| Ce fut la poignée de main à pattes la plus délicate qu’avait jamais connu Agliacci. Elle s’amuse du soin qu’apporte son interlocuteur à ne pas lui rompre le poignet. Il est vrai que, à ses côtés, elle fait office de créature fragile…
Elle examine le dénommé Frakass d’un œil critique. La Luthière a déjà assisté à des scènes de discussion voire de conflit ouvert entre symbiote et symbiosé ; pour sa part, elle s’en étonne toujours. Son propre mou semble avoir singulièrement peu d’intérêt en elle. Elle se demande s’il vaut peut-être mieux une créature détestable qu’une franchement indifférente. A ce jour, Svev n’a démontré de vif intérêt que dans ses capacités de rédaction…
La question d’Howon, par contre, semble beaucoup la divertir et ses yeux vairons pétillent d’amusement. Elle, du Poinçon ? Bah voyons…
Dans une certaine mesure, oui : en tant que tapisserie ou objet de décoration. J’ai déjà passé quelques très bons moments dans les cellules de dégrisement locales. Oh, et il y a évidemment la fois où on a essayé de m’assassiner. Enfin, une des nombreuses fois.
Elle agite la main comme pour chasser ces banalités, puis, reprenant un morceau de pomme, désigne sa blouse tâchée de peinture.
Mais comme tu peux le voir, che n’est pas vraiment le cas. Suis ouvrière au serviche de l’Art, ça, pour chûr qu’je chuis, affirme-t-elle vaillamment. Finissant sa bouchée et levant un doigt innoportun : Gladi-actrice, drama-liturgique, mot-sicienne et, à mes heures perdues – si délicieusement nombreuses ! – peintre spécialisée dans les frasques. Je ne jure que du bout des lèvres, mais toujours pour le Luth. Comme vous l’apprendrez bientôt, c’est le carcan doux-dingue des artistes et des diplomates…tandis que le Poinçon et sa très Pourpre Garde préfère s’assurer de problèmes plus sable à sel. Une vie très amusante, à ce que j’ai entendu dire. Et assez prenante.
Elle sourit, consciente que pour un étranger venant d’arriver à la Confrérie, cela fait un nombre conséquent d’informations à traiter. Et détaille le nelda de la tête aux pieds : plutôt costaud, y a pas à dire…Bien sûr, tous les neldas sont costauds du point de vue d’une tydale, et a fortiori d’Agliacci qui n’a jamais appartenu aux poids lourds de son espèce et ne sait même pas par quel bout se tient une épée. Mais celui-ci doit bien valoir sa centaine de kilos…sa tenue, par contre, laisse à désirer. S’il tient à plonger dans l’uniforme du Poinçon, il lui faudra sûrement s’équiper…
Réfléchissant à la question, Agliacci lance, l’air de rien :
Et d’où viens-tu, Howon ?
Comme si c'était la dernière fois. La première fois.
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