*** Autant Celegorn était prévisible dans sa manière de penser -plus ou moins...- autant Tom ne l'était pas. Heureusement pour l'artisane qu'il faisait tous les efforts pour se contrôler... ***

*** Un grand sourire illumine le visage, enfin, métaphoriquement parlant, tandis qu'il se dirige vers la sortie, levant une main en l'air. ***

*** Il y a des jours comme ça, où nos pas nous mènent droit vers notre destin.
Et puis d'autres jours où ils nous mènent, par habitude, peut-être, droit dans la gueule du loup.
Ce n'était aucun de ces jours-là; ou alors un peu des deux. Toujours est-il que quand Tomasin sortit de la boutique, ce fut pour trébucher sur une neldame blanche qu'il connaissait bien...
Le choc fut brutal, autant physiquement que psychologiquement pour Akhavë. Elle tomba en arrière, hébétée, étourdie de se retrouver face à lui à nouveau. Du temps avait passé, mais la blessure restait vive; d'autant plus, que son ennemie n'avait pas été punie. Justice n'avait pas été rendue! Mais que faisait Toh ?
Elle se releva, épousseta sa tunique émeraude pour reprendre contenance, et lança maladroitement: ***

*** Que dire de plus ? S'excuser était déjà une torture. ***

*** Parfois, le chemin ferait mieux de poser des poteaux indicateurs. Mais rappelons que le Destin, pervers petit vieux sur son nuage, aime se moquer des poussiéreux. Le Destin est vraiment un salopard de première. C'est ce que devait penser Tom, après s'être écrasé au sol. Ou avoir failli, un magnifique jeu de jambes lui permettant de ne pas se vautrer comme un imbécile.

Un retournement. La neldame blanche. Il va étrangler le destin. Un sourire gêné apparait sur son visage. Self-control, mon p'tit Tom. ***

*** Sifflé entre les dents. Bouge, maintenant. Bouge ! Bouge ! Mais pourquoi ne bouge-tu pas ?... ***

*** Elle reste là, figée, à le regarder. Et puis, une étincelle dans son regard d'émeraude: la boutique. Il sort de la boutique de Yatagan. Pourquoi ?
Son coeur s'emballe alors qu'elle ne sait que dire, pour une fois. Il est toujours aussi beau que dans son souvenir, c'en est presque effrayant. Comme si la souffrance qu'il lui avait causée n'avait en rien altéré ses traits, ni leur effet sur elle... Elle en aurait pleuré. Stupide, tu es stupide, se martelait-elle en cherchant désespérément quoi faire. L'idée de continuer son chemin comme si de rien n'était ne l'effleura même pas...
Akhavë se racla la gorge, lança à tout hasard: ***

*** Dans le genre crétin, on fait difficilement mieux... ***

*** Mais enfin bouge, pourquoi tu ne veux pas bouger ? Tu n'as à avoir peur de personne ! Hého, c'est de l'histoire ancienne, tu peux revivre ta vie, Tom ! Réveille toi bon sang. ***

*** Un temps d'attente. ***

*** Crétin, mais quel crétin ! ***

*** Un pouce derrière lui. ***

*** Au moins, ils sont tous les deux au même niveau... ***

*** Ne pars pas. Ne pars pas.
Tout son être hurle à Tomasin de ne pas bouger, mais ses prunelles vertes qui sondent le nelda blanc lisent en lui quelque chose qui le pousse à la fuite... quelque chose comme du dégoût. Cela raviva sa douleur, des larmes firent briller les yeux verts.
D'une voix cependant maîtrisée, elle parvint à répondre sans trembler: ***

*** En même temps, il l'a méritée non ? ***

*** Il secoue la tête négativement. ***

*** Il lève une main devant lui, un doigt aussi... Alors ? Qu'est ce que tu veux dire ? Vas-y. Mais vas-y ! ***

*** Tain, ça a l'air dur...
***

*** Pauvre artisane, à l'intérieur... ***

*** Être passé à autre chose... lui l'a déjà fait, et bien fait, non? Une bouffée de colère, de dépit et de chagrin vient embrumer le regard vert. Akhavë baissa les yeux. ***

*** Passer à autre chose!
Elle plante son regard dans celui de Tomasin, un peu vexée. ***

*** Ou de ta poule ? Non, ne pas penser comme ça.... ***

*** Il baisse les yeux... C'est lui la cause de la tristesse de la Blanche. Et c'est lui qui essaie de lui faire la leçon... Crétin. Grand con. Tu es le pire des neldas de la création ! ***

*** Il soutient son regard... Sans faillir cette fois. Puis secoue la tête... ***

*** Inutile de nous faire souffrir tous les deux, hein ? ***

*** Un demi-tour, et il s'éloigne. A moins que celle-ci n'ait un autre plan... ***

*** Que dire ? Il n'avait visiblement pas envie de poursuivre la conversation. La neldame soupira, lâcha dans un souffle: ***

*** Et elle entra dans la boutique, désorientée. Une fois à l'intérieur, la profusion des créations de Yatagan lui rappela où elle était; et que son amie était désormais une ex-amie, elle aussi... Une bouffée d'agacement empourpra sa truffe. Comment se faisait-il que nulle part elle ne puisse se sentir chez elle, en paix ? Hormis au Shamesha avec Dangraal, Jypska lui rappelait cruellement toutes les peines qu'elle avait vécues! Et plus un seul ami à qui se confier.... ***

*** La moue grogna et alla bouder plus loin, tandis qu'Akhavë réfléchissait. Un départ... encore. Elle serait donc une nomade, puisqu'il le fallait.
Et soudain, cela lui apparut comme une évidence: elle devait retourner chez elle.
Korsyne. ***

*** Frottements. Grincements. Remue-menage. Choc, chute, tintement du métal. ***

*** Grognement. Juron, même. Nouveaux bruits de déménagement. ***

*** Splouch ! Plaf ! ***

*** Chbam ! ***

*** La voilà qui s'ouvre, la porte. Et pas qu'un peu, même. C'est surement un bon coup de patte qui l'a ouverte, la porte. ***

*** Et Chplaf, l'extérieur aussi a droit à un seau balancé à pleine volée, pour dégager la poussière, les araignées et les souvenirs. ***

*** Yatagan passa une bonne heure à frotter et savonner le sol et les fenêtres, avec une telle vigueur qu'on l'aurait cru en guerre contre l'armée des grain de poussière qui avaient envahi sa boutique, sa fierté. ***

*** Elle fit le ménage seule, en silence, sans sourire ni saluer les voisins. Elle bougeait mais n'était pas vraiment guérie. La jeune artisane, au sommet de son art, dirigeant la moitié du chantier de la Shamesha, semblait s'être évaporée et n'avoir laissé comme trace sur Syfaria qu'une boule de poils roux occupée à récurer. ***

*** Puis Yatagan s'arrêta. Brusquement. Se recula un peu, observa l'effet obtenu. Garda le silence pendant plusieurs minutes, contemplative. ***

*** Toujours pas de sourire, toujours aucun regard vers l'extérieure. Et pourtant la voisine s'efforçait de nettoyer elle aussi ses vitres, fenêtre ouverte malgré la chaleur, pour mieux voir, pour engager une conversation peut être. ***

*** Puis Yatagan ferma la porte et partit. Sans laisser de mot annonçant une réouverture ou quoi que ce soit. ***

*** La voisine dut patienter quelques heures avant de la voir revenir. Les mains vides. rentrer chez elle et s'enfermer. Maigre provision de renseignements à partager avec le voisin, maigres fondations pour des conjectures autour d'une tasse de thé... ***

*** Pendant plusieurs jours, il ne se passa rien. On put croire que l'artisane était retombée dans sa torpeur. Ce qui n'était pas loin d'être vrai. ***

*** Puis, de temps à autre, on entendait du bruit dans la boutique. Elle réaménageait. ***

*** Parfois, elle sortait, faire des courses ou flâner sur le port. ***

*** Le visage était toujours terne et le regard éteint. Une lutte interne entre le découragement et l'avenir, entre l'inertie et l'action, entre le sommeil d'ennui et l'initiative. ***

*** Parfois, on parvenait à voir à travers les fenêtres. Les armoires étaient à nouveau remplies, les promontoires avaient été réinstallés dans un ordre différent... Mais chaque fois que Yatagan portait un regard sur l'ensemble de la boutique, elle secouait la tête. ***

*** Yatagan se sentait flotter. Le monde qu'elle percevait était brumeux, distordu. ***

*** Chaque fois qu'elle regardait autour d'elle, elle voyait l'échec de sa vie. ***

*** Boutique fermée, sale, sombre. Boutique de quoi ? De mensonge ! De frippes ! On ne trouve ici que de quoi flatter son égo ou tuer son voisin. Il n'y a aucun objet ici qui vaille vraiment la peine qu'on s'est donné pour le produire. ***

*** Frekk absent, disparu. Comment aurait-il pu en être autrement ? Il doit être en train de découvrir des trésors, dans des personnages magnifiques... et qui sait avec qui ? Et puis c'est un confrère après tout, il ne pouvait pas la comprendre. ***

*** Des amis ou collègues... ils avaient été moins présents que les clients qui demandaient leurs articles, sans s'émouvoir de la détresse de l'artisane. ***

*** Quelque part, Yatagan avait des fourmillement dans les pattes. Elle étouffait. Il fallait que ça change. ***

*** Vite. ***

*** Tout de suite. ***

*** Alors, une nouvelle fois, elle bougea les meubles, elle disposa les présentoirs différemment, elle essaya de redonner à sa boutique un agencement qui lui plaisait. ***

*** En vain. ***

*** Mais en faisant tout ce déménagement, elle retrouva, au fond d'une étagère, un petite boule grise qui y dormait depuis des semaines. ***

*** Yatagan ramassa la boule grise. ***

*** L'observa, pensive. ***

*** Elle ne se demandait pas ce que c'était, non, elle la connaissait très bien. Altain-Ula, son mou. ***

*** Elle se demandait ce qu'il faisait là et depuis combien de temps elle ne l'avait pas vu. Comment elle avait pu oublier jusqu'à son existence, dans son aveuglement malheureux. ***

*** Et Yatagan ne savait plus que dire, que faire. Le mou boudait-il ? Etait il dépressif, comme elle ? Yatagan se sentait pleine de remords, le remord d'avoir abandonné cet ami proche, intime. Quelles avaient été ses dernières parôles pour lui ? Elle ne s'en souvenait plus. ***

*** Mais en même temps, elle se sentait joyeuse, pleine d'espérance. Elle avait un ami à réveiller, à sauver. On avait besoin d'elle. Et elle aurait quelqu'un pour l'écouter, partager avec elle... ***

*** Silence ***

*** Le mou avait changé, physiquement. Ses traits, ses sourcils, ... s'étaient floutés, comme gommés. Il n'avait plus eu de contacts avec des poussiéreux et retournait à son état naturel. ***

*** Puis, comme Yatagan ressentait toute la détresse de la solitude et de la culpabilité, il bougea. ***

*** Le coeur de Yatagan bondit, tressauta, fit des cabrioles et des doubles flips. ***

*** Comme cela faisait du bien, rien que parler, entendre sa propre voix et savoir que quelqu'un écoutait ! ***

*** Je passa près de la boutique de Yatagan et voulu revoir mon amie Yatagan,
avec tous ces voyages en dehors de Jypska, je ne l'avais pas vue depuis...combien de temps déjà ?
Je ne sais... ***

***
J'approcha de la porte et l'ouvrit en douceur : ***

« Pas de réponse ?? »

« Toujours rien ?
J'allais repartir quand...
Yatagan apparu de derrière un coin sombre avec ??
une boule grise ??
Non un mou, bien mal en point ! »

«
Yatagan aussi avait triste mine !
Que c'est-il passé depuis notre dernière rencontre ? »

*** J'avais peine à la voir ainsi et voulais la réconforter si besoin. ***

*** Ballottée par diverses émotions, Yatagan n'avait pas entendu la porte grincer. D'un coup, elle sursauta, fit valser Altain-Ula mais parvint à le rattraper in-extremis. ***

*** La neldamoiselle avait l'air radieux et inquiète. Yatagan se rappela brusquement qu'elle n'avait pas vu une brosse depuis trois semaines. Elle recula vaguement vers un coin sombre. ***

*** Le ton de sa voix était si artificiel que personne ne se serait laissé convaincre. ***

*** Krong entra a sont tour dans la boutique..
Ces deux amies était là déjà en train de papoter... A les filles ! ***

*** Krong sortie une carte de son sac et l'étala sur la table de la boutique. ***

***
Celegórn venait à la boutique, une fois de plus. Il avait été inquiet au sujet de l'artisane ces derniers temps, il fallait l'avouer, car à chaque fois qu'il était venu la boutique s'en trouvait fermer. Irrémédiablement fermée. Mais aujourd'hui était un autre jour, comme tout les jours à vrais dire, et lorsqu'il fut arrivé devant la boutique il pu constater avec étonnement que celle-ci était ouverte. Il commença donc à s'engouffrer dedans lorsqu'il vit que Yatagan n'était point seul et discutait avec deux de ses amis.

Le Tydale était tiraillé entre deux choix, il fallait. Aussi resta-t-il planté là une ou deux petite seconde avant de rebrousser chemin. La Nelda ne voulait surement pas être embêté alors qu'elle venait de revenir, aussi la laissa-t-elle seule avec les amis qu'elle recevait. Se dirigea tranquillement vers la sortie de la vile où lui et sa bien aimée avait planté leur tente.

Néanmoins, un obstacle vil et mesquin vint se positionner sur sa route.... Une étale où l'on vendait du thé, rien que ça!
La suite, et bien, tout ceux qui aiment le thé la connaissent.
***