussi logique que son interlocuteur. Il pris donc le temps de rassembler ses idées.
Il choisit de répondre au premier point pour un minimum d’entrée en matière :
Oui, chercheur du masque, mais effectivement ce n’est qu’un titre, vous pouvez m’appelez N’raa si vous le souhaitez.
Pour en revenir à notre discussion d’aujourd’hui j’ai souhaité vous rencontré pour trois raisons précises :
La première concerne une spécificité de votre faction : Laelieth –il jeta un regard amical à sa compagne de route- m’a rapporté une conversation qu’elle a eue avec vous et le Calimencien un peu avant l’attaque du Tarkn’al. Le cas d’une boîte à musique utilisant des runes pour ensorceler de la musique m’intéresse au plus au point : j’ai lu quelque part que c’est impossible, les runes ne pouvant être appliqués que sur du vivant ! D’ailleurs vos poupées sont-elles ensorcelées aussi ?
Il regretta instantanément d’avoir parlé des poupées car il était évident que ce n’était pas le même mécanisme qui était en œuvre et que l’esprit logique du confrère relèverait tout de suite le coq à l’âne. Tant pis, c’était fait, il fallait maintenant continuer-
Pour la deuxième – une légère hésitation- : je ne vous cacherais pas que je sais que vous avez participé au rituel à Arameth, que ce rituel comprenait au moins en partie une base de méta-sorcellerie.
*** Il fit une pause mais trop courte pour laisser le temps à son vis-à-vis de réagir ***
Je ne vous demanderais pas maintenant de détails sur la méta-sorcellerie, ce n’est pas ce qui m’intéresse le plus pour le moment mais j’aimerais savoir si vous accepteriez de me dire si justement le rituel était basé sur tout ou partie en méta-sorcellerie et surtout :
*** Il changea le ton de voix pour marquer l’importance de ses propos ***
Avez-vous l’intention de poursuivre des expériences dans ce domaine et si oui, avez-vous un moyen de mesurer les conséquences sur la trame ?
*** Une nouvelle courte pose ***
Le troisième sujet découlera de notre entretien et je me réserve donc la possibilité si vous me l’accordez de l’évoquer plus tard…avec toutes une série d’autres interrogations si vous ne trouvez pas notre compagnie trop ennuyeuse bien sur ! – sourire-
Avec toute l’amabilité dont il était capable et droit dans le regard du confrère, il termina :
Derynn de m’avoir écouté Sieur Terenor, j’espère que vous ne me trouverez pas trop impertinent avec toutes mes questions et espère également que l’échange se fera dans les deux sens et pour ça je suis à votre disposition.
N'raa
Chercheur du Masque
Maître Alchimiste au service de la Dame
Fil du choix de potions | |
|
|
|
|
|
|
Le Matal 22 Fambir 1511 à 17h05
|
|
|
| Le Frère eut un souvenir fulgurant à l'écoute des remerciements de l'Equilibrien et de toutes les précautions qu'il prenait dans son exposé. En effet, cela lui rappelait la Pyro-moisonneuse du Frère Filbock et du jour où ce dernier l'avait présenté à l'Assemblée des Loges. Quelle machine! Excepté son esthétique pitoyable. Pour y rémédier, Filbock avait fait appel à des militants du Syndicats des tailleurs, afin qu'ils lui fabriquent un tissu à la taille de la Pyroleuse. Un habit pour une machine. Une idée étrange que le Sieur Terenor n'avait encore, à ce jour, toujours pas saisi. Il préférait voir les entrailles d'une création plutot qu'un apparat exagéré qui pourrait le rendre ridicule.
Toutefois, le Chercheur du Masque ne pensait pas à mal. Aussi, plutot que de le décourager, comme il en avait l'habitude, il se contenta de lacher un nouveau "hum", accompagné d'une moue pleine de retenue. Au fond, ce qui occupait plus son esprit n'était pas ce souvenir pittoresque de la Pyroleuse, mais bel et bien ce nom. N'raa. Lorsque ce dernier lui parla de la boite à musique, tout lui revint. Le Callimancien, Laelieth, et cette intrusion télépathique récente. L'ingénieur sentait que se présentait là une parfaite opportunité de remettre de l'ordre dans cette affaire. Bien que certaines choses le dérangeaient, il n'en montra rien.
Il lacha tout de même un sourire forcé en direction du Maître des Arcanes.
Etonnant. Je suis certain qu'il n'a jamais été question de runes dans ce bureau, chère Laelieth. Du moins, en ce qui concerne ma création.
Une précision faite avec certitude, comme une transition pour répondre au nelda, vers lequel il tourna son attention.
On dit des runes 'nemens' qu'elles ne s'inscrivent que sur le vivant.
Mais la définition du 'vivant' ne se limite pas forcément à 'l'organique'.
Par bien des égards d'ailleurs, cette boite peut être considéré comme vivante.
C'est étrange toutefois qu'elle vous intrigue autant.
Le Callimancien a parlé de sujets qui avaient bien plus d'importance.
La philosophie hylozoïste, la hiérarchie idéelle, la source de la Réalité, la logique du mécanisme du Flux, la Matrice, le basculement de l'intangible vers le tangible, etc. Et pourtant, les pensées n'avaient résumé cet entretien qu'à cette conclusion sur la boite. Car ce fut le dernier sujet abordé. Une anecdote dans le flot de Savoir déversé, échangé. A moins que N'raa...
A moins que vous ne cherchiez bien plus que comprendre.
Vous espériez que je maîtrise l'art des runes nemens et que je puisse vous le transmettre?
C'est audacieux mais fichtrement mal imaginé.
Vous devriez vous douter que si j'étais callimancien, cela se saurait.
Les runes que j'inscris s'apparentent aux glyphes d'arkan que vous connaissez déjà.
Incomparable avec les techniques du peuple Nemen.
Pourtant, même cela, je ne l'enseigne pas au premier Frère du Désordre venu.
Le tchaë avait volontairement exagéré son hypothèse sur les intentions de N'raa, de manière à être bien clair sur un point : ce qu'il y avait dans la boite, resterait dans la boite. Du moins, dans les détails, les plans précis, les éléments purement spécifiques de l'invention, l'ingénieur avait délimité le sujet. A sa façon, il était plein de paradoxe. Il trouvait désagréable de parler de généralités. Mais quand on en venait à parler de point plus détaillé, il compartimentait encore le champ du partage.
Car ce que cherchait N'raa, c'était le partage.
Hors, ce que cherchait Tchik, c'était le contrôle du partage.
Sieur Terenor n'avait pas envie de fermer ce premier sujet pour autant. Le Chiffre lui imposait de laisser le bénéfice du doute au Chercheur du Masque. De lui laisser approfondir ses questions. D'au moins les poser. Alors :
Quelle est votre spécialité, N'raa?
Vous avez déjà pratiqué des enchantements?
De la sorcellerie élémentaire?
Qu'espérez vous comprendre avec ma "boite"?
Interrupteur Enclenché!
| |
|
|
|
|
|
|
Le Matal 22 Fambir 1511 à 22h05
|
|
|
| C’est ce que redoutait N’raa : partir bille en tête sur des sujets précis faisait déjà déraper la conversation. Malgré ses précautions d’approche, le frère avait tellement l’habitude de se méfier qu’il bloquait déjà sur le premier sujet. C’était peut-être là le seul défaut de son magnifique esprit : une tendance latente à la paranoïa. Ils n’avaient pas pris assez de temps pour se découvrir et s’apprivoiser mutuellement.
N’raa se raidit imperceptiblement et accusa le coup. Il était temps de montrer pâte blanche.
*** Sur le ton de la conversation, comme une liste d’ingrédients que l’on énumère : ***
Ma fonction me conduit à m’intéresser aux runes Némens et à collecter toute information s’y rapportant. Cela pourra servir un jour et tant qu’à faire autant essayer de comprendre.
Pour le reste je suis un maitre Alchimiste qui devrait bientôt venir à bout de la dernière sphère d’apprentissage. Oui, j’ai déjà pratiqué l’enchantement, suis excellent dans la maitrise de la sphère de l’Essentialis, très bon dans la pratique de l’Evolution et me débrouille pas mal dans celle de la chimère. Je maitrise presque toutes les langues et voudrais apprendre les anciennes, mais ça vous les savez - son sourire s’élargit un peu -. Je vous ai déjà croisé et observé sans que vous le soupçonniez dans Ulmendya quand vous teniez discours auprès de la judicatrice Némen mais vous n’êtes pas le premier chercheur que je rencontre : j’ai pu échanger aussi avec le Chambellan du Limonaire, c’est lui soit en dit en passant qui m’a donné la principale impulsion qui de fil en aiguilles m’amène aujourd’hui, votre collègue Dame Baër Lupis qui m’a fait promettre le secret sur certains de nos échanges, silence que j’ai toujours respecté et j’aurais même rencontré Dame Nelle si elle avait été disponible à l’époque. Plus tard, je ferais les autres villes avec le même cheminement…
Il saisit au vol les deux étroites fentes rendues énormes par le jeu des verres qui le fixait intensément et dit avec un calme et un sourire qu’il s’efforçait de contrôler :
Il ne m’est jamais venu à l’esprit que vous puissiez contrôler les runes Némens, tout simplement parce le Callimencien ne vous aurait jamais permis de partir avec une telle connaissance : ceci est très clair dans mon esprit. Par contre, je partais sur la fausse hypothèse donc que vous aviez réussi à « associer » une rune Némen utilisée comme un objet en tant que tel avec un autre objet inanimé « la boîte » et obtenu un résultat théoriquement impossible sauf si parmi toutes les hypothèses sur le vivant exposée par le Calimencien l’on sélectionne celle qui dit que tout est vivant.
*** N’raa réfléchi un instant visiblement étourdi par le raisonnement. ***
…alors les perspectives sont encore plus formidables que ce que je pensais : cela voudrait presque, probablement même, dire que nous pouvons nous aussi, peuples de poussières, écrire nos propres runes ! Quel prodige !
*** N’raa s’était enthousiasmé et se rendit compte qu’il n’était pas loin de parler tout seul. Il reprit contenance, changea d’attitude l’air tracassé, jeta un coup d’œil à Laelieth comme s’ils avaient besoin de se mettre d’accord puis repris humblement : ***
…je comprends aussi toutes vos précautions, ce sont des informations qui ne peuvent pas êtres échangées à la légères et manipulées sans précautions : Le chambellan, Baër Lupis avaient le même souci, ils ont choisis de me faire confiance. En retour, je travaille un peu pour le Chambellan aujourd’hui et cherche entre autre à répondre à son inquiétude : comment expérimenter sans mettre en danger l’équilibre de la trame. Je m’efforcerai de lui rendre ce qu’il m’a donné si je peux obtenir l’information. Comprenez Sieur Terenor : je ne travaille pas exclusivement pour l’Equilibrium, mais en tant qu’Equilibrien et poussiéreux, je travaille pour Syfaria entière et la survie, non, l’accomplissement des peuples de poussières !
Et… - il appuya le ton sur les prochains mots- je suis persuadé que je n’y arriverais pas seul dans mon coin.
La « boite » est un élément d’information comme un autre, une pièce du puzzle, un trésor à gérer. Ce qui m’intéresse, c’est la connaissance et si un jour elle peut se traduire par des actions comme à Arameth, alors c’est tant mieux. Voilà, ce n’est ni plus ni moins.
*** Il se tut et regarda le Tchaë, incapable d’anticiper sa réaction, juste décontenancé par sa propre réaction *** .
N'raa
Chercheur du Masque
Maître Alchimiste au service de la Dame
Fil du choix de potions | |
|
|
|
|
|
|
Le Merakih 23 Fambir 1511 à 19h13
|
|
|
| Le résultat souhaité avait été obtenu. Pourtant Tchik n'était plus très sûr que ce fut une bonne idée. Pousser l'Equilibrien à dévoiler son jeu l'avait finalement amené à parler avec le coeur, plus qu'avec la raison. Et cela se ressentait dans son discours. Il avait écourté les liens de causalités, les véritables raisons, les justifications, pour mettre en avant sa légitimité. A travers un CV propre, des rencontres avec des hauts dignitaires, et cette toujours excellente raison philanthrope de mener des recherches "pour la gloire de toute la Poussière".
Il ne fallait pas se tromper toutefois : l'ingénieur s'en voulait à lui même. C'était lui qui avait perturbé le nelda et l'avait incité à justifier sa présence plutot que ses réelles idées. Sans doute que le fait d'aborder le sujet de la Boite n'avait pas aider N'raa dans ce début de conversation. Cette invention avait été facteur de fermeture bien plus que d'ouverture, obligeant le tchaë à tenir l'Equilibrien en joug avec les mots.
Et il en résultait cette réaction pleine d'enthousiasme. Frère Galchik avait décidément du mal avec ces belles intentions proclamées à mainte reprise par l'Equilibrien. Ce dernier pensait sans doute que cela jouait en sa faveur, mais ce n'était pas le cas. Non pas parce que le tchaë haïssait l'idée du partage du Savoir, mais avant tout parce que cela n'apportait rien de constructif à leur échange. Le bon coté de la chose était que désormais Tchik savait à qui il avait à faire et surtout comment il devait mener cet entretien. Principalement, il devait ne pas s'attarder sur le raisonnement ni le parcours de N'raa, mais plutôt sur les quelques éléments qui avaient jailli de son discours et qui méritaient une réponse.
Prodige! Un bien grand mot là encore.
Car à leur manière, les glyphes sont des runes, cher invité.
On peut y voir un prodige, mais ce serait oublier que nos ancêtres en savaient bien plus sur les coulisses de la Magie.
Et que la sorcellerie a été cadenassé en deçà de sa réelle potentialité.
Dans notre intérêt, certes. Mais cela met en lumière toute notre ignorance.
J'ai du mal à m'extasier devant un Savoir que nous n'aurions jamais dû oublier.
Là où je pourrais éventuellement vous rejoindre toutefois, c'est sur le fait que les runes offrent des voies intéressantes de développement.
Cependant, je n'ai pas la recette miracle qui permet de les expérimenter sans déformer la Trame.
Ahhh le Callimancien! Tout cela lui rappelait le Nemen. Non pas la teneur des propos mais plutôt la sensation de ne faire ici que paraphraser ce qu'ils avaient échangé dans le bureau en Ulmendya. Une sensation qu'il n'avait jamais eu avec le souvenir de la Judicatrice. N'raa se rappelait de cette rencontre mieux que le vieux tchaë visiblement.
La meilleure précaution à la découverte d'un Savoir est le pragmatisme dans la construction des théories scientifiques. Et des débats.
Car il n'y a que de cela que nous devons nous protéger : notre bêtise.
La Réalité, la Trame, les perturbations, tout cela est inhérent à cette vie de poussière.
Nous ne pouvons pas lutter pour ou contre elles. Du moins, ce ne peut être une fin en soi.
Surtout lorsque comme vous, on cherche à étudier la Magie.
Le simple fait de l'étudier est déjà une source de déformation de la Matrice.
C'est bien là le dilemne.
Pour étudier ce qui ne perturbe pas la Trame, il faut justement savoir ce qui la perturbe. Et comment.
Vu l'état de nos connaissances, il ne nous est pas possible de mener des "expérimentations" sans aucun risque.
Le risque est proportionnel à notre maîtrise des éléments de la Réalité.
Hors celle ci est atrocement faible, N'raa.
Sieur Terenor avait entre-ouvert les portes de cette discussion.
Mais il n'était pas prêt à lacher du lest simplement parce que le Chiffre lui dictait d'être sympathique et de donner du crédit à cet équilibrien. Non! Il appréciait parler de chose plus concrète. Des nombres, des équations, des théories, des raisonnements enchevêtrés, des suites logiques d'évènements, d'élaboration de principe et de leur exception, etc...
Vous avez dévoilé un de vos objectifs, Chercheur.
Excusez moi de le trouver encore trop vague.
"Comment expérimenter sans mettre en danger la Trame?"
Mais expérimenter quoi?
Qu'est ce que vous voudriez obtenir?
Un outil? une arme? une idée? un principe universel? une prédiction? ...?
Faire le tour des villes pour...quoi?
En fin de compte, le tchaë cherchait à aller encore plus loin.
Les ambitions dévoilées de N'raa ne suffisaient pas.
Tchik en voulait toujours plus.
Interrupteur Enclenché!
| |
|
|
|
|
|
|
Le Vayang 25 Fambir 1511 à 10h28
|
|
|
| N’raa se sentit soulagé : l’intérêt du frère était maintenant éveillé.
Son soulagement était toutefois un peu teinté d’agacement « Mais pourquoi faut-il toujours savoir ce que l’on cherche avant de le trouver ? » se dit-il. Mais ce n’est pas lui qui fixe les règles ici. Il poussa un soupir mental et se concentra de nouveau sur la conversation.
Ils allaient pouvoir attaquer l’intéressant, les choses techniques qui soulèveraient des problèmes et des questionnements.
« Un outil » dit-il du tac-au-tac : « un outil qui serait un garde fou contre les expériences qui mettraient notre ile en danger, ou devrais-je plutôt dire le niveau de réalité de notre ile…bien qu’en vérité je ne sois même pas sûr que ce soit une bonne chose de vouloir éviter ses expériences …il hésita un peu…car vous dites qu’il y à des choses que l’on auraient pas du oublier, j’y ajouterais que personne ne s’est empressé non plus de nous les rappeler.
Il sembla un moment vouloir continuer mais visiblement se retint.
Préférant oublier ce qu’il allait dire, il se rendit compte que quelque chose le tracassait. D’abord et soudainement que l’on s’éloignait du sujet de la boîte sans en avoir réellement parlé ! Etait-ce une volonté du Frère ? Etait-il en train de manipuler la conversation ? Non, N’raa ne le pensait pas, il le croyait plutôt emporté par la curiosité, mais n’en était finalement pas totalement sur.
Ensuite qu’il allait repartir dans des digressions que son homologue demandera inévitablement à recentrer. Il se força donc à revenir à un raisonnement plus scientifique qu’accepterait mieux le Frère : une théorie puis sa vérification.«
L’on m’a toujours opposé le postulat que les sorts de niveaux supérieurs présentent un danger pour la structure de la trame et sa régénération, mais ces informations n’ont jamais été vérifiées scientifiquement, ce sont juste des postulats qui nous ont été imposés tel quels : je souhaite créer un instrument qui vérifie cette hypothèse.
Le Chambellan a évoqué la piste de l’Alchimie dont certains ingrédients sont liés aux flux. Des objets qui capturent les flux d’une manière constante peuvent aussi servir d’instrument de mesure voire un objet qui serait facilement affecté par la déformation de réalité, mais là il s’agirait d’une autre mesure.
...
Mais j’y pense : à supposer que votre boite à musique produise une mélodie : celle-ci pourrait-elle avoir une musicalité différente en fonction des flux environnant ou de l’état de la trame ?
N’raa se pris à croire à la main de la Dame, et que sa présence ici n’était pas fortuite : Il en était revenu à la boîte. En même temps il se sentait terriblement gêné par le cheminement confus de la conversation. Il aurait souhaité tout reprendre à zéro, commencer par les postulats de base puis s’affiner théories après théories vers l’évidence. Mais non, il fallait marcher à tâtons dans une pièce noire espérant poser la main sur l’objet recherché. N’raa sentait s’approcher le manteau sombre du désespoir.
N'raa
Chercheur du Masque
Maître Alchimiste au service de la Dame
Fil du choix de potions | |
|
|
|
|
|
|
Le Sukra 26 Fambir 1511 à 11h11
|
|
|
| C'est fou ce que cet esprit méthodique avait le don de s'arrêter sur les petits détails. Sans le Chiffre, cette conversation serait impossible. En effet, intérieurement, Tchik se retint de relever la remarque de N'raa au sujet des Savoirs oubliés. Il sentait derrière ces mots l'ombre des Nemens planer. Ah! ces immortels servaient de bouc émissaire à toutes les discussions. Tout ce que la Poussière ne parvenait pas à faire était la faute des Nemens. Bien sûr, le Sieur Terenor y voyait là un argument populeux et il s'attendait peu à l'entendre dans la bouche d'un autre érudit. A ses yeux, la Poussière gaspillait son temps à chercher des coupables. Il fallait qu'une bonne fois pour toute elle accepte sa propre part de responsabilité puis qu'elle décide d'avancer. D'être actrice de cette vie Syfarienne. Les Nemens désormais hors-jeu, la Poussière y serait contrainte.
Ces postulats ne nous ont pas été imposés.
Nous les avons découverts par nous même.
Ils sont archivés dans nos bibliothèques, dans des recueils divers, des récits de nos ancêtres.
Nous-même avons été témoin des effets de la sorcellerie. Il y a un réel impact sur la Réalité.
Une fragilisation. Ce sont des faits, pas des spéculations.
Car la Sorcellerie est naturellement incontrôlable.
Ce que nous ne savons pas, c'est la profondeur des répercussions sur la Trame.
Le cadre des glyphes est le seul qui nous offre un peu de maîtrise.
Donc, bien plus que les arcanes supérieures, ce sont tous les sortilèges en dehors des arcanes connues qui sont dangereux.
Supérieures ou pas. Les combinaisons de Glyphes sont innombrables.
Quoiqu'il en soit, créer un instrument qui mesurerait les déformations de la Trame, serait effectivement révolutionnaire.
Encore faut-il savoir comment fonctionne vraiment la Réalité.
Sinon, comment savoir ce que l'on mesure?
La réponse alambiquée du Chercheur du Masque avait été remise en ordre, comme une équation que Galchik commençait déjà à décortiquer. Encore une fois, l'intention était plus qu'honorable. Mais les moyens? Quels moyens avait ce N'raa? Sans doute très peu, et cela le poussait à faire le tour de la Poussière pour y dénicher sa perle. D'ailleurs, le tchaë avait souri à la fin de sa propre réplique. Comme si l'ambition était belle mais paraissait insaisissable.
Et la Boite revenait encore sur le tapis. Cette fois, elle servait d'espoir à cet équilibrien. L'ingénieur supposait que la moindre hypothèse vérifiée, le plus petit détail confirmé, une infime preuve de la pertinence de son idée, suffirait à contenter N'raa. C'est là qu'entrait en jeu son invention. L'idée n'était pas mauvaise. Même si Terenor avait du mal à y voir une "construction pragmatique". Une théorie lachée, sans même savoir ce qu'était la Réalité. Qui le savait vraiment?
La musicalité de la Boite?!
Il n'y a rien de mélodieux là dedans, je peux vous l'assurer.
Et si un son en sort, il me paraît impossible à mesurer. Ou à étudier.
Rien ne dit d'ailleurs que cette 'Chose' réagisse à un environnement.
Mes dernières conclusions tendaient plus vers une Constante que vers une Variable.
Il avait insisté ce bougre de nelda. La boite par ci, la boite par là.
Voyons voir jusqu'où il voulait aller. Car, il était admis désormais que Tchik n'avait pas de limite -contrairement aux apparences- et qu'il avançait loin. Puis plus loin. Et encore plus loin...
Nous pourrions risquer de l'ouvrir à nouveau, ensemble.
Je suis sûr, maintenant, que cela vous servirait dans vos recherches.
Le ton était étrange. Le scientifique avait sans doute envie de tester certaines choses sur cette Boite, cependant il parlait de "risque", d'une "Chose", comme si le danger n'était pas pour la Trame, mais plutôt pour eux. Qu'est ce qui d'un coup, avait résolu ce tchaë obtu à ouvrir toutes les portes? Peut être seulement les beaux rêves de l'Equilibrien.
Mais nous pouvons d'abord finir cet entretien, si vous y tenez.
Interrupteur Enclenché!
| |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Le Merakih 2 Marigar 1511 à 10h32
|
|
|
| *** N'raa acquiesça et choisissant d'ignorer les signaux d'alarme qui clignotaient dans un coin de sa tête, il se replongea dans son écrit. Il mit une planchette sortie de son sac en dessous du parchemin, y logea l'encre dans un emplacement prévu à cet effet et commença à gratter le papier d'une écriture nerveuse et rapide. ***
Bon, commençons par des choses très généralistes, on ne sait jamais :
*** il s'appliqua a noter le résumé de chacun des propos qu'il abordait maintenant pour garder une trace et y revenir ultérieurement ***
Nous ne connaissons que notre île, toutes les tentatives d'explorations s'en éloignant ont échouées à cause de la main mise du Pen'Shark sur l'océan qui nous entoure. Ce sont des faits relatés.
Notre île est traversée par des flux qui inversent leur polarité régulièrement. A ma connaissance, personne n'a pu localiser la source de ses flux, juste leur direction.
Les flux, sous forme de mana, une énergie, peuvent être utilisés pour modifier la trame qui elle même détermine toutes les choses qui nous entoure. Modifier la trame revient donc à modifier la réalité. Ainsi un être peut être transformé en animal, Baër lupis m'a également parlé de l'effet de certaines expériences en méta-sorcellerie qui vérifie ce fait.
La trame peut aussi être influencée par les runes qu'elle soit Nemen ou poussiéreuse. Votre boite vérifie t-elle cette hypothèse ? L'effet des runes Nemens ne me semble jamais avoir été vérifié.
La trame et les flux seraient indépendants, ce sont les Nemens qui l'affirment et parle d'une époque sans flux. D'ailleurs ils disent ne pas les utiliser, voire ne pas les comprendre. Je n'ai pas connaissance d'un endroit ou d'une période sans flux depuis notre arrivée.
Les sorts qui utilisent les flux sont composés de glyphes structurés un peu de la même manière qu'un chant musical, regroupés dans des sphères que nos aïeux ont pris soin de délimiter pour que ce ne soit pas dangereux. C'est le texte que vous avez généreusement porté à la connaissance de toute les factions qui pose la structure des sorts. Donc théoriquement il devrait être possible au minimum de créer de nouveaux sorts à l'intérieur des sphères existantes. Pourtant je n'ai jamais entendu parler d'une telle expérience.
Il est prédit les pires maux pour le travail des sorts en dehors de ces sphères mais sans expériences scientifiques accréditant ces dangers. A moins que ce que vous sous-entendiez tout à l'heure les prouveraient ?
La trame se régénère mais il n'y a pas d'accords sur les contraintes réelle qu'elle peut subir, les Nemens fixent la moindre altération comme « déjà trop » suivant leur expression alors que certaines factions n'envisagent pas de limites. En tant qu'Equilibrien, c'est un sujet qui m'est sensible. Il n'existe pour l'instant aucune mesure, aucun relevé des dégâts provoqués sur la trame par la sorcellerie.
Il existe des « trous » dans la trame, notamment un qui à été étudié par une un groupe inter-faction mais sans conclusions scientifiques pertinentes et argumentées à la connaissance.
Certaines observations laissent à penser que la trame se « défend » si on lui donne une intention ou compense proportionnellement à l'agression dont elle est victime si on la considère mécaniquement. Ainsi les « retours de flux » sont craints par les mages qui jouent avec les limites. Lors de l'affaire Flymeur, la présence des Ombres a largement été interprétée comme un instrument de protection de la trame.
La trame n'est pas fixe, elle est en perpétuelle changement et s'adapte à son environnement avec deux hypothèse : ou elle s'adapte volontairement et il y aurait une notion de conscience ou elle s'adapte en fonction des consciences autour d'elle avec un phénomène « d'absorption d'intention », hypothèse qui se voit renforcée par les propos du chef des Vortex qui présentait la tour d'Oriandre comme « en devenir » et qu'elle « deviendrait ce que l'on en ferait » mais aussi par le Calimencien Nemen avec son concept « d'idées ». En ce qui concerne nos villes, nous savons maintenant que c'était porté par une volonté Nemens que nos villes changeaient et de défendaient face aux agressions.
*** Il réfléchit un court instant puis continua : ***
La méta-sorcellerie décuple les effets des sorts mais prend son principe sur la sorcellerie classique. Des expériences ont prouvées ce fait.
Les sorts, les runes, exécution matriarcale, la méta-sorcellerie ont tous un effet sur la trame sans pour autant utiliser les mêmes outils ou les mêmes techniques : il y aurait donc un ou des principes sous-jacent communs qui n'ont pas encore été démontrés.
Les effluves restent un mystère dans leur fonctionnement. Mais la chute du Tark'nal à Arameth nous a prouvé qu'elle circulent probablement sous forme de conduit d'énergie qui n'a pu être coupée qu'avec un artefact : une épée.
Loïa et le refuge récent des Nemens contaminées nous prouvent que les effluves ne traversent pas les niveaux de réalités et qu'elles sont probablement d'une portée locale.
Par contre ces dernières n'étaient pas portées par le Tark'nal seul puisqu'elles sont restées intacts dans les villes contaminées : l'énergie une foi fixée est indépendante de la source mais cependant nous noterons qu'elle semble privées « d'intention » avec la disparition de Loia.
Il est donc possible pour eux, les Nemens, de passer d'un niveau à l'autre mais aussi pour nous : certains membres de ma faction ont posés pied pendant l'affaire Flymeur dans une autre réalité qui ne serait pas le « Néant » d'après le Calimancien, en passant par les piliers. Certaines créatures vues lors de cette expédition se sont retrouvées sur notre territoire : les passages ne sont donc pas fermés.
La chute du Tark'nal a eu un effet sur notre Cosmologie, s'il s'agit bien toutefois d'objets stellaires qui se sont tombés des cieux.
*** N'raa s'interrompit. Se fixa un court instant, les yeux dans le vague puis dit : ***
bon je crois que l'essentiel y est. De toute façon, le reste découlera.
*** Il prit la liste et la tendit au Frère. ***
Etes-vous d'accord avec tout cela ? Qu'en penses votre faction et vous même ?
N'raa
Chercheur du Masque
Maître Alchimiste au service de la Dame
Fil du choix de potions | |
|
|
|
|
|
|
Le Vayang 4 Marigar 1511 à 14h13
|
|
|
| Tout cela suscita à la fois surprise et appréhension chez le tchaë. Partir de généralités pour poser des questions précises pourraient sembler une bonne méthode. Sauf si les généralités sont trop évidentes et les questions trop peu précises. Le risque était pour Terenor de devoir faire une grande réponse et de combler les trous dans les raisonnements. Hors cela prenait beaucoup de temps. Un cours magistral. Un traité, une étude, un exposé. Par expérience, il savait que les esprits Symbiosés n'accrochaient pas aux longues tirades, ni aux longs récits. Et quand ils accrochaient un peu, ils n'en retiraient jamais les bons éléments. La Symbiose incitait à la modération et à la simplicité.
Galchik aurait du mal à répondre à certains mélanges de concepts avec modération et simplicité. Encore une belle équation rendue inextricable par le Chiffre.
Quoique, vu sous cet angle, cela donnait un intérêt à trouver une solution. Un compromis.
Lorsqu'un Nemen dit qu'il ne comprend pas, cela ne veut pas dire qu'il ne sait pas.
Ce n'est pas pour autant un mensonge de sa part.
Hors, une chose est sûre : sans les Nemens, nous ne serions jamais parvenu à utiliser le Mana et le Flux.
Et qu'il y ait eu une époque sans flux ne signifie pas que Trame et Flux soient indépendants.
D'autant plus que par définition, dans cette Réalité, tout est lié.
Il inspira longuement, les yeux penchés sur le papier.
Pourquoi la boite serait-elle une exception?
Non! Nous l'avons déjà dit, tout ce qui cherche à déformer la Réalité autrement que ce qu'elle le peut, déforme la Trame.
Quant à la méta sorcellerie, ce n'est que le nom donné à "ce qui sort du cadre de la sorcellerie, tout en utilisant ses bases élémentaires". En ce sens, ma Boite est assimilable à de la méta-sorcellerie. Le Rituel en Arameth aussi.
Voire même un nouveau sort dont la formule sortirait des schémas classiques de nos Sphères.
Mais, rassurez vous, ce n'est pas forcément près d'arriver.
Car là encore, ce ne sont pas des "prédictions", ni des hypothèses : Sortir des sentiers battus de nos Sphères est dangereux. Si vous avez lu ce texte détaillant les principes des formules d'arkan, alors vous savez qu'il ne s'agit pas d'un simple assemblage de symboles et de gestes. Il y a une mécanique derrière, une logique, des valeurs extrêmement précises, qui nous échappent tout autant que nous échappe la Grande Équation de la Trame.
Il ne s'agit donc pas de "créer", mais de "trouver". Découvrir un calcul potentiellement stable.
Hors, nous sommes dans l'incapacité de faire ce calcul. Pour nous, ces glyphes restent des dessins, des sons, des mouvements. Des choses. Essayer de trouver un nouveau sort revient donc à tâtonner à l'aveugle dans un ensemble infini. Le facteur Chance sera primordial.
Vous étiez au Symposium?
J'y suis justement intervenu pour dire que la création de nouveau sort ne se ferait pas sans coopération.
Et j'entends par là une profonde coopération. Du véritable travail de recherche
Pas seulement des belles paroles échangées dans un bureau ou une assemblée.
Ni quelques services rendus entre quelques poussiéreux bien pensants.
La coopération n'est pas encore véritablement dans l'air du Temps.
Car même si des idées naissent, tous les poussiéreux n'ont pas les mêmes intentions.
D'ailleurs, prenons votre cas: si vous travaillez pour la survie de la Réalité, sa stabilité, vous devriez lutter contre la création de nouveau sort. Mais peut être êtes vous plus curieux que prudent.
Ses doigts essayaient de tendre le papier pour qu'il ne se courbe pas. Malgré tous ses efforts, quelque chose le gênait dans cette approche de l'équilibrien. Aussi il leva les yeux et le fixa.
Malgré lui, son visage affichait une grimace.
J'ai beaucoup de mal à cerner votre raisonnement, N'raa.
Cet énoncé d'affirmations mélangent évidences et interprétations. Hors certains points mériteraient à eux seuls des heures d'études, d'entretien. On ne peut pas se permettre de faire des raccourcis dans un processus de déduction.
Car trouver un lien est aisé. Le comprendre l'est moins.
Vous liez Trame, Ombres, Cités, Conscience, Vortex, quelques mots du Callimancien...
Effectivement, il y a toujours un lien. Puisque tout est lié.
Mais quel lien? comment? pourquoi?
A ces affirmations là, je ne peux répondre sans qu'elles soient plus consistantes.
En l'état, elle donne l'impression que vous n'agissez sous l'empire d'aucun paradigme. Ce que j'ai du mal à croire.
L'air affiché par le tchaë était une sincère impuissance. Comme si cela était plus fort que lui et qu'il s'en excusait. A partir du moment où il dénichait un raccourci dans un raisonnement, il redevenait méfiant et aspirait à plus de précision. Toujours plus. Débattre certes, mais pas à l'emporte-pièce.
Je pourrais éventuellement faire des remarques, mais je crains que ce soit peu constructifs. Ce papier soulève bien plus de questions que d'affirmations, notamment sur la manière dont vous faîtes vos conclusions.
Alors, certes, je trouve étonnant que le Callimancien vous ait dit que l'expédition du Fil d'Ombre ne s'est pas déroulé dans le Néant. Je pourrais aussi être en véritable désaccord sur l'impact des effluves. Les derniers évènements prouvent au contraire leur "non-localité". Elles agissent sur les Nemens quelque soit l'endroit où ils se trouvent. Mais bon... là encore tout dépend de ce que vous entendez par niveaux de réalité.
Tout comme ce que vous entendez par "passages".
On en revient toujours à votre paradigme, votre vision de cette Réalité, cher Equilibrien.
Sans cela, nous allons nous accorder sans savoir de quoi nous parlons ou si nous parlons vraiment de la même chose.
Sieur Terenor ne pouvait pas être plus clair. Il avait longuement étudié les sujets évoqués et chacun lui était sensible. Et il avait construit son propre paradigme, sa propre fondation. Conscient que sa conception pouvait évoluer, changer. Il faudrait fou pour refuser de s'adapter. Et si on le percevait borné, on se trompait. Tchik était simplement rigoureux. Ni par zèle, ni par mépris. Seulement par nature. "Mais pourquoi faut-il toujours savoir ce que l’on cherche avant de le trouver ?" pour justement savoir ce que cela veut dire si on ne le trouve pas. Pour mesurer les échecs. La question n'avait pas été posé, mais c'était ainsi que Terenor y aurait répondu. Car la méthode scientifique consiste aussi à accepter de se tromper. Souvent. Tout le temps. Pour l'ingénieur, l'erreur était aussi une valeur. Et l'absence, un ensemble de définition.
A l'inverse, fouiller dans l'obscurité, sans savoir ce que l'on cherche, revient à s'en remettre à une seule chose : la réussite. Réussir à trouver, avoir la chance de trouver. Croire? C'était là bien plus que l'on pouvait en demander au Frère du Désordre.
D'ailleurs, alors qu'il s'apprêtait à rajouter d'autres remarques, il se ravisa et laissa le soin à N'raa d'étoffer un peu sa démarche, ou de pousser plus loin son raisonnement.
Interrupteur Enclenché!
| |
|
|
|
|
|
|
Le Dhiwara 6 Marigar 1511 à 12h30
|
|
|
| N’raa sentit la frustration le gagner, et un certains énervement aussi. Un moment, il se sentit stupide, écrasé par l’intelligence logique de son interlocuteur, il se sentait partir, quitter les lieux au plus vite quitte à ne pas découvrir la boîte. Il prit le temps de se calmer et d’appliquer une technique de relaxation. Son calme intérieur revenu, il envisagea la situation autrement et s’ouvraient d’autres possibilités :
Que le frère soit incapable ou ne voulait pas faire de réponses explicites aussi simples que oui ou non, prisonnier de son raisonnement autant que lui.
Qu’il n’en sache tout simplement pas plus que lui et c’est un moyen que garder mainmise sur la conversation.
"D’ailleurs si tous les chercheurs sont aussi parcimonieux dans les informations qu’ils"… commença t-il à penser avant de se rendre compte que son esprit s’échappait et de le remettre sur les rails :
Ou alors il joue avec moi… fut sa troisième possibilité.
Il avait sa petite idée là-dessus !
Il engagea donc la conversation sous un autre angle avec beaucoup moins de précautions que précédemment :Je suis bien heureux d’entendre votre position sur la collaboration, c’est exactement la voie dans laquelle je souhaite m’engager.
Et au point où il en était, il se permit de dire :
…et pour le coup, vous ne m’aidez pas beaucoup !
Légère pause, le regard droit
En fait, j’espérais qu’à travers les oui et non que vous auriez pu émettre à partir de la liste, qu’il fut possible d’en déduire des pistes de travaux qui n’ont pas encore été explorés. Car à quoi sert-il que je passe la moitié de ma vie ; même longue de symbiosé ; sur un sujet pour venir fièrement le proposer en collaboration alors qu’il a déjà été découvert ? Vous et la confrérie, avez un capital recherches beaucoup plus important que l’Equilibrium.
Maintenant je peux vous proposer ma requête différemment et directement puisque vous aimez que l’on aille droit au but :
Y a-t-il des domaines de recherches dans lesquels je puisse m’engager, qui n’ont pas encore été découverts et qui seraient utiles dans le cadre d’une collaboration inter-faction ?
N’raa l’exprima avec plus de véhémence qu’il ne l’aurait souhaité, exaspéré par l’impression qu’il était impossible de communiquer efficacement avec son interlocuteur qui lui-même semblait perplexe sans même envisagé une seconde que son impatience l’empêche d’écouter ce qu’on lui dit.
Et c’est ce qui le frappa net, comme une gifle et le cloua sur place un moment. Son attitude changea du tout au tout, ses épaules raidies retombant mollement sur sa carcasse. Il venait de comprendre ce que lui dit son hôte : et il a totalement raison. Au comble du misérabilisme, il se rendit compte que c’est justement ce qu’il souhaitait au départ : échanger sur leur vision du monde et l’aspect décousu de l’entretien lui sauta soudainement aux yeux. Il allait falloir structurer d’avantage son raisonnement et formaliser sa vision des choses.
Penaud et d’une manière beaucoup plus humble, regardant son parchemin comme une bouée à la mer :
…j’ai effectivement peut-être été présomptueux, ai probablement voulu aller beaucoup trop vite dans les raccourcis, prétentieux de ne pas vouloir refaire le travail, mais sur ce point précis, n’est pas le principe de la science de prendre pied sur les acquis pour développer de nouvelles perspectives …
Et comme s’il se parlait à lui-même et formulait une évidence : il nous faudra beaucoup de temps pour s’accorder sur tous ces points et ce n’est pas aujourd’hui que l’on y arrivera. De toute façon, je ne suis pas suffisamment préparé, c’est vrai…ce serait vous faire perdre votre temps
Puis le regardant à nouveau :
Mais comment avez-vous fait : avez-vous appris seul, quelqu’un vous a t-il initié et transmit ces connaissances ?
A ce moment précis, il regrettait de ne pas avoir eu un maitre qui l’ai formé et se préparait à repartir beaucoup moins riche de savoirs qu’il ne l’espérait au départ, bien que germait déjà l’idée qu’il venait d’apprendre une chose essentielle et qui peut être changerait sa vie.
Une question lui brûlait les lèvres mais il n’osait pas la poser.
N'raa
Chercheur du Masque
Maître Alchimiste au service de la Dame
Fil du choix de potions | |
|
|
|
|
|
|
Le Vayang 11 Marigar 1511 à 10h11
|
|
|
| Cet éclat dans les yeux de N'raa n'échappa pas à Terenor. C'était le regard de quelqu'un qui avait toujours su. Toujours su qu'il y avait un grand ravin, mais qui pour la première fois s'y trouvait tout au bord, sans plus appréhender de sauter. Il mesurait l'immensité du vide ou du plein dans lequel il devait prendre son envol. A cet endroit, les questions sont simples. On revient à la base, aux 'vérités vraies'.
Laissant de coté son parchemin, il dévisagea le scientifique à coté. Tchik avait sauté, il y a longtemps. Et il était revenu sur le bord du ravin et continuait de contempler le monde, malgré ses lunettes pleines de poussières et son esprit si hideusement mathématiques.
Cependant, si la question que N'raa posa lui paraissait naturelle, elle surprit un peu le tchaë, qui avait remarqué un changement d'attitude chez son interlocuteur et préféra donc simplement répondre cette fois. Comme quoi, cela lui arrivait parfois.
Comme n'importe quel érudit, N'raa, j'ai beaucoup appris seul.
Même si on est jamais vraiment seul au cœur de la Bulle Bleue.
Le Savoir est partout, il suffit de savoir où le cueillir.
Et d'aussi loin que je me souvienne, mes meilleurs compagnons étaient des livres ou des outils.
Mais, vous savez, à mon âge, quelque soit le temps que l'on a mené sa barque en solitaire, il y a toujours des personnes envers qui on devrait se sentir redevable.
Bolchok -le premier d'entre tous-, les divers sociétaires des Loges du Quaternaire, l'oncle Meltro, le professeur Dignus, le Syndicat des Machiniste, les dizaines de Frères et de Soeurs avec qui il avait monté des projets, et parmi les plus récents l'Erudite ou encore le fameux Kuin'to Attilian Syrta'Mae. Puis surtout Grand Père Falchok -par lequel il jurait parfois lorsque les émotions l'emportaient sur la situation-, horloger de son état et membre d'un groupement secret aujourd'hui disparu. Car c'était lui qui avait transmis la Rigueur à Galchik.
Évidemment, tout cela sans compter les centaines de militants à qui Terenor avait acheté du matériel pour ses inventions, ou des bleuzards de l'Académie et de l'Université auprès de qui il se fournissait en livres et recueils. Ce petit exercice mental donna d'ailleurs à penser à Galchik. Comme si il réalisait à quel point la liste était longue. Toute cette vie qu'il avait passé dans sa cave ou dans ses dimensions imaginaires, avait en fin de compte son lot de relation. La Fraternité avait gravité autour de lui sans qu'il y fasse vraiment attention. Trop plongé qu'il était à étudier, créer, comprendre. Les gens avaient défilé aussi vite que le Temps autour de sa bulle.
Pouvait-il vraiment confié tout cela à N'raa?
Il était intimement convaincu que non. Ces détails là lui appartenaient. L'Equilibrien n'avait pas besoin de savoir. Du moins, pourrait-il trouver des réponses ailleurs que dans la vie de Terenor. Alors, sur un ton presque chaleureux, le tchaë répondit:
En tout cas, votre question ne m'évoque qu'une seule réponse : le travail.
Et ce que nous appelons 'avoir l'esprit bleu'. Le mien est d'un bleu très prononcé.
Vous devez forcément l'avoir un peu, N'raa. Vous savez? La Soif du Savoir.
Comme un moteur indépendant.
Je suis d'ailleurs très intrigué par votre attachement à cette idée de "collaboration inter-faction".
D'autant que cela suppose d'allier à votre paradigme, la composante diplomatique et culturelle.
Un sacré défi, pour sûr! Mais avant tout une lourde contrainte pour votre Soif.
J'ai personnellement opté pour le perfectionnement de mon paradigme.
Car je considère que c'est l'Obscurantisme qui a séparé les peuples, voilà quelques siècles.
Ou du moins, qui a creusé les larges fossés d'ignorance et de crainte qui se trouvent entre eux.
A partir de là, tout ce qui contribuera au Savoir est un pas vers la collaboration.
Et si finalement la question est celle des domaines de recherches libres, alors le choix est immense.
Ce qui nous ramène encore une fois à votre vision de l'univers.
C'est d'elle que découlent les questions qui vous porteront.
Pas l'inverse. On ne construit pas un univers avec des questions.
Encore une fois. Tchik voulait entendre ce que N'raa avait au plus profond de lui. Car le Chercheur du Masque avait forcément, quelque part enfoui sous ses scrupules et sa Foi, un bout de théorie qui pourrait lui servir de fondation. Voire même, qui lui avait servi inconsciemment de fondation jusque là. A commencer par cette entité qu'il nommait la Dame Grise. Lorsque l'on commence à sortir les éléments importants de la soupe réalitaire, ils se détachent alors naturellement des liens, des conclusions, un cycle.
L'ingénieur s'en tint là. N'raa n'osait pas lui poser certaines questions, lui ne voulait pas l'écraser par des remarques facheuses ou des discours trop lourds. La discussion devait garder un rythme simple, régulier avant de rentrer dans le vif du sujet. Car, finalement, ils tournaient autour pour le moment.
Interrupteur Enclenché!
| |
|
|
|
|
|
|
Le Sukra 12 Marigar 1511 à 21h57
|
|
|
| N’raa était soulagé de la réaction de son homologue. Il savait maintenant exactement à quoi s’en tenir, plus de méfiance, accepter et se laisser porter. Il écouta attentivement les paroles, plus précisément il bu littéralement les paroles de Sieur Terenor, puis il prit le temps de réfléchir et son regard parti dans le vide. Oui, la soif il l’avait, il la ressentait, sans cela… : et bien il n’imaginait tout simplement pas une vie sans réponses.
Il se reprochait intérieurement le manque d’expériences pratiques mais en même temps il lui semblait logique de les assoir d’abord par des connaissances théoriques. Il en revint à la conclusion que martelait son vis-à-vis : poser une vision du monde sur laquelle travailler. Il pensait l’avoir déjà fait avec sa liste, mais mesurait maintenant son erreur : la liste ne traduisait pas une vision mais juste un amoncèlement de faits et d’interprétations sans lien conducteur ni perspective.
Puisqu’il fallait le faire maintenant, qu’il n’aurait peut être pas la chance d’avoir un autre entretien, il tenta de libérer son esprit, de rassembler toutes ses théories en une vision d’ensemble, de laisser sortir le tout sans réfléchir, sans s’imposer des barrières et il l’exprima en même temps que cela lui venait pour éviter de digresser. Les phrases se bousculaient pour sortir mais dans un désordre incroyable et il était difficile de canaliser le tout, il ouvrit la bouche plusieurs fois avant de s’interrompre :
« Nous, les peuples de poussières ne sommes pas de cette réalité, nos ancêtres ont été « happés » de leurs plan de réalité pour participer à l’équilibre ou à l’évolution de cette réalité majeure …peut être même ont-ils été crées pour l’occasion. Cette réalité, c'est-à-dire la manière dont sont équilibrés tous les paramètres de l’existence est portée par une idée globale, idée majeure qui est la synthèse de toutes les visions de l’existence portées par les êtres pensants de Syfaria * il fronça les sourcils à cette idée*. Cette idée devient réalité grâce à la trame dont les flux en porte l’énergie et permettent le changement. Cette idée majeure, en tant que dominante influence toutes les autres réalités. Notre Dame grise est Syfaria elle-même, elle est cette idée majeure qui nous protège de part son existence, et nous devons la protéger en gardant son équilibre, sa forme actuelle pour pérenniser l’idée majeure. Les étoiles sont tombées en même temps que la vision du monde de Loïa. La tour d’Oriandre qui était en stase ; donc hors de l’idée majeure en œuvre actuellement ; « apprend » et s’harmonise progressivement avec la réalité en cours… * un temps de réflexion*… le principal moteur du changement est « l’intention »…
N’raa s’arrêta, étonné de ses propres propos. Mais c’était là ses convictions intimes.
Il aurait bien continué mais redoutait de se fourvoyer dans la mauvaise voie et que son nouvel ami –il admit qu’il éprouvait du respect et de la sympathie pour le Tchaë- ne rétorque que ce n’était que pure spéculation, mais en même temps cela correspondait à la demande : une « vision », une « fondation » sur laquelle s’appuyer pour vérifier les hypothèses.
Soudain son regard changea, il releva la tête pour fixer celui qu’il considérait maintenant comme son maitre dans l’attente d’une réaction….
N'raa
Chercheur du Masque
Maître Alchimiste au service de la Dame
Fil du choix de potions | |
|
|
|
|
|
|
Le Luang 14 Marigar 1511 à 11h31
|
|
|
| Ah! Enfin de la substance.
Le dos de Galchik se dressa, tandis que son visage affichait un air des plus concernés. Plus encore qu'il ne l'avait été jusque là dans cet entretien. De la véritable substance en simplement quelques mots. Point de liste, point de grand projet. Juste une bribe de théorie, comme une fine toile de fond qui venait d'être tramé à l'improviste. Une vraie raison d'être en désaccord.
Vous seriez donc ce que nous appellerions un...'intentionnaliste', partisan de l'intention comme vecteur principal de vos théories. Très intéressant. Je ne suis pas profondément contre cette vision là, mais à bien des titres, si vous êtes un intentionnaliste fort, je serais en quelque sorte un intentionnaliste faible.
Mais laissons là la classification.
Creusons les points soulevés!
De l'enthousiasme? Cela en avait l'air.
Pourtant, Galchik ne pouvait être en accord avec ce qui venait d'être dit. C'était justement là tout l'interêt de ce tournant de la conversation. Ils allaient pouvoir réellement échanger des idées. Confronter des concepts.
Vous avez un certain penchant pour les "plans de réalités". Mais si ils forment un Ensemble, alors il faudrait le définir. Et décrire la manière dont ces plans sont liés. Les idées à elles seules ne le peuvent pas.
D'ailleurs, tel que vous les présentez, il est difficile de savoir ce que sont ces Réalités.
La notion de plan brouille l'ordre de l'univers. Il devient alors difficile de distinguer la vraie Réalité de ce que les hauts Rêvants nomment le Mensonge. Peut être, est ce votre but? Ce n'est pas le mien mais vous devriez peut être intégrer la notion de "degré de tangibilité" pour mettre toutes ces valeurs sur une échelle. Puisqu'à l'évidence, vous hiérarchisez les réalités. L'une d'entre elles prenant le dessus sur les autres.
Mais voyons donc l'ordre que vous donnez:
D'abord une Idée.
Traduit ensuite dans la Trame.
Qui façonne finalement la Réalité.
Sous certains aspects, cela ressemble à un compromis entre l'hylozoïsme du Callimancien et mon paradigme NTR. Bien que je ne sache pas vraiment où vous placiez le Néant dans tout cela. Reste aussi à savoir comment vous agencez ces "objets idéels". D'autant qu'une idée est bien plus systématique qu'un esprit.
Hors, je ne pense pas que vous voyez votre "Dame Grise" comme une machine, une sorte d'intelligence artificielle gérant l'Equilibre de notre Réalité Syfarienne. Je me trompe?
D'ailleurs, pourquoi parlez vous d'être pensant? Cela fait la distinction avec les êtres non pensants et finalement le monde des Idées. Parlez m'en plus, cher ami.
La manière dont avait parlé Terenor suggéré qu'il voyait les choses autrement mais que l'opposition ne se prêtait pas forcément à cet entretien. Il accompagnait la pensée de N'raa et ses questions servaient de panneau de direction. Car, peut être que dans le subconscient théorique de l'équilibre se cachaient quelque perles ou concepts novateurs capables de justifier tous les paradoxes.
Interrupteur Enclenché!
| |
|
|
|
|
|
|
Le Matal 15 Marigar 1511 à 07h14
|
|
|
| La conversation avait pris un tout autre rythme d’un coup. N’raa s’en félicitait intérieurement, le contact était enfin établi. Cependant, il n’avait pas trop le temps d’en savourer la substance, le rythme imposait sa loi.
Dissocier idée et pensée n’était pas naturel chez lui, son esprit bloqua un temps sur ce nouveau concept, puis la porte s’ouvrit sur un délicieux courant d’air intellectuel, rien qu’avec ça il avait gagné sa journée. Son expression due passer par plusieurs stades car le Tchaë le regardait l’air amusé.
*** Bien, il s’appliqua à débloquer son esprit de nouveau, le laisser filer en tenant légèrement les brides…. ***
Le néant, c’est…rien…l’absence d’idée, l’absence d’intention, la stase éternelle : il est enfui sous la couche des possibles ou l’entoure, je dirais qu’il l’entoure et que notre monde est une bulle des possibles…ou, j’hésite, que la trame soit un paravent qui nous cache de la vrai réalité, la Tour d’Oriandre aurait levé un pan du voile, nous serions alors dans le mensonge que vous avez évoqué…mais ce sont là deux pistes très différentes.
Si j’en reviens aux couches des possibles, il y aurait l’idée traduite en intention ou l’inverse qui créerait une couche de possible avec ses paramètres d’espace et de temps - la réalité- qui ne serait pas forcément perceptible par les autres couches de réalité. Imaginez quelqu’un qui se déplace infiniment plus vite, nous serions incapables de le voir, quelqu’un d’infiniment plus grand, nous le prendrions pour notre fond d’univers, et lui ne pourrait nous voir tellement nous serions petit. C’est en manipulant la trame et ses paramètres d’espace-temps que nous pouvons ouvrir des « fenêtres » sur les autres réalités.
Je n’exclu pas que les Anciens Nemens y soient pour quelque chose, les piliers sont au minimum des interconnexions ; volontaires ou accidentels ; avec ses autres dimensions, au pire ils en sont les créateurs et c’est à travers eux que se distillent les idées voir même les êtres pensants…
Notre Dame grise serait une entité complexe, avec une existence intrinsèque somme de toutes les intentions de ce plan d’espace-temps, désincarnée mais mue par l’orientation de nos pensées qui pour cela doivent respecter l’équilibre parce qu’elle représente l’orientation que prend notre idée maitresse somme de toutes les idées…la corruption est un terrible danger pour elle…
La hiérarchie des idées maitresses entre dimensions pourraient alors se faire à travers les piliers, voire à travers la trame elle-même puisqu’elle porte toutes les dimensions et ce sont les idées les plus stables, les moins perturbées par des intentions antagonistes qui s’imposent aux autres et qui peut-être même les absorbe…je n’ose pas penser que la présence poussiéreuse pourrait s’expliquer de cette manière…ainsi que la présence du Pen’Shark
L'être pensant est vivant car il auto-génère son évolution et si sa pensée participe à la création de toutes choses autour de lui, alors par extention les choses non vivantes à la base le deviennent. La différence est qu'elle n'auraient pas leur propre volonté.
Reste à savoir comment l’on passerait du « Néant » à « l’idée » : qui ou quoi pourrait être dépositaire de cette intention initiale créatrice de possible…
Encore une fois, il semblait sortir d’un rêve, les yeux hagards venant se poser sur le Frère, une vague gêne dans l’attitude, l’appréhension d’avoir totalement déliré mais en sachant à l’inverse les merveilles que peut effectuer un cerveau intuitif…
N'raa
Chercheur du Masque
Maître Alchimiste au service de la Dame
Fil du choix de potions | |
|
|
|
|
|
|
Le Merakih 16 Marigar 1511 à 11h50
|
|
|
| Ce concept de hiérarchisation des Intentions, des Idées, avait quelque chose de rafraichissant. Et plutot que de le contredire, Terenor souhaitait l'encourager, le laisser s'épanouir. Un concept comme celui là pouvait résoudre des casse-tête que la pensée mathématiques avait du mal à percer. D'ailleurs, c'était là tout le principe du Chiffre. Il fallait que N'raa continue de voler dans le vide.
Ce qui n'empêchait pas l'ingénieur de rationaliser la vision que l'Equilibrien venait de dévoiler.
Si l'on part du principe que la question principale de notre existence est : pourquoi ces piliers se sont ils ouverts à ce moment là et nous ont fait sortir nous? Eh bien, une intention peut être une réponse tout à fait valable. Je ne crois pas en votre Dame Grise, au sens divin que vous lui donnez, mais ce postulat de l'intention suffit à lui donner une existence et soutient largement toute votre théorie.
Donc n'essayez pas d'intégrer votre Déesse partout dans vos raisonnements, vous risqueriez de vous perdre. Adjoindre d'autres liens vous obligera sans cesse à équilibrer votre théorie avec le moindre élément nouveau qui surviendrait sur l'île.
Ne serait ce que la Corruption : si votre Dame est la somme de toutes les intentions, la Corruption fait partie d'elle aussi. Vous l'aviez déjà soulevé. Inutile donc de se mettre martèle en tête : vous réussirez à définir ce qu'elle est. En temps voulu.
Veillez seulement à ne pas agir en Créateur de théorie, mais en Chercheur. Sinon vous finiriez par tellement désincarner votre Dame qu'elle ressemblerait à une sorte d'intelligence artificielle gestionnaire des paramètres de Syfaria. Une Machine.
Il espérait que N'raa comprendrait bien ce dernier point. A vrai dire, dès que le nelda avait décrit son monde d'Idée, Tchik avait perçu quelques petites failles, quelques risques. Non qu'il attacha une grande importance à la foi du Chercheur du Masque, mais il la considérait comme une variable importante de sa motivation. De sa Soif de Savoir. Il valait mieux le protéger contre lui même. Trop de pensée tue parfois la pensée.
Même si j'ai du mal avec cette idée "d'autre réalité", je commence à cerner les points centraux de votre vision. Il manque quelques bouts de puzzle mais vous tenez là quelques pistes à creuser.
Un Néant sans intention.
Une infinité de Réalité.
Des Piliers servant d'interconnexions.
Une Tour du Concile qui joue avec les Réalités.
Une guerre des Idées pour la domination d'une Réalité.
L'ingérence potentielle d'une Réalité vers une autre par le biais des Idées.
Et en conclusion vous posez la question fondamentale qu'il vous reste à résoudre.
Vu sous cette angle, tous ces sujets sont des recherches primordiales désormais.
Il n'y aurait que cette distinction des pensants qui me paraîtrait hors de propos finalement. J'aurais pourtant parié qu'un Equilibrien considérait que toutes choses faisaient partie de l'Equilibre et ainsi que toutes choses étaient une idée. Indépendante de la notion de volonté, d'intention. Mais, je me trompe parfois aussi.
Petit sourire. Effectivement, Terenor se trompait parfois. Mais ce n'était ici que de la rhétorique. Une autre façon de jouer avec le Chiffre.
D'un geste, il déplia le parchemin et se remit à le lire.
Reprenons votre parchemin, si vous le voulez bien.
Essayons d'appliquer votre vision à ces énoncés.
Hum...les trois premières affirmations peuvent sembler anodines. Pourtant :
Est ce que le Flux provient d'une intention? Une Idée ajoutée à notre Réalité pour l'équilibrer?
Le Flux est il aussi un vecteur d'intention? La Magie serait-elle l'Art de manipuler ces Intentions?
Mais alors que sont les runes? Ils fixent un point sur la Trame, comme une intention? N'est ce pas finalement une manière de contraindre la Réalité à leurs intentions? Que peut faire l'Idée majeure contre cela? A moins qu'elle ne fasse rien parce que l'intention des Nemens est de protéger la Trame?
Et ma Boite...y aurait finalement et seulement enfermée des intentions?
Une idée philosophique plaisante.
Scientifiquement incomplète.
C'est d'ailleurs le problème principal que vous rencontrerez avec l'Objet Intention : il est difficilement quantifiable, qualifiable. Pour nous, être pensant, l'Intention est affaire aussi de perception, d'interprétation.
Il se racla la gorge.
La philosophie. En la nommant, il indiquait clairement où se situait leur discussion. Dans le domaine des Concepts, de l'Abstrait. Ce qui ne signifiait pas pour autant qu'il dénigrait le point de vue philosophique, mais il lui accordait la place qu'il avait, rien de plus. Et puis, peut être que la solution se trouvait là. Qui sait?
La création de nouveaux sorts.
Nous en avons déjà longuement parlé. Et nous avons déjà des preuves des dangers de la sorcellerie. Quelque soit sa nature. Jouer avec les Intentions, perturbe la Trame. Créer de nouveaux sorts serait prendre le risque de délivrer une intention contenue, une simple idée, qui pourrait détruire littéralement un bout de Réalité. Vous voulez toujours essayer?
A partir de là, comment pourrions nous mesurer les effets sur la Trame?
Je crains que votre théorie Intentionnelle ne recèle aucune solution particulière à ce mystère.
A moins que vous ne parveniez à enfermer une intention dans un outil. Une intention qui "chercherait à mesurer la Réalité"? Ahah! Amusante, cette idée, n'est ce pas?
Hum...je vous laisse réfléchir à l'intégration des trous dans la Trame dans votre théorie.
Par contre je comprends mieux cette affirmation au sujet des retour de Flux. Je me serais volontiers contenté de l'explication mécanique, je l'avoue, mais y ajouter la variable Intention ne corrompt pas le concept. Même si l'apparition des Ombres laisse un doute, puisqu'elles n'ont pas à proprement parler "protégées la Trame". Le Chaos répond mieux à ce genre de paradoxe.
...la comparaison entre la Trame et la Tour du Concile me paraît un peu hasardeuse. La première contient la seconde. Ou presque. Je n'aurais pas pris ce sujet de cette manière là. Par contre c'est peut être le lieu d'étude parfait pour votre théorie.
Le Frère pensait à la Fratrie des Minopres soudainement. Eux aussi avait une vision multi-réalitaire. Il se serait peut être bien entendu avec l'Equilibrien. Quoique, l'un des Frères n'aurait pas pu s'empêcher de l'insulter. Ainsi va la vie.
Ce qui nous amène à vos dernières questions.
Notamment les Effluves. Et le S'sarkh. Si je vous écoute, il ne ferait pas partie de l'intention d'origine. Et les Nemens? Les Eduens? En font ils partie aussi? Et nous? Seuls les natifs peuvent se targuer d'appartenir à ce monde. Alors qui déséquilibre quoi avec quelles intentions? bonnes ou mauvaises.
Cependant, si tout n'est qu'affaire d'Intention alors il est peut être possible de trouver des solutions. Il suffirait pour cela de cerner l'Intention qui a fixé les Effluves.
L'épée nous prouve en tout cas, qu'effectivement, vos Intentions se fixent et deviennent indépendantes de celui qui les a fait naître. Ce qui voudrait dire que l'épée s'est contenté de rompre le transfert d'Intention. Cela ne tue pas la Magie elle même. Seulement la libère plus vite de son lanceur. Etrange épée toutefois...
Pour ce qui est du Néant de Flymeur, vous évoquez le fait qu'il pourrait s'agir d'une autre réalité. Peut être. Mais pourquoi?
Il a été dit à tous qu'il s'agissait du Néant. Alors pourquoi pensez vous qu'il s'agirait d'une autre réalité?
Interrupteur Enclenché!
| |
|
|
|
|
|
|
Le Dhiwara 20 Marigar 1511 à 13h04
|
|
|
| N’raa se sentait emporter par les flots de sa pensée. Il se sentait flotter comme à demi-éveillé mais il tenait le fil, ne voulait pas le lâcher et voulait de toutes ses forces aller jusqu’au bout. Son esprit n’avait jamais été aussi clair. Il semblait presque que ces pensées lui venaient sans efforts, chuchotées par quelque forces bienveillantes au point que cela en devenait perturbant. En arrière plan de son esprit se présentaient déjà par flashes, les expériences et les perspectives d’études qui découlaient de tout cela. En même temps s’y mêlait une immense joie : celle de l’aboutissement. Il commençait à penser qu’il venait de trouver ce qu’il cherchait depuis si longtemps : le déclencheur. Sieur Térenor était le déclencheur ! Après lui, tout serait différent, N’raa le pressentait, les choses et les événements s’enclenchaient les uns après les autres, mécanique parfaite.
Encore une fois, il eu l’impression qu’une main bienveillante l’avait poussé sur le bon chemin, et que le hasard pur n’expliquait pas tout. Cette pensée le dérangea : il ne se voyait pas en dévot et était ennuyé que son vis-à-vis puisse le voir comme cela. Pour lui, religion et science pouvait boire à la même source, tout dépend de l’angle du regard. Mais difficile de se voir soi même : peut-on vraiment faire une introspection objective ?
Il se concentra quand le Tchaë pris la parole nota mentalement les points abordés mais s’empressa de sortir à nouveau son équipement pour prendre des notes quand il le vit déplier la liste qu’il avait précédemment composé.
Il écouta et nota jusqu’à la fin, sachant qu’il ne fallait pas interrompre le processus. Quand il fut sûr que Térénor eue fini, il se concentra quelques instants. Le Tchaë avait bien insisté sur la place qu’il accordait à la Dame. Il décida de commencer avec ce point.
Sur le fait de devoir adjoindre des liens qui obligeraient sans cesse à équilibrer la théorie, je n’y vois pas de problème car c’est le principe même de l’équilibre. Chaque nouvel évènement est l’expression d’une cause qui prend sa source dans une intention. Nous le savons maintenant avec le rituel d’Arameth, une intention peut avoir un effet aléatoire. Donc il ne faut pas s’attacher aux effets mais partir du principe que l’effet observé implique une nouvelle intention dans l’équilibre. Je ne crains pas non plus que l’entité Dame Grise ne soit réduite à une simple mécanique, car même si son principe au départ devait être mécanique, elle serait de moins point de vue, plus que la somme des tout ce qui lui donnerait une existence propre. Comme si finalement vous pourriez inventer une machine faite de composant simples mais qui tous ensemble lui permette de penser. Si vous préférez appeler la Dame Grise la Trame, cela ne me choquerait pas.
N’raa savait qu’au sein de sa communauté ses propos pourraient êtres interprétés comme de l’hérésie avec de grandes conséquences, mais ici il était un chercheur discutant avec un autre chercheur et il avait totalement confiance en Laelieth.
Il se remémora le deuxième point abordé…ah oui, la distinction des pensants !
Toutes choses font partie de l’équilibre mais si la trame qui les crées est elle-même soumise à l’idée – N’raa faillit dire intention et se rendit compte qu’il avait encore un peu de mal à manipuler distinctement la notion d’idée et d’intention- alors les choses ne sont qu’une expression unique de l’idée donc une conséquence, une résultante de l’équilibre déjà établi qui ne modifie pas l’ensemble.
Maintenant s’il advenait que les choses sont les résultantes d’intentions isolées, alors oui, elles participent à travers l’intention mère au mécanisme de l’équilibre global de l’idée.
Il ne se rappela pas d’autre chose évoquée, il scruta le visage pour le moment impassible du Tchaë et continua avec ses notes.
Est-ce que les flux proviennent d’une intention, d’une idée ?
J’ai tendance à croire que les flux et la trame sont en dehors des intentions et des idées, qu’ils existent indépendamment. La trame et les flux sont pour moi des mécanismes, – le mot lui fit une sensation étrange- automatiques, intemporelles, inter dimensionnels. Les flux portent l’énergie : c’est l’idée en mouvement, les vecteurs d’intention. Sans flux pas de mouvement, pas d’évolution réalisée de l’idée.
La magie et les runes seraient alors des techniques d’expressions des intentions, des outils, qui manipulent la réalité au minimum localement. Ils ne la change que sur un point donné de la trame quand il s’agit d’une action individuelle, momentanée et de faible puissance ; puis cette modification se noie dans l’Equilibre global et n’affecte plus la réalité qui reprend sa place. Par contre si l’action devait être une somme d’intention à large effet, puissance et durable dans le temps, alors la réalité elle-même pourrait en être définitivement affectée.
- Les perspectives qui en découlaient formaient dans son esprit des images édifiantes mais ce n’était pas le moment de suivre ce fil, il en revint donc au texte –
L’intention ne serait pas sujette à interprétation, car l’intention telle que je la perçois serait un élan, un axe de volonté. Pour concrétiser c’est comme si j’avais maintenant l’intention que vous soyez dans le bien être, si je porte cette intention vers vous elle se traduit, avec l’action des flux et de la trame associés, par une régénération, un soin, une guérison… Pourquoi cet élan global et imprécis se traduirait-il par des effets aussi concrets me direz-vous ? Probablement parce la structure d’un sort tel que décrit par le texte du symposium canalise et dirige cet élan vers l’effet approprié…
Voyez à travers cet exemple que « l’intention » ne serait pas sujette à l’interprétation ni affaire de perception.
Il jeta un œil sur son parchemin, hocha la tête et reprit la conversation :
Donc créer de nouvelle sphère, des sorts beaucoup plus puissants ou jouer avec leur durée implique les dangers cités précédemment c’est vrai…
Par contre pour ce qui est de les mesurer on peut en déduire les paramètres suivants :
-N’raa s’amusa de l’impression de devenir Sieur Térénor avec son approche scientifique pure -
Intention, Force, durée, portée
Et en sachant que les paramètres de base de la trame sont :
Espace et Temps
Et si les manipulations se fixent dans la trame plus ou moins fortement et durablement alors les trous dans la trame seraient le reliquat d’une manipulation suffisamment puissance et durable pour qu’elle s’impose à la trame qui s’est modifiée fortement localement, mais d’une façon imperceptible globalement car le trou est très local. Multiplier ces trous mettrait en danger la réalité.
Et je ne dis pas que ces trous proviennent forcement de « notre côté »…
Vous avez raison : un autre exemple qui pourrait donner raison à la théorie que les intentions se fixent est la situation à Arameth : Loaï à travers le Tark’nal avait l’intention de corrompre la ville et probablement plus globalement d’imposer une autre idée, une autre réalité. Bref, le tout était relié par un « canal » d’énergie coupé par une épée Artefact. Et bien que constatons-nous ? L’effet de l’intention s’est fixé et les effluves majeures sont toujours là. Par contre à la différence des autres villes corrompues, le fait d’être privées de l’intention de Loaï les rend sans volonté, elles sont devenues une simple enveloppe aux réactions mécaniques…
La piste pour soigner les villes ne serait donc pas de combattre les effluves ni même de chercher à les éliminer, elles ne sont qu’un symptôme…-
N’raa se retint volontairement de la conclusion, laissant la suite à l’esprit gourmand de Sieur Térénor, et d’ailleurs il avait déjà presque donné la réponse juste avant.
Nouvel aller-retour au parchemin.
Pour la Tour du concile, je précise mon raisonnement : avant sa réactivation, elle était à la fois dans et en dehors de la trame.
– petite pause pour marquer l’idée –
Dans la trame parce que perceptible dans notre réalité, mais en dehors car l’absence de flux impliquerait l’absence d’évolution à la réalité mouvante qui s’équilibre. Sa réactivation implique la réactivation des flux qui lui apporte la réalité en mouvement qu’elle redécouvre et pour laquelle il lui faut un certains temps d’adaptation… avant son activation, elle était en « stase », hors de l’espace temps de cette réalité.
Maintenant quand à la présence des différents peuples et entités dans notre réalité, peut-être que les flux ont besoins d’apports constants en nouvelle idées ou intentions, donc d’être pensants, pour rester en mouvement. Peut être que le but de toutes réalités, si il y en à plusieurs, est de garder l’équilibre donc le mouvement. Et les réalités qui perdent cette équilibre sombrent dans un extrême et ne peuvent pas évoluées car le mouvement se « fige » sur cet extrême que rien ne peut contrebalancer. Pour illustrer, imaginez un balancier : si vous mettez un poids sur un seul côté, alors il n’y à plus de mouvements, tout est figé. La seule façon de créer du mouvement c’est d’équilibrer les poids.
Et pour finir – il prononça ses mots presque comme un regret – je vais vérifier pour Flymeur, il me semblait que le Calimencien avait parlé d’une autre réalité. En tout cas, les Equilibriens qui l’ont suivi y ont rencontrés des êtres pensants et cela me semble incompatible avec la notion de Néant.
Il posa ses notes sur les genoux, regarda son hôte, les yeux encore dans le vague, un léger sourire comme un début de remerciement se dessinant sur les coins des lèvres…
N'raa
Chercheur du Masque
Maître Alchimiste au service de la Dame
Fil du choix de potions | |
|
|
|
|
|
|
