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Le quartier résidentiel

Promenade culturelle

Connaître l ' "autre"
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Sujet lancé par Carrha
Le 08-07-1510 à 20h43
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Posté par Carrha,
Le 30-07-1510 à 03h27
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Carrha

Le Julung 8 Julantir 1510 à 20h43

 
La pointe de sa plume courait sur le parchemin de mauvaise qualité, couvrant sa surface rêche de notes et de croquis.

L’architecture des cités matriarcales reflétait parfaitement l’état d’esprit de ses sœurs. Solide, utilitaire, d’une austérité parfois oppressante. De même, le quartier résidentiel dans les méandres duquel elle s’était volontairement perdue correspondait en tous points à l’idée que l’on pouvait se faire d’une communauté de Frères. Bien que bâties plus ou moins sur le même plan, les maisons étaient décorées, modifiées et étendues sans réel souci d’harmonie générale. Les deux habitations auxquelles elle faisait face illustraient superbement ce principe.

Pour autant qu’elle puisse en juger, leurs ossatures étaient identiques. Le propriétaire de la maison de gauche avait fait de son lieu de vie un hymne au travail. Sur le fronton du porche massif de pierre noire polie était incrustée une représentation stylisée du soleil levant en métal blanc. La lourde dalle était soutenue par deux colonnes sculptées de manière à figurer des personnages aux corps trapus et musclés, l’un tenant un marteau de forge et l’autre ce qu’elle pensait être une sorte d’instrument de mesure. La façade de pierre, noire également, était garnie de pilastres gravés de bas-reliefs mettant en scène divers types d’artisans en pleine activité. Entre chaque paire de pilastres, elle pouvait apercevoir d’étroites fenêtres légèrement bombées et encadrées de cuivre.

Elle acheva sa dernière esquisse puis jeta un rapide coup d’œil au garde qui la suivait comme son ombre depuis son entrée dans la Ville Rouge. Ce dernier, visiblement épuisé par la visite imposée des quartiers les plus reculés de sa propre cité, somnolait paisiblement appuyé sur la hampe de sa lance.

Elle haussa légèrement les épaules, trempa la pointe de sa plume dans la fine fiole d’encre suspendue à l’avant de sa pelisse et entreprit de croquer la seconde demeure.



 
Carrha

Le Julung 8 Julantir 1510 à 20h47

 
La tâche s’avéra complexe. Les murs de briques ocre se fissuraient sous les assauts des vrilles de la luxuriante vigne vierge qui les recouvrait. Elle dut à plusieurs reprises se rapprocher et changer d’angle afin de discerner les détails architecturaux de la façade. Un certain nombre des pavés de granite de la ruelle avait été retirés pour laisser le passage aux épaisses tiges de la plante grimpante, ce qui rendait périlleux l’accès à la proximité immédiate de la maison. L’air était rendu lourd par les effluves sucrés émanant des grappes de fleurs pourpres qui cascadaient de divers points du feuillage.

Une cavalcade et des cris étouffés la tirèrent brièvement de sa contemplation. Relevant la tête de son parchemin, elle cru voir passer au bout de la ruelle un animal poilu de grande taille suivi quelques instants plus tard par une meute de gardes en ordre dispersé. Son garde du corps s’était redressé et caressait sa barbe naissante d’un air perplexe, son regard passant alternativement de Carrha à l’extrémité de la ruelle.

« Qu’est-ce que c’était ? »

Ce n’était que maintenant, alors qu’elle l’examinait plus attentivement, qu’elle se rendait compte à quel point il était jeune. Son âge, probablement moins.

« Un intrus, selon toute vraisemblance.
- Je devrais peut-être… Ils ont peut-être besoin d’aide ?
- Je doute que me laisser sans surveillance vous attire les grâces de vos supérieurs. »

Le jeune homme épongea les quelques gouttes de sueur perlant sous la ligne de ses cheveux avec un carré de tissu récupéré sous sa cuirasse. Le laissant se charger de résoudre seul son dilemme, elle retourna à son examen.



 
Carrha

Le Julung 8 Julantir 1510 à 20h48

 
En écartant quelques feuilles, elle put constater que des trous rectangulaires de la longueur de sa main étaient percés à intervalles irréguliers dans le mur, visiblement afin de permettre à la plante de pénétrer la maison. Tous les soixante centimètre un fin tuyau de cuivre piqué d’une multitude de minuscules trous descendait verticalement du toit. Elle s’éloigna de la façade pour avoir une meilleure vue de la partie supérieure du bâtiment. Elle avait maintenant une idée plus claire de la fonction des deux grandes structures de bois cylindriques qu’elle avait aperçu plus tôt. Elle dessina rapidement un schéma du dispositif puis griffonna quelques modifications. L’association des gouttières d’arrosage et des citernes de récupération d’eau de pluie était une bonne idée en soit ; son application à des fins militaires lui paraissait cependant bien plus intéressante.

« Hrm… »

Elle se tourna vers le jeune garde.

« Il fera bientôt nuit. Il serait peut-être temps de rentrer à l’auberge ?... S’il vous plaît ? »

Elle acquiesça d’un bref hochement de tête. Ses notes remisées dans sa boîte à parchemins, elle prit la direction de l’auberge du Gambol Brun.



 
Carrha

Le Julung 15 Julantir 1510 à 05h00

 
Elle posa son assiette vide sur le comptoir. La serveuse, qui jusque là ronflait la tête posée sur ses bras croisés, releva péniblement la tête au son du choc de la terre cuite sur le bois verni.
"Gnhmé?"
Carrha lui glissa un fin rouleau de parchemin dans la main.
"J'aimerai que vous affichiez ce message sur votre panneau. Je cherche quelqu'un pour me donner des cours de langue.
- Hmmhmm."
La corpulente tchaë bailla en se frottant les yeux. Descendit mollement de son tabouret. Se dirigea en traînant des pieds vers le tableau de bois tendre accroché près de la porte d'entrée. Puis revint s'asseoir pesamment après y avoir fixé le billet à l'aide d'une aiguille.
Carrha était fascinée de constater qu'un être évolué pouvait se mouvoir aussi lentement.
La serveuse gratta du pouce l'un de ses innombrables mentons.
"Alors. Deux Girasols pour l'annonce et quatre pour le repas. Ce qui nous fait..."
Elle leva les yeux vers le plafond. Six pierres prêtes en main, Carrha attendit patiemment.
"...six Girasols. Ah et pendant que j'y pense : la prochaine fois que vous me faites lever avant l'aube pour vous préparer votre petit-déjeuner, y aura dix pour cent de supplément."
Carrha s'abstint de tout commentaire et sortit rejoindre "son" garde. Ce dernier l'attendait, assis sur le parapet de la fontaine. Il semblait tenter d'attraper à mains nues les petits poissons dorés qui nageaient dans le bassin de pierre peu profond. Elle observa son manège en silence pendant quelques minutes puis se pencha pour approcher ses lèvres de son oreille.
"Essayez plutôt de plonger votre main en avant de leur trajectoire.
- AAAAAAH!"
Il fit un bond de plusieurs centimètre qui l'envoya se fêler le coccyx sur les pavés de la petite place. Le fracas de sa cuirasse sur la pierre résonna longuement dans le petit matin jusque là silencieux.


Elle avait compris qu'elle l'avait surpris. Ce qu'elle ne saisissait pas en revanche, c'était la raison pour laquelle il refusait désormais obstinément de lui adresser la parole.





 
Carrha

Le Vayang 30 Julantir 1510 à 03h27

 
Elle s'assit à même le sol, le dos droit contre la pierre froide de l'arche qui matérialisait à cette endroit la limite entre le quartier résidentiel et le quartier marchand. Toujours boudeur, son garde la regarda faire en fronçant des sourcils puis, résigné, se posta debout à son côté.

La variété des tenues la fascinait au plus haut point. Le concept de "chaos organisé" cher aux membres de la Fraternité ne lui paru jamais aussi aisé à comprendre que lors de cette après-midi d'observation.

Des robes chatoyantes, ornées de perles et de pierres semi-précieuses au tablier de cuir brut, en passant par les tuniques de bure teinte et les armures métalliques hérissées de pointes acérées, elle vit de tout et parfois n'importe quoi. Néanmoins, la grande majorité des accoutrements possédaient au moins deux points communs. Quelle que soit le degré de complexité du vêtement le plus visible, celui-ci portait presque systématiquement un motif coloré rappelant la Bulle à laquelle appartenait son porteur. Ce premier point la dépaysait, elle qui provenait d'une ville où il était malaisé de distinguer une Fileuse de Vie d'une Déclinante, y compris après un examen minutieux.

Le second détail, plus subtil, ne lui sauta pas aux yeux immédiatement.

Quelle que soit leur Bulle d'origine, une proportion significative des Frères et Soeurs qui passaient devant elle semblait porter des stigmates d'accidents de diverses natures. Manches brûlées, cols déchirés, étoffes rongées par l'acide et armures enfoncées, la liste était étonnamment fournie. Elle avait même aperçu un livreur, la main immobilisée dans une attelle de bois et une partie de sa chemise arrachée, pousser sourire aux lèvres son chariot modifié dont les roues articulées tournaient indépendamment du plateau.

La ville donnait l'impression d'abriter une population étrange d'inventeurs illuminés. Elle-même scientifique, connaissant la valeur de l'expérimentation, elle se sentit soudainement et pendant un court instant plus proche de ce peuple que des guerrières enragées qui partageaient son sang et son destin.


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