*** Un crachat s’écrasa sur le sol, Kolaru le piétina, après l’avoir éructé. Il gratifia le soleil éblouissant d’une moue grimaçante et grinçante. Encore une sale journée en perspective, comme toutes celles qui l’avaient précédée depuis quelques décennies désormais. Il y avait ce mou, cependant, qui changeait un peu le morne ordinaire.

La télépathie… étrange idée. Enfin, Kolaru ne s’y ferait pas, jurerait, insulterait, se ferait des ennemis, et repartirait vivre en asocial des villes, misanthrope par vocation. Mais bon, pourquoi ne pas tenter cette nouvelle expérience ?

Il continua à errer, désœuvré, en prise avec ses pensées et ses vers. ***

*** Marmonnait Kolaru en avançant. ***

*** Quand à Hergranore, celui-ci se perdit dans ces quartiers, ils étaient malfamés, mais c'était là que le mage se sentait le mieux. Les quartiers pauvres d'Arameth lui manquaient-ils? Personne n'aurait su le dire, ce qui n'empêchait pas l'encapuchonné de se promener la tête haute occupé à penser avec un peu n'importe qui, sa symbiose se faisait de plus en plus lointaine, il sentait son mou se détacher petit à petit de lui. Il se concentrait donc, le visage toujours caché mais qui ne lui permettait de voir sur les côtés, et ce qui devait arriver, arriva. Hergranore rencontra un corps et tomba à la renverse. ***

*** Hergranore se calma assez vite, il ne pouvait tout de même pas insulter ne serait-ce qu'un tchaé dans la ville qui l'avait accueilli. Il était bien entendu hors de question qu'il s'excuse alors que le vieux tchaé aurait pu faire attention, il se releva donc et regarda le vieillard, incrédule!!! ***

*** Alors qu’il était perdu dans la recherche d’une rime ardue, on percuta Kolaru. Sa pensée fut brisée, il en perdit le fil comme s’échappe une corde de nos mains, alors qu’on a presque réussit à tirer son fardeau sur le bord de la falaise. Le vieux poète avait simplement horreur de ça. Une sainte horreur. Déjà les contacts amicaux ou sociaux le dégoutaient, mais ces gênantes bousculades physiques l’enrageaient plus encore.

Il prit donc tout logiquement à partit le coupable de cette infamie : ***

***
Kolaru cracha ces vers à Hergranore et les souligna par un mollard envoyé avec la même animosité et qui arriva entre les bottes de l’impudent.
***

*** Sur le coup, Hergranore fut étonné des paroles du poète, mais resta là, un instant à le regarder, tout en déchiffrant les paroles du tchaé à langue fourchue. Quand il eut fini, ce ne fut pas des paroles qui sortit de sa bouche, le mage s'apprêtait déjà à rassembler toute la mana qu'il avait accumuler en lui, quand une petite voix intérieur le coupa. ***

***
Il devait bien l'avouer, son mou avait encore une fois raison. Ce n'était tout de même pas de sa faute si le Kolaru, d'après son mou, lui avait foncé dedans. Les rimes de Kolaru était ignoble, mais ce n'était rien comparer au postillon que le mage vit atterrir entre ses jambes. ***

*** L'encapuchonné s'avança au devant de Kolaru, il pouvait sentir son souffle s'accentuer et une odeur étrange venant de la bouche du mage remontait dans les narines du poète. ***

*** Hergranore se calma, était-ce encore une fois dû à l'intervention de son mou? Tel n'est pas la question, et personne ne serait en mesure de la prendre pour vrai, le mage s'était bel et bien calmer pour reprendre un ton plus au moins normal. ***

*** Qu’avait-il donc cet énergumène, il ne pouvait pas simplement s’excuser et passer son chemin, comme un gentil idiot ? Non ? Il fallait qu’il ramène encore sa bouche indigne d’adresser un seul mot correct à Kolaru.

Après un moment à essayer de comprendre cet analphabète, en le toisant de haut, depuis en dessous de son menton, le vieux leva un sourcil perplexe. Apparemment on lui reprochait pas mal de chose, sur un ton plus que déplacé venant de ce jeune fou en faute, surtout à l’intention d’un aîné.

Plus que ça encore, il crut bon de le menaçait lors de ses dernières paroles, du moins de ce que Kolaru en comprenait. Frappant le sol de sa canne, exaspéré, il répliqua finalement au bellâtre maladroit : ***

*** Bellâtre, il ne l'était pas mais aucun des deux n'auraient pu connaitre le fin fond de leurs pensés. L'encapuchonné resta un temps à observer le tchaé, c'est quoi cet imbécile? pensa-t-il. Le cribler de balles, lui, pour une simple bousculade, Hergranore prit les menaces de plein fond. Il savait qu'il ne pourrait réagir, fermer le clapet à ce poète unijambiste était la meilleur chose à faire mais la confrérie était loin et il devait se faire accepter de ce peuple qui en regardant son vis-à-vis, lui parut soudainement étrange. Ils étaient là, à vouloir garder leur secret, mais le mage fit bien vite partir les paroles adressés à son mou, qui lui permit d comprendre qu'il n'était pas très différent ce peuple auquel il voulait appartenir! ***

***
Hergranore se recula avant de prononcé quelques tirades magiques et qu'une aura apparut. Son regard vint croisé celui du vieillard, celui était bien visible malgré la cape qui pourtant continuait à envoyer une noirceur incomparable. ***

*** Il voulait être criblé le jeunot ? Vraiment, le plomb dans la tête lui manquait. Il ne pouvait pas simplement passer son chemin en regardant où il mettait les pieds ? Il lui fallait encore prouver être un débile cognitif, à croire que c’était le sport de tous ceux portant un mou… En plus lui prouver son écrasante suprématie oratoire n’empêchait pas Hergranore d’utiliser son dérisoire et, probablement handicapé, organe buccal.

Suite à l’audacieuse déclaration du malandrin, Kolaru fouilla dans ses poches en lançant un regard noir à son interlocuteur. Il trouva facilement les balles, mais pas le pistolet… peut-être l’avait il perdu. A tâtons dans son dos, le vieillard tira finalement une arbalète, chargée en prévision, de son sac. Immédiatement il la plaça sous le menton de l’autre : ***

*** Quel imbécile! pensa le mage, lui qui s'attendait enfin à voir une arme à feu à l'œuvre... mais non, ce n'était que des menaces dans le vent, comme celles de la plupart des ivrognes contre qui il s'était défendu dans les tavernes d'Arameth. Les frères aussi fou soient-ils n'étaient pas si différent. Hergranore pensait ainsi jusqu'à ce que le vieillard sorte une arbalète. Ce n'était pas une arme à feu, mais au moins, le tchaé ne manquait pas d'audace! Le mage était entouré d'une aura protectrice, serait-elle assez puissante que pour le protéger? La question n'effleura pas l'esprit de l'encapuchonné qui fit apparaitre un sourire dans la noirceur de la cape. ***

*** Il n'avait pas l'habitude de faire des alexandrins mais sur le moment, ce fut la seul chose qui passa dans son esprit. Hergranore appuya son coup sur le carreau, où déjà on pouvait voir une plaie légèrement saigné. ***