| Au sous-sol du bâtiment réquisitionné, la doctoresse était occupée surveiller l'évolution de sa "cuvée spéciale", sa production alchimique personnelle, lancée en parallèle de celle plus commune à son rôle de potions de soins, et à laquelle participaient les membres du Corps de Médecine compétents dans le domaine.
Tout ne se passait pas comme prévu... Sa distillation lui demandait trop de temps, et elle ne parvenait pas à comprendre quoi modifier pour parvenir à plus d'efficacités. Elle avait déjà noirci plusieurs pages de ses réflexions et calculs, sans parvenir à en dégager de solution... C'était perturbant, mais en même temps, cela lui permettait, un peu, de s'évader un peu, sans pour autant avoir l'impression de perdre son temps, à se reposer...
Elle perdit le fil de ses pensées en s'accrochant à une voix, qui interpellait le "Commandant"...
Oui ? Lança-t-elle comme seule réponse crédible dans ce genre de situation, relevant la tête.
Un des alchimistes autorisés à descendre au sous-sol lui faisait face, mais pas un des deux de garde à ce moment là.
Un Frère veut vous parler, à l'entrée... Puis, anticipant la question de son supérieur. Il n'a pas donné de nom...
Allons bon, à quoi ressemble-t-il, ce Frère ?
Un vieillard, bien usé par la vie, je dirais...
Pas évident de trouver l'identité du gugusse avec cette seule description...
Bon, merci, je vais aller voir...
C'était plus facile à dire qu'à faire. Quand se lever de son tabouret était déjà une épreuve en soi, gravir les escaliers et franchir la pièce principale jusqu'à la sortie représentait toute une épreuve...
Dans un sens ou dans l'autre, elle commençait à espérait que les choses se déclenchent, parce que cela signifierait qu'elles seraient terminées plus tôt. Cela allait faire un mois qu'elle n'avait pas dormi plus de trois heures d'affilé, travaillant jour et nuit. Elle était maigre, à présent, même si son uniforme le cachait aux autres. Et son visage avait de quoi faire peur, tant son regard cerné était éteint. Sa hanche mise à rude épreuve lui faisait un mal de chien, tout comme ses autres blessures récoltées pendant la campagne contre les Rejetons, qui ne pouvaient guérir dans ces conditions.
Elle parvint néanmoins, grimaçante de douleur, à se trainer jusqu'à la porte du dispensaire, voir ce Frère.
Et là, malgré la fatigue, elle trouva le moyen d'écarquiller les yeux, et de s'exclamer, d'une voix faible.
Rikjo ?! Mais qu'est-ce que tu fais là ?!
Dans la dernière lettre échangée avec son père, un ami du présent vieillard, les nouvelles le disaient toujours à Motabe, à couler sa retraite. Et à son âge, un tel voyage n'était pas rien... En fait, on lui aurait demandé, elle aurait parié que jamais le Tchaë qui lui faisait fasse n'en aurait été capable... Il avait plus que passé l'âge...
Elle-même n'était pas au mieux de sa forme, mais elle boitilla trois pas pour serrer l'ancien dans ses bras.
Il fallu un instant, émoussée comme étaient ses sens télépathiques par la fatigue, pour qu'elle sente que le vieillard était devenu Symbiosé, et qu'elle comprenne d'où avait bien pu lui venir la force d'un tel voyage...
| |