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Bas fonds d'Arameth

Galerie de détenus dans une prison de papier.

De comment capturer l'instant et de sa préparation.
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Sujet lancé par Crooot
Le 11-12-1509 à 18h10
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Posté par Crooot,
Le 10-06-1510 à 12h37
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Crooot

Le Vayang 11 Dasawar 1509 à 18h10

 
*** Les venelles et traboules de la ville sont de véritables repères de vicieux individus ou de pauvres hères en détresse. Pour ma part c’est un vivier de gueules cassées et une galerie de portraits de cour des miracles.
Évidemment aller vagabonder dans ces ruelles étroites demande une certaine préparation.
Je m’apprête donc une semaine durant avant de faire une expédition dans le cloaque de la ville.
Sept jours sans ablution est le minimum pour obtenir cette exhalaison musquée et, disons le, ignominieuse qui me grimera en clochard des bas fonds. Je ressors ma capeline de son coffre scellé au goudron, tant le parfum méphitique est insupportable et je la revêts en plissant le museau. Les manches en sont assez larges pour que je puisse dessiner sans avoir à sortir le carnet au regard de tous.
Je ne m’encombre pas, comme on pourrait le penser, d’armes car elles pourraient être utilisées contre moi plutôt que pour assurer ma protection. Je suis un bien piètre combattant.

Dubulb' dit :

Mou : t’es meilleur à la course à pieds.


Grmmmmll...

Cette fosse putride est bien le seul endroit où mon physique tordu ne me dessert pas.
Je suis chez moi parmi les unijambistes, les blessés de guerre ou les bossus. On hésite parfois à s’en prendre à une créature comme moi car je sais faire pitié le moment s’en faisant sentir ; et si d’aventure des maraudeurs passent la barrière de compassion du tout un chacun, mon odeur se charge d’élever un rempart infranchissable entre eux et moi.

Une fois ces précautions prises je peux mettre la truffe dehors et me diriger rapidement vers ce quartier mal famé. En général je me poste dans un coin reculé mais facile d’accès et j’attends. Parfois toute la nuit sans trouver âme qui vive.
Parfois entre les volutes de brouillard matinal, alors que je me décidais à rentrer bredouille, apparaît un nelda courbé, le pelage collé par quelque liquide poisseux. Il affiche ce regard perdu entre les limbes de la nuit mourante, une nuit éthyle, brutale, harassante, et la brume d’un matin prometteur. Il a la démarche d’un marin sur le pont quand le grain fait des siennes. Il titube mais ne tombe pas. Il maitrise le déséquilibre comme un grand maitre chromatique maitrise instinctivement la quantité de pigment d’un incarnat qui ne doit pas être vermillon.

Voilà pourquoi je suis là. Attention l’instant est fugace. Je ne dispose que de quelques secondes pour en extraire l’essence. Quelques minutes s’il décide de se vidanger au coin de la rue. Je trace rapidement les grandes lignes de construction qui figurent son corps. Dessiner sans regarder ses mains cachées par les pans de sa capeline n’est pas aisé mais j’ai fini par en saisir la technique. Voilà je me concentre sur sa posture à défaut de son visage.
Je me cantonne au portrait quand je suis au « Luthier sans tête » avec un café brulant. Café qui me sert de carburant et de lavis pour ajouter de la couleur au croquis.
Une fois les tuteurs de graphite tracés, j’habille le quidam de chair grise. Une ombre là, une trainée ici. Il va disparaitre entre deux bâtisses délabrées. Je le regarde une dernière fois. Une fois seul j’annote mon croquis de références de couleur qui me serviront de retour à l’atelier.

Je rentre enfin chez moi dans les premières lueurs de l’aube, satisfait de ce nouveau locataire, prisonnier de sa geôle de papiers reliés.
***


Ce fut une bonne nuit…



 
Crooot

Le Dhiwara 31 Jangur 1510 à 23h06

 
***
Après cette soirée mondaine au limonaire il me faut retrouver la vraie vie. Celle qui n'est pas faite d'apparences, de "on dit" ou de patine complaisante. J'y joue moi même un rôle, de peur que l'on ne s'aperçoive que je ne suis qu'une fraude en ce bas monde. Partout à Arameth les gens se parent d'un masque d'apparat craignant d'être percé à jour. Moi je n'ai que faire des tribulations diplomatiques de la confrérie. Cependant elle m'a accueilli comme une deuxième famille. Je tente donc de tout mon cœur de jouer le jeu. Mais c'est ici, dans les bas fonds de la ville que je retrouve ma dose de réalité.
Ici on ne fait plus semblant.
Ici le noble qui a résisté toute la soirée chez l'ambassadeur, fond en larmes à la taverne du "Luthier sans tête" car sa fortune n'est pus et qu'il ne peut le dire à personne.
Ici le puissant esprorateur ne fait plus le fier devant ces dames. Il est fatigué de tout ce jeu et laisse place à la morosité, car il n'en aime qu'une seule et qu'elle est prise par un autre qui fait bien mieux semblant de l'aimer.
Ici le barbare prend librement du plaisir à reluquer les jeunes mâles fraichement arrivés.
Ici je suis un être vil qui vit sa vie par l'entremise de dessins car je suis trop lâche pour la vivre moi même.
Je vis ici la vie des autres. Celle des beaux, celle des forts, celle de ceux qui ne sont pas tordus...
Me voilà à nouveau dans les ruelles sombres de la ville pour capturer un instant l'existence d'un pair.
Il est chez lui à sa table. Il boit seul. De devant sa fenêtre je vois clairement quelques verres encore posés sur cette dernière. Ses invités sont partis et il se sent à nouveau seul. Je le croque rapidement en vue de lui inventer un semblant de vie en couleurs une fois à la maison. Mais voila que ce soir je me sens d'humeur téméraire. Je m'installe un peu plus à mon aise et sort mes aquarelles. ***

Dubulb' dit :
Tu y vois quelque chose l'artiste

*** Je connais ma palette par cœur. Je peux en piocher les couleurs dans le noir complet. Il fait froid ce soir. Mes doigts s'engourdissent. Je somnole un peu. Mettons la touche finale et partons.
Je remballe mon fourbi. Roule le parchemin et rentre retrouver ma vraie vie.
***


Je reviendrais...


 
Crooot

Le Merakih 10 Fambir 1510 à 16h51

 
*** Ce soir tout va mal. Je sors d'une séance de croquis de la cité et je n'arrive à rien. Je me suis posté en altitude sur le toit d'un observatoire de la ville pour apprivoiser Arameth mais celle-ci a résisté. Ce fut suffisamment difficile d'accéder à ce perchoir en grimpant de briques humides en poutres vermoulues pour ne pas ajouter à cela l'échec de ma tentative d'emprisonnement de l'âme de cette cité. Mais rien y fit.
Je suis un portraitiste instinctif. Mes portraits ne sont pas des plus précis mais ils ont une âme. Je connais mes nombreuses faiblesses et le dessin d'architecture en fait partie. Aujourd'hui ma mine de charbon ne traça rien de bon. Les angles restaient revêches, les perspectives bancales et les proportions risibles. Il est des jours où la réalité vous renvoie exactement l'image que vous avez de vous même. Étriqué dans ce costume de nelda qui se veut artiste, limité dans les gestes par ce corps tordu, aigri par l'incapacité de réaliser quoique ce soit.
J'ai donc besoin ce soir de chair, d'odeurs, de mouvement, d'humeurs et de cris.
Mes mains tremblent de fureur liée à la frustration. Décidément cette journée va de mal en pis.
J'arrache la page du carnet et la laisse choir dans le caniveau.
Mes personnages sont flous. Leurs traits brouillés comme recouverts d'un épais voile de tulle.
J'enrage. Je jette le carnet, le fusain au loin. ***

Dubulb' dit :
Enfin tu te fais une raison.
Le dessin c'est pas pour toi miteux.
Essaie le chant ou la danse...

*** Je laisse passer trois battements de cœur et j'attrape le mou pour le projeter contre le mur.
Il ne pouvait choisir pire moment pour se montrer sarcastique. ***

Dubulb' dit :
Haaaaaaa !
***
Il disparait à mi-chemin de la façade noire alors que résonne encore son cri dans ma tête.

Je reprends peu à peu mon calme et vais récupérer mes affaires. C'est un peu de moi éparpillé là sur les pavés.
Je récupère même la feuille froissée, la range dans une poche et prends le chemin du retour

Je passerai la nuit à tourner et retourner dans mon lit, tentant de me réconcilier avec mon mou sans grand succès ***





 
Crooot

Le Julung 10 Jayar 1510 à 12h37

 
*** J'ai passé la moitié de la journée à suivre ce nelda roux dans les rues d'Arameth car je sens en lui ce quelque chose qui ferait une jolie esquisse dans mes carnets. Il est emprunt de puissance. Je l'ai vu tour à tour, soigner un compagnon en l'enrubannant de volutes bleutées, allumer le brûle gueule d'un passant du bout du doigt et s'entourer d'une seconde peau, de ce qui semble être de l'air vitrifié, avant de pénétrer dans les bas fonds où nous nous trouvons maintenant. ***

Dubulb' dit :
Tu vas te faire griller le poil s'il te repère...

« Il m'a repéré depuis bien longtemps, j'en donnerais ma patte à couper. Mais il sait ne pas avoir grand chose à craindre de moi. Je l'amuse. Nous jouons au furyan et au koprocle, j'espère juste pouvoir repartir en un seul morceau avant qu'il ne se lasse. »

*** Il s'arrête enfin au coin d'une rue. S'installe sous un réverbère et s'exerce aux arcanes.
Des langues de feux viennent lui lécher les doigts, de petits tourbillons de matière molle aux couleurs vives dansent entre ses pattes aux articulations inversées, propres aux neldas. Il disparait parfois pour apparaitre à quelques pas du réverbère, à la frontière de l'ombre et de la lumière. Je le dépeins lorsqu'il emprisonne la faible lumière ambiante pour la concentrer dans sa paume en un follet bleu pale. Il peine alors à contenir cette flamme qui semble vouloir lui dévorer le bras. Ses yeux luisent. Je m'éclipse lorsqu'il sort les crocs en accusant le contre coup de son sortilège. ***


*** Ce fût une bonne nuit pour moi. ***



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