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Le Matal 4 Jangur 1511 à 11h53
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 | Quand cela s'était produit, il se dirigeait vers les locaux de la Funeste. Un déclic. Quoique trop mécanique. Cela avait plutôt ressemblé à un réveil alors qu'il était déjà bien éveillé. Au point de lui faire douter de ce qu'il venait de vivre. Comme si ces deux mois n'avaient été qu'un rêve. A moins que ce ne soit l'inverse. Les images qui lui venaient n'avaient rien de réelles. Depuis, il était comme dans un brouillard dont il essayait de sortir. Souvent il tournait la tête derrière lui, pour s'assurer que les ruelles de Farnya étaient bel et bien tangibles.
Et puis il y avait la lettre.
Celle qui dormait dans le bureau de l'Erudite. Ça, c'était la Réalité. Et il était désormais venu l'heure de la remettre sur la table. Peut être d'éclaircir la situation. Direction la Tour des Mages. Les grandes portes, le Hall, les escaliers. Il remarqua à l'autre bout Oriane et Kernon qui descendaient vers les laboratoires. La Cellule du Puits Réparateur avait été depuis longtemps dissoute, mais ces deux là travaillaient encore ensemble. Une bonne équipe. Quelques mois auparavant, Tchik n'y aurait pas pensé, cependant l'idée lui vint qu'il devrait sans doute passer les voir. C'était là l'influence du Chiffre.
Dans l'immédiat, il s'affranchit des étages, passa quelques couloirs, puis débarqua sur le palier du Savoir.
Et la porte du bureau de l'Érudite. Elle l'attendait. Il entra donc.
Un coup d'oeil derrière lui.
Non, il ne rêvait pas.
Vénérable Soeur, notre retour est désormais effectif.
Et nous devions parler de 'vive voix'.
Me voici donc.
Interrupteur Enclenché!
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Le Dhiwara 9 Jangur 1511 à 23h14
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Oh, c'est vrai...
Thanakis jette un regard ennuyé vers son bureau. Sans être spécifiquement en désordre, celui-ci est tout de même pour le moins chargé : livres, vélins enroulés, cartes, et tout un tas de dossiers qui attendent manifestement qu'elle s'intéresse à eux.
Pour tout vous dire, j'avais parfaitement oublié cette conversation.
Il faut dire qu'entre les évènements d'Arameth et le retard que ceux-ci ont entrainé dans la gestion de sa Bulle, l'Erudite n'a pas manqué d'occupation depuis son retour du désert d'Amody.
Elle se lève et farfouille en divers endroits, jusqu'à ressortir effectivement une lettre.
C'est celle-ci ?
Se rasseyant, elle la tend au savant, avant de servir le thé.
Puisque vous êtes là, je vous laisse donc le soin de me la lire.
En ce qui concerne les déséquilibres diplomatiques, une solution assez simple s'est finalement profilée... Mais je vous en prie, parlez-moi donc de ce cette opportunité ?
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Le Luang 10 Jangur 1511 à 01h18
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| Cette situation n'avait plus de sens. Pourtant, il fallait vite lui en trouver un.
Pourtant, bien plus que l'attitude étrange de l'Érudite, ou que cette sensation qu'il s'agissait d'une mise en scène destinée à le ridiculiser ou à démontrer le peu d'importance que tout cela pouvait avoir, une autre inquiétude prenait sa place dans l'esprit de l'ingénieur.
Le sourcil droit bien haut, il tenait la lettre dans la main, la bouche presque bée.
Après quelques secondes, sur un ton incrédule:
Vous voulez que je la lise?
Il s'agit de ma candidature au poste de Diplomate Bleu, Erudite.
Une opportunité que vous attendiez et qui parle d'elle même.
La Sagesse incarnée en prenait un coup. Outre l'oubli, c'était les enjeux fraternels évoqués qui semblaient soudainement n'avoir plus de valeur. Heureusement, le Chiffre était là. Toujours dans un coin de l'esprit de l'Expérimentaliste, prodiguant ses conseils, ordonnant les équations. Cela avait un effet salvateur sur le Frère qui posa alors un instant son dos contre le siège. Il inspira profondément et tendit la main vers la tasse de thé.
Plutot que d'y voir un supplice, il devait se convaincre qu'il s'agissait d'un jeu.
Celui de l'amnésique et de l'imbécile heureux. Les rôles étaient déjà distribués, il n'y avait plus qu'à rentrer plus agréablement dans la partie. L'équation se dénouerait d'elle même ensuite.
Une solution "assez simple", dîtes-vous. Cela a l'air merveilleux. Vous pourriez peut être m'en dire plus?
Interrupteur Enclenché!
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Le Dhiwara 16 Jangur 1511 à 22h51
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L'Erudite hausse un sourcil un peu inquiet, alors que le savant semble presque sur le point de faire un malaise.
Autant d'embonpoint, ce n'est jamais très indiqué, surtout pour quelqu'un d'aussi stressé que semble l'être le mage enchanteur en permanence.
Mais voyant qu'il se ressaisit finalement, Thanakis se détend un peu.
Merveilleux, vous êtes bien optimiste... mais effectivement plus sain que la situation bancale de ces derniers mois : le gouvernement a décidé que désormais et jusqu'à nouvel ordre, il n'y aurait plus de diplomate symbiosé associé à une seule bulle, mais un diplomate en charge de la représentation fraternelle.
Thosen Noril, qui s'acquitte déjà dans les faits de cette tâche globale depuis de nombreux mois.
Les rôles de diplomates de bulles ne sont pas pour autant voués à disparaitre, mais en attendant d'envisager un nouvel équilibre entre représentants symbiosés de nos bulles, ceux-ci restent plutôt tournés vers une gestion interne à la Fraternité -de ce côté-là le travail n'est pas prêt de manquer.
Thanakis fait une pause, buvant quelques gorgées de thé, avant de reprendre :
Pour en revenir à votre lettre, en effet je voudrais que vous me la lisiez, puisque comme je viens de vous dire que je n'avais pas eu le temps et l'opportunité de le faire auparavant.
J'ai bien entendu qu'il s'agit de votre candidature, mais justement : j'aimerais vous entendre me l'exposer réellement, maintenant. J'imagine que celle-ci ne se résume pas à ce simple énoncé ?
Vous avez également le droit d'improviser, bien sûr, avec les nouvelles dispositions du gouvernements que je viens de vous relater.
Cela vous pose-t-il un problème ?
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Le Luang 17 Jangur 1511 à 02h51
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| Improviser?
Quelle idée!
Ce jeu là n'était pas si désagréable. Sieur Terenor aussi se détendit. Les mots avaient offert quelques ouvertures et bien qu'il n'en montra rien, une idée venait de s'insinuer dans son esprit. Qu'il devait laisser germer, avant de l'exposer. Cela tombait bien, cette histoire de lettre allait lui faire gagner ce temps.
Le siège était confortable, le thé goûtu, l'Erudite attendait une réponse qui arriva assez naturellement.
Il ouvrit l'enveloppe et déplia la feuille délicatement pliée. Puis racla sa gorge, comme pour prendre un élan lyrique.
« Honorable Erudite,
En ce 6 Saptawarar 1510, et alors que je me décide à peine à quitter Farnya, je prends ces quelques minutes pour concrétiser une intention qui depuis longtemps sommeille. J'ai pris soin de vous faire porter ce courrier à votre bureau alors que vous étiez déjà en Arameth. Ainsi si vous lisez ces mots, cela signifiera en somme que la Réalité -telle que nous la connaissons- a tenu bon. Je ne sais dans quel état, cependant j'ai l'intime conviction de laisser un peu d'espoir dans ces mots et cette encre. Ce qui m'amène à l'objet de cette lettre.
Par la présente, je vous déclare officiellement ma candidature au poste de Diplomate Bleu.
Vous le savez, car je vous l'aurais dit. Et vous lisez, parce que vous êtes intéressée.
Nous savons tous deux que la Voix, bien que muette, n'est pas vacante.
Cependant, je vous offre une alternative.
Une alternative symbiosée.
Une alternative qui répond à un besoin urgent.
En ces temps troublés, j'ai acquis la conviction que la Symbiose, malgré ses imperfections, devait devenir une force.
Et que c'était à nous, être choisi par le hasard, de ne pas en faire un fardeau. Vous vous en doutez , mais je ne parle pas seulement de la télépathie. Je parle aussi de nos Bulles. De nos fondations fraternelles, de nos moteurs, de nos idées.
Si la Symbiose offre une vision plus large de ce Monde hostile, les évènements nous obligent à avoir des hauts-représentants capable d'assembler toutes ces informations. D'anticiper et à défaut de savoir réagir. Et tout cela, sans perdre notre identité.
Voilà le cheminement qui justifie cette initiative, que je médite depuis des mois.
Mes compétences, mes projets, mes idées, nous pouvons toujours en discuter, ils ne tiendront pas dans une lettre. Ni dans une vie. Par contre, mon désir de m'impliquer plus ardemment dans les décisions me paraît plus important à vous faire part. Mon envie de mettre ma Symbiose à profit. Et ma vision de la Fraternité et de sa Bulle Bleue.
En espérant ne point blesser notre chère Istreen, en procédant de la sorte.
Mes salutations les plus distinguées, Soeur Thanakis.
Sieur Terenor.
Sociétaire de la Loge de Magie Expérimentale. »
Tchik avait lu la lettre jusqu'au bout. Même son nom en signature. Comme pour se remémorer ce moment. Ces heures sombres avant de rejoindre Arameth. Ce souvenir là était étrangement très net dans son esprit. Aussi, son air ne fut point pensif. Plutot amusé. Il trouvait plaisant finalement de lire cette lettre presque obsolète. Le Terenor qui l'avait écrit était sensiblement le même qui se trouvait maintenant dans le bureau. Seule la situation avait changé.
Il replia la feuille, la glissa dans l'enveloppe puis la posa sur le rebord du bureau.
Pour lui, bien avant cette lettre, ce qui l'avait motivé à agir était au fond le déséquilibre fonctionnel dû à la Symbiose. Qu'un seul agisse pour trois, cela ne marchait pas. Cela devait changer. Cependant, ce changement restait très flou. Très peu fraternel finalement. Car si il y avait une chose qui restait toujours lisible, c'était bien le gouvernement. Les représentants. Là...des diplomates qui n'en sont plus, mais qui jouent leur rôle d'origine, remplacé par un diplomate, lui même déjà diplomate et maire. Et de cela, aucune annonce sur le Consensus. Aucune loi érigée.
Le Temps avait manqué. Tchik avait simplement besoin d'éclaircir cela, avant de régler la question de la candidature.
Voyez vous, Erudite, mon désir n'a pas changé.
Et de fait, je m'interroge. Sur l'équilibre de ce nouveau système.
En l'état, Frère Noril occupe donc le poste de Diplomate Noir. Du moins, représente-t-il la Bulle Noire.
A cela il cumule ce nouveau poste de Diplomate Fraternel, chargé des échanges avec l'extérieur.
Et en plus de ces deux fonctions, il occupe aussi le siège de Maire de la Nouvelle Farnya.
C'est bien ce que vous êtes en train de me dire?
Effectivement, Thosen s'était acquitté de ces taches depuis des mois. Mais cela signifiait-il que ce devait durer? Que le résultat était convenable? acceptable et équilibré pour toutes les Voix de la Fraternité? L'urgence avait sans doute poussé le gouvernement à choisir cette solution encore plus bancale que la précédente. En fait, il n'avait pas eu le choix. C'était une aubaine d'avoir une Thosen Noril, un jeune symbiosé concerné et investi. Pourtant, quelque fut les prouesses dont il était capable, il y avait dans ce cumul de mandat quelque chose d'anormal. Une situation bien plus importante à régler que la candidature de Tchik.
Quoique celle ci pouvait finalement avoir un autre intérêt.
Représenter une autre alternative pour cette autre situation.
Il arrivait peut être à point nommé, sans le vouloir vraiment.
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Le Julung 27 Jangur 1511 à 00h12
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| Je comprends.
Il faut être réaliste, ce n'est pas comme si nous avions une liste de candidats -toutes bulles confondues- prêts à épauler le Frère Noril en l'allégeant de sa fonction de Maire, ou de Diplomate Noir. Si c'était possible, le gouvernement y songerait je suppose.
Peut être un jour.
Il acquiesçait à la réplique de l'Erudite. Milles et une choses passaient dans son esprit à ce moment là, pourtant cela ne lui faisait pas oublier la situation de la Fraternité. Et de ses symbiosés. Thosen Noril était la solution à l'équation du moment. Les choses évolueraient pour le bien de tous. Les Grands leaders de la Fraternité y veillaient et Terenor était rassuré par les mots de la Première-née.
Aussi, cette parenthèse terminée, Tchik revint naturellement au sujet.
Ce qui nous ramène à la lettre.
Et au poste de Diplomate Bleu.
Si de réels candidats symbiosés se révélaient...
L'hypothèse s'était construite avant même la réforme, dans les pensées de l'Erudite, lors d'une discussion avec Tchik.
Voilà que la pensée devenait réalité, sous la silhouette de ce Frère ingénieur et ses lunettes étranges.
Inexorablement, ils en revenaient à la lettre.
Interrupteur Enclenché!
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Le Luang 21 Marigar 1511 à 17h21
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| Ce qui aurait du être une formalité, s'était transformait en véritable entretien d'embauche.
L'Erudite était la mieux placée pour connaître les compétences de Terenor. Ce n'était ni un jeune candidat tout juste sorti de l'université, et il ne s'agissait pas de le recruter pour mener une expérience de bas étage ou ranger un salle d'étude de la Bleue. Si ils en étaient tous deux arrivés à ce rendez vous, il y avait des bonnes raisons. Pourtant, le tchaë allait devoir justifier de sa présence. De ses intentions.
Certes, entre temps, il y avait eu Arameth, un Tark'nal, des étoiles étaient tombées du ciel, des Nemens en stase temporelle et une réforme ni officielle ni officieuse du poste de Diplomate avait été mise en place. Alors puisque l'Équation avait changé, Galchik n'avait plus aucune raison de chercher à comprendre où se trouvait sa précédente version. D'ailleurs, intérieurement, c'était comme si il prenait la véritable mesure de cette discussion. Le calcul s'effectuait sur une autre base désormais. Ni jeu, ni amnésie. Les deux acteurs étaient pleinement concernés par cette nouvelle situation.
Rien était acquis d'avance.
Pourtant, pas d'hésitation à avoir.
Même si il serait prétentieux de croire que l'on puisse répondre à toutes ces questions en quelques mots.
Il allait pourtant falloir trouver une présentation convenable à cette argumentation.
Fondamentalement, Erudite, je suis un créatif.
Excepté que là où certains créatifs choisissent de se laisser porter par l'instinct -ou leur 'Muse'-, j'ai choisi la Raison. J'ai choisi de mieux comprendre le Monde pour savoir ce qu'il fallait créer et comment. Vous connaissez déjà mon accointance pour l'ingénierie mécanique, les mathématiques et les Sciences en général. Mais durant toute ma vie, j'ai dû m'instruire et puiser des Savoirs dans tous les Domaines. Le Département de la Recherche et du Développement a toujours requis une grande polyvalence de la part de ses sociétaires. Je ne pourrais jamais dire que je sais tout -heureusement-, mais à mon âge, je peux tranquillement assurer avoir naviguer dans tous les flots de notre Grande Bleue. Son fonctionnement, ses loges, ses règles, sa place au sein de la Fraternité et particulièrement sa cohabitation avec la Rouge sur bien des domaines. J'en ai même étudié les principes fondateurs.
Voilà ce que je suis à la base, vénérable Soeur.
Un pur produit de la Bulle.
Si il y avait une méthode, elle semblait linéaire pour le moment. Décrire les fondations comme le ferait un architecte avec une maison, annonçait un discours presque prévisible. Une construction logique à l'image de celui qui l'employait.
La Symbiose n'a pas changé cela.
Elle n'a été qu'un vecteur d'expérience et d'accélération du Temps. Elle m'a ainsi permis de confronter certaines théories et affiner ma vision des autres cultures. Des autres éléments du puzzle qui constituent cette île. Etre au coeur des pensées de toutes ces cultures force l'esprit au compromis. Ce qui n'est pas toujours une bonne chose.
Toutefois, je dois admettre que c'est cette facilité d'accès aux informations qui améliorent la compréhension de notre monde. Surtout : qui permet de définir les priorités de la Fraternité. Ou du moins de les accepter.
Hors, n'est ce pas justement cela qu'exige avant tout la fonction de Voix Bleue?
Il s'arrêta un instant sur cette question. Une accroche pour la suite de son argumentation. Ce qu'était le poste de Diplomate. Au fond, étant donné l'attitude de l'Erudite, il y avait des chances pour qu'elle chercha à savoir si l'ingénieur était bien conscient de ce dont il s'agissait. Evidemment, il savait ces choses là, cependant Thanakis voulait l'entendre le dire à voix haute.
En effet, nous ne pouvons plus nous permettre d'avoir des Diplomates de Bulle qui se contentent d'être des gestionnaires ou des promoteurs de la pensée Bleue. C'est toujours la part la plus importante du travail à effectuer, j'en conviens. Mais les Temps ont changé. La Fraternité vient de subir un grand traumatisme. En même temps que toute la Poussière. Il y a de nouveaux enjeux, dont la Symbiose devient d'ailleurs un axe crucial.
Donc, certes, le Diplomate doit être un représentant au sein même de notre Fraternité. Mais il doit aussi désormais l'être auprès des autres factions. Il est à ce titre, un Garant Culturel et Politique. Ce qui implique qu'il doit être capable d'anticiper et d'appréhender un contexte. D'en mesurer toutes les implications. Chaque Bulle doit avoir un Diplomate capable de porter son regard sur l'ensemble des évènements qui se produisent autour de la Fraternité. Et la Bleue plus encore que ses deux Sœurs. Car si la Rouge et la Noire doivent agir dans un Présent plus qu'immédiat, il est du devoir de notre Bulle de voir toujours plus loin.
Et si l'Ouverture est un courant de pensée qui s'infiltre à tous les niveaux de notre société, il nous faut en maîtriser le débit. Peut être même nous préparer à des transformations inévitables.
Ces derniers mots, il les prononça en regardant bien attentivement l'Erudite. Tchik évoquait là plusieurs éléments précis : la transformation de Farnya et celle du poste de Diplomate. Le Gouvernement avait eu à faire face à ces situations inextricable et avait en quelque sorte été forcé de prendre d'importantes décisions. Terenor indiquait seulement qu'il comprenait cette nécessité d'adaptation. Une question de survie.
Je ne suis peut être pas aussi sophistiqués et spectaculaires que nos précédentes Diplomates, seulement mes compétences et mon expérience alliées à cette Symbiose me placent en première ligne des efforts Bleus dans cette vision d'Ouverture. Poursuivre mon travail dans un laboratoire, le nez sur des éprouvettes, pendant que le monde entier de la Symbiose essaye de s'inviter dans mon esprit, n'est plus possible. Je dois mettre à profit ces pensées, cette opportunité. Plus qu'une opportunité d'ailleurs, il s'agit d'une responsabilité envers nos Soeurs et Frères. Car il ne s'agit plus seulement d'inventer ou de créer une bonne idée, comme nous le faisons au Département de la Recherche et du Développement. Il s'agit pour moi désormais de partager, défendre et accompagner la pensée de toute la Bulle face aux tourments de cette île que la Symbiose m'oblige à affronter au premier plan.
Toutefois, ces paroles pourraient paraître bien péremptoires, je voudrais donc préciser un point : je n'entends pas imposer une ligne de conduite, mais simplement encourager certaines idées et tendances, vers certains objectifs. On ne contraint pas le Désordre, on le laisse s'exprimer. Un Diplomate doit donc savoir concilier cette Soif chaotique de Savoir avec les Voies qu'il estime devoir suivre.
Mais c'est là un point élémentaire de la fonction. Autant dire que si nous n'étions pas sûr tous deux que j'en fusse capable, cet entretien n'aurait jamais eu lieu. N'est ce pas?
Cette dernière question était totalement rhétorique contrairement au reste. En effet, il invitait là l'Erudite à intervenir, à faire des remarques, à contredire si besoin. Tchik ne voulait pas aborder la question des projets et des objectifs qu'il jugeait majeurs pour la Bulle sans que Thanakis ait pu prendre la parole. C'était en quelques sortes une entracte entre la présentation Générale et la partie plus précise de ses intentions. Les détails.
Interrupteur Enclenché!
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Le Julung 31 Marigar 1511 à 16h40
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| De quoi parlait-il depuis cinq minutes, sinon de la Voix Bleue?
La boutade de l'Erudite, aussi facile fut-elle, ne fit pas vraiment rire Terenor. Il esquissa tout de même un sourire, par politesse. Non qu'il manqua d'humour, simplement dans le contexte cela présageait que son interlocutrice remettait en doute jusqu'à ses intentions. A moins que pire, elle insinuait aimablement qu'il y avait une possibilité pour que Tchik soit hors-sujet. Quelque soit la grâce avec laquelle cela avait été dit, c'était une insulte à l'intelligence de l'Expérimentaliste.
Heureusement, le Chiffre ressemblait à une véritable notice relationnelle dans ce genre de moment. Il lui indiquait de prendre du recul, accepter l'impensable, dépasser les mots. A surmonter sa propre rigueur finalement. Car, même si le Frère avait une pleine confiance en la construction de son argumentation, il admettait qu'une mauvaise interprétation soit toujours possible. Vienne t-elle même de la part d'une Première née, sans doute la plus noble et admirable tchaë qu'il connaisse. Alors que faire? Ne pas réagir à la forme, développer le fond. Même si cela l'obligeait à revenir à la base même de cette conversation. Une base qu'il pensait convenue.
A vrai dire, dans cet entretien, plus rien était convenu.
Je ne parle pas de mes qualifications mais bien de ma capacité à trouver des compromis, à concilier les attentes avec les priorités. Il me semble que c'est là une qualité indispensable pour un Diplomate.
C'est la vision que j'ai de ce poste.
De manière plus simpliste, le Diplomate siège à l'Assemblée des Loges.
Il est votre relais sur le terrain auprès des porte-paroles et des sociétaires.
Ce qui en fait un interlocuteur privilégié avec les autres Bulles. C'est d'ailleurs la raison d'être des Diplomates.
Servir d'intermédiaire entre toutes les entités de la Fraternité. Le Gouvernement compris.
Et plus encore qu'avant, avec les autres nations Poussiéreuses.
Cette définition là est à mon sens réductrice.
Voilà pourquoi j'évoquais ce qui vous a semblé être de "nouvelles prérogatives". Cela n'en est pas.
J'estime simplement qu'un Diplomate Bleu doit dorénavant être plus qu'un piston dans la machine.
La Symbiose pousse les autres peuples à venir vers nous. A consulter nos autorités intellectuelles. A suggérer des projets d'envergure. La décision finale vous revient toujours, Érudite, comment pourrait-on en douter?
Cependant, le Diplomate se doit d'anticiper ces changements et de communiquer à la Bulle les informations nécessaire à son évolution. Prendre conscience des priorités de la Fraternité est dans ce cadre là une qualité. Tout comme de savoir encourager des idées.
Interrupteur Enclenché!
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Le Vayang 3 Jayar 1511 à 22h20
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Alors que le Mage Enchanteur s'adosse à son siège, l'Erudite, elle, se redresse légèrement. Elle s'est jusqu'à présent surtout contentée d'écouter le savant, et c'est désormais à son tour de s'exprimer.
Pour être franche avec vous, frère Terenor, votre candidature à ce poste est assez singulière.
Vous m'avez longuement détaillé vos points de vue sur la question : sur la situation actuelle de notre diplomatie, sur votre implication au sein de la bulle bleue, sur votre conscience politique et interfactionnelle de Syfaria.
Ce qui vous amène à penser que vous êtes le candidat idéal pour représenter la bulle bleue.
Pourtant, il y a dans votre exposé un point essentiel que vous n'avez pas abordé.
L'essence même de ma Bulle, pourtant.
L'esprit Bleu n'est pas pas seulement science, rationalité, et ouverture politique.
L'esprit Bleu est aussi empathie, utopie, folie douce...
De la même façon, la diplomatie n'est pas que compréhension, anticipation et politique, mais aussi écoute, souplesse et subtilité. Du verbe, en premier lieu.
Des facettes que je ne vous connais guère, à travers vos interventions télépathiques plus ou moins publiques.
Or ce poste est pour le moins public.
Oh, cela ne fait pas forcément de vous un mauvais candidat pour autant, sinon je n'aurais pas pris la peine de vous écouter.
Mais cela pose la question de savoir si réellement je crois possible que vous puissiez représenter l'esprit bleu, que ce soit au sein de notre Fraternité ou auprès des autres factions.
Et me représenter.
Être véritablement ma voix.
Et la réponse, voyez-vous, n'est pas si évidente.
Thanakis marque une brève pause, pensive, avant de regarder à nouveau le tchaë :
La question mérite réflexion.
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Le Sukra 4 Jayar 1511 à 03h45
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| Plutot qu'un verdict, une mise en jachère.
Les propos contradictoires de l'Erudite le rendaient définitivement las. Si la plus haute représentante de la Bulle le connaissait si peu, alors que pouvait il concrètement attendre de cet entretien. Elle ne lui demandait pas de se justifier, pourtant elle remettait en doute ses capacités. Elle ne lui refusait pas la candidature, mais elle exprimait assez clairement qu'elle ne se voyait pas être représenté par lui. Et pire que tout, voilà qu'elle le touchait là où cela faisait le plus mal : son manque d'esprit Bleu. L'insinuation n'était pas formellement énoncée, les mots se suffisaient toutefois à eux même.
Donc: la question méritait réflexion.
Terenor était curieux de savoir si cela avait été le cas lors des promotions éclairs des Soeurs Lilyeth et Istreen, qui n'avaient -a contrario de Galchik- rien accompli d'importance avant leur accession au poste. De jolies et gracieuses sociétaires, dont l'une avait une belle voix et l'autre un talent pour les langues. Mais la Voix n'était-elle destinée qu'à être exposé dans une vitrine au coté de l'Erudite?
Non, ce qui aurait pu être logique -étant donné l'allure du Frère ingénieur-, n'était finalement pas le reproche fait ici.
Plus grossièrement, son aptitude à échanger en public semblait relever d'un mystère.
Mais alors...
...sa vie entière passée dans les couloirs et amphithéatre de l'Agora?
...les débats savoureux et engagés avec le moindre sociétaire, quelques soient sa Loge?
...les prises de becs avec les porte-paroles et les économes pour monter divers projets, obtenir du matériel?
...plus récemment, ses prises de paroles en faveur d'une coopération inter-faction lors du Symposium?
...ses innombrables échanges avec les principaux acteurs de la Symbiose?
...les décisions prises, les pistes trouvées, les discours pour guider?
...et même lors de son voyage en Ulmendya, n'avait-il pas remplacé la Soeur Istreen dans son rôle de diplomate auprès de la Judicatrice?
Se justifier de tout cela devenait embarrassant. Épuisant.
Que fallait il faire de plus pour être un bon diplomate?
Insulter des hauts rêvant, tuer des équilibriens, et se transformer en arbre par orgueil?
Plus que cela : Que fallait il faire de plus pour incarner l'esprit bleu?
Parler d'utopie et folie douce à un membre du Génie créateur, c'était un peu comme de lui raconter la manière dont il respire. Terenor ne faisait qu'étouffer son exubérance par une rationalisation constante des éléments, de peur de sombrer à nouveau dans la folie créatrice. Celle là même que l'Erudite avait jusque là toujours eu tendance à modérer. Celle là même qui avait fini par tuer son frère.
Galchik, qui avait vu dans la Symbiose une deuxième chance pour rendre à la Fraternité ce qu'elle lui avait donné, s'était finalement laissé emporter par les courants télépathiques, bien au-delà de ce que les pensées des Frères lambdas allaient. Qui dupait-il? Pas les symbiosés en tout cas, car derrière sa rationalité à toute épreuve veillait toujours cette "folie douce" dont ses pensées étaient autant démonstrations. Comme une muselière sur un animal enragé. Mais visiblement passé inaperçu au regard de l'Erudite.
Au fond, la seule chose dont avait peur Galchik était que ses pensées lui échappent et qu'elles trahissent à nouveau sa promesse envers Bolchok. Et voilà que l'Erudite elle-même vint planter cette lame à cet endroit précis. Cela remettait bien des choses en cause. Mettre fin à ses jours, il n'en était plus question bien entendu. Un passé révolu, une autre vie. L'esprit ouvert sur cette île et d'autres seuils de Réalité. D'autres univers. Sa présence par contre, et ses objectifs. En sortant de cette pièce, il serait quoiqu'il arrive un autre tchaë.
Un instant, cet entretien lui sembla insignifiant. Perdu en haut d'une tour étroite, rendu minuscule par les forces oppressantes de Syfaria, voir pratiquement irréel aux yeux de ceux de l'EntreMonde et des civilisations qui les précédaient ici même. L'ingénieur regarda soudainement l'Erudite pour ce qu'elle était véritablement. Une créature hors du temps, agée de plus de 600 ans, devant laquelle il ne faisait que défiler. Ahh voir défiler les images...cette sensation enivrante vous plongeait dans la solitude et la tristesse. Terenor se rappelait. Des bribes, des passages. Avait-il déjà vécu ce moment? En avait-il déjà été le spectateur? Les images étaient trop diffuses. Et une idée arrivait au galop : un jour peut être, lui aussi verrait constamment les choses ainsi. Comme Thanakis, qui avait vu des Voix en remplacer d'autres et d'autres encore.
De toutes évidences, elle avait ses raisons, qu'il accepterait.
Mais lui aussi avait les siennes.
Pardonnez moi, Erudite, attendez vous plus de précision de ma part?
Car si la question est de savoir si je peux avoir plus l'esprit Bleu que je ne l'ai déjà, alors je doute d'en être capable.
Des mots si simples à dire et pourtant si lourdement pesés. Ils sous entendaient une limite. Aux capacités. Ou aux justifications? L'évocation d'un échec était le fruit d'une conviction risquant de se fendiller.
Vénérable, je ne veux pas presser votre réflexion.
Toutefois, vous conviendrez que nous ne parlons pas ici d'une promotion ordinaire. Ni d'un poste ordinaire.
Nous avons tous des choix à faire et sans doute les vôtres sont-ils les plus lourds de conséquences.
Cependant, en la matière, il me faut sortir de ce bureau avec une réponse ferme.
Ou l'espoir d'en avoir une très vite.
Ce disant, il posa la tasse encore à moitié remplie sur la table. Pour la dernière fois. En effet, il se préparait à quitter le bureau puisque cela ressemblait nettement à une conclusion.
Interrupteur Enclenché!
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Le Dhiwara 5 Jayar 1511 à 12h12
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Thanakis hausse un sourcil interdit, avant de répondre avec douceur :
Non, je n'attends pas plus de précision.
La question n'est pas de savoir si vous pouvez avoir plus l'esprit bleu, frère Terenor, en aucune façon.
L'esprit bleu n'est pas une donnée quantifiable, et sa revendication n'est aucunement soumise à un nombre minimum de critères plus ou moins définis.
La question est plutôt de savoir ce que vous montrez, à travers vos actes, échanges et positions, de l'essence de notre Bulle.
Thanakis esquisse un sourire.
J'ai parfaitement conscience de l'importance de ce poste, merci. C'est justement pour cela que ma décision mérite réflexion, frère Terenor.
Une pause, brève.
Mais si effectivement vous tenez à recevoir sans attendre une réponse ferme, alors elle est négative.
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Le Dhiwara 5 Jayar 1511 à 20h20
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| Etre fixé.
Obtenir une date.
Sortir du bureau, avec au moins une information.
Ou plutot ne pas sortir, les bourses à la main, comme il était entré.
C'était a priori le bon sens, mais une alternative qu'avait directement écarté l'Erudite pour choisir de livrer le fond de sa pensée. Même si il n'avait pas dit qu'il ne souhaitait pas attendre. Plus exactement :
Ou l'espoir d'en avoir une très vite.
Tchik répéta ses propres mots en réponse à la dernière remarque, accompagné d’un sourire de convenance et son regard plongé dans celui de cette Thanakis qui le désavouait clairement sans ménagement. La douceur avait très vite laissé place à la sévérité. Comme un couperet qui n’attendait que de tomber. Ce qui sonnait étrangement dans la bouche de l’Erudite. Car il ne s’agissait plus seulement du poste de Diplomate ici, mais bien de la personne même qu’était Galchik Terenor. Ce jugement prononcé ne ressemblait pas à la vénérable Sœur.
Cependant, loin d’être vexé, l’ingénieur ressentait tout à coup une grande curiosité.
Pardonnez moi encore mais…
…qu’est ce que je « montre » ?
Et quels sont mes actes, échanges, positions, qui vous font douter ?
Interrupteur Enclenché!
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Le Dhiwara 19 Jayar 1511 à 19h56
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La question est directe, alors après une imperceptible hésitation la réponse de Thanakis l'est tout autant : le tchaë s'en vexera peut-être, ou alors pourra-t-il tenter d'en tirer leçon.
Je parlerais plutôt de ce que vous ne montrez pas, ou si peu, et qui, sans préjuger de votre esprit bleu, sont des absences qui me font effectivement questionner votre capacité à parler en mon nom : vous montrez peu de doigté, d'écoute et d'empathie.
Votre rigueur, votre pédagogie et votre logique implacable et détachée, qui sont des atouts dans certains domaines, le sont souvent moins dans vos rapports aux autres.
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