| Cela faisait une bonne semaine qu'Ataraxine était arrivée à Jypska. Il lui avait fallu un peu de temps pour prendre ses marques dans cette étrange cité, loin des forêts de son pays. Au lieu de l'entremêlement d'architecture et de végétation de Syrinth, il y avait un enchevêtrement de pierres gravées et peintes et de tentures bariolées. Et surtout un silence particulier, une invitation à la méditation. Bien sûr elle avait constaté que le quartier autour du marché était plus animé, qu'on pouvait y parler sans chuchoter et même jouer de la musique. Mais cela ne faisait que renforcer le contraste avec le reste de la ville.
Tous les midis elle allait s'installer dans le quartier marchand : elle posait son paquetage, déroulait un tapis sur le sol à un endroit bien en vue où elle ne gênerait cependant personne, y déposait ses marchandises variées, puis attendait. Parfois elle jouait un peu d'ocarina. Cet instrument lui semblait se marier parfaitement avec l'ambiance feutrée de Jypska. Son vieux sitar n'aurait pas été d'un aussi bon effet. Malgré tout elle vendait peu de ses produits équilibriens. Sa musique lui rapportait davantage. Ironique retournement de fortune pour elle qui avait abandonné ses ambitions artistiques pour se vouer au commerce.
Mais elle se moquait un peu de ne pas faire autant d'affaires que prévu. Elle goûtait avant tout l'atmosphère paisible de la ville qui, une fois encaissé la différence criante avec sa contrée d'origine, avait quelque chose de commun avec la sérénité du cœur de l'Hatoshal. Les matins, en particulier, elle aimait à se promener sur les quais, quand la brume ne s'était pas encore totalement évanouie, et regarder les jeux de lumière du premier soleil levant à travers les gouttelettes en suspension. Le soir elle traînait du côté du Rêve marin et découvrait un autre brouillard, celui des fumées de carnine.
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