*** Le briquet claque et ma Klop' s'embrase, je souffle un nuage de fumée en le fixant au travers. ***
Alors ? Qu'est-ce que t'en dis ?
*** Mais pour comprendre, il faut recommencer l'histoire du début.
C'était quelques jours plus tôt que j'avais fait la connaissance de Redan Drek.
Alors que je sortais d'un rendez-vous avec Sowane, figure des lois de notre belle faction, des cris enragés m'avaient alertés sur la présence d'un voleur.
Quand j'ai trouvé l'antique Krepion vociférant des insultes et maudissant un brigand du bout de sa canne, j'ai vite compris que la suite serait pas piquée des hannetons.
J'avais essayé, sans grand succès je l'avoue, de jouer les médiatrices entre Krepion et son voleur, mais celui-ci ne m'avait pas attendu pour disparaitre dans la ville grouillante. Plus tard, celui-là même que je recherchais m'avait convié à un rendez-vous dans le salon privé d'une taverne, mais là aussi la conversation avait tourné court et sa cavale continuait.
Bien entendu il en fallait plus pour me faire lâcher prise, et comme j'allais pas courir après un mec pour une poignée de girasols j'avais décidé de mettre la pression sur l'individu en annonçant son délit sur le consensus. En cette période studieuse, nul doute que la plupart des symbiotes se trouvaient à Farnya, bien loin de mes préoccupations, mais qu'importe. Le but n'était pas de lever une armée pour partir en battue, mais bien de faire comprendre au petit malin qu'il pouvait être mis au ban en deux temps trois mouvements.
Tous les filous locaux savent qu'il faut compter avec l'Analyste du Clephte.
Enfin pas tous apparemment, mais bien entendu j'allais proposer une remise à niveau pour celui qui avait omit ce détail.
C'est en sortant de mon atelier, un peu plus tôt dans la soirée, que me revint en mémoire un coin particulièrement prisé des truands et autres vauriens en quête de repos.
Juste à la porte Nord, à quelques encablures des murs de la cité se trouvait l'arène, lieu de détente le jour et de trafic la nuit. Ici, passé une certaine heure, on peut acheter quelques grammes de produits étranges vendus sous le manteau, ou trouver un mec qui vous proposera de tailler une jolie boite sur mesure à votre pire ennemi pour quelques pierres.
Je passe par l'entrée de service, camouflant Monsieur Moustaches dans mon sac. Pas tant parce que mon Mou est un péteux, ce qui est malheureusement le cas, mais plutôt parce que les visiteurs nocturnes n'aiment pas trop les symbiotes, craignant ou jalousant notre manière si particulière de communiquer et donc de donner une alerte ou coordonner une attaque.
Akhim, le petit voleur de la ville basse discute avec sa bande de mioches, assis sur trois rangées.
Mahärn dit "l'Apoticaire" est adossé au marbre d'un pilonne. Je vise aussi Merik prostré dans un coin et dont la tendance au meurtre devient de plus en plus maladive.
Tous me reconnaissent et vont calmement prendre l'air dehors sans que j'ai besoin d'en rajouter.
De toute façon, ce soir, je suis pas venue pour eux.
Comme je le pressentais, il était là. Redan Drek, le voleur symbiote qui avait dévalisé ce pauvre vieillard.
Après quelques minutes je l'interpelle à hauteur de voix et avant qu'il n'ait finit de me répondre, Grim' le vieux mage psychopompe lui tombe dessus, accompagné de Cresius. Maintenant je comprend mieux pourquoi ceux qui n'ont pas connu la symbiose se méfient.
Les deux mages avaient répondu à mon appel télépathique.
Manque de bol, Grim' avait déjà eu le temps de jeter l'une de ses vicieuses malédictions sur le voleur avant que celui-ci ne puisse se rendre, ce qu'il fit malgré tout, annonçant même qu'il était près à coopérer.
J'ai du mal à réprimer un sourire, mentalement je remercie mes deux acolytes, leur signifiant que maintenant que Grim avait maudit les yeux de Redan, ses oreilles seraient certainement plus réceptives à mon discours. Il s'en allèrent donc, non sans le prévenir une dernière fois du sort qu'ils lui réservaient s'il lui prenait l'envie de jouer une nouvelle foie les filles de l'air.
Je lui explique les principes de base de la fraternité en essayant de me montrer ferme mais rassurante. Lui s'excuse de m'avoir bousculer à l'auberge quelques jours plus tôt, j'efface ce souvenir d'un signe de la main, je n'en garderais pas de rancœur.
Sans rechigner il me rend les pierres volées à Krepion, je fais le compte et imagine ma tronche si j'avais fais tout ça pour aussi peu.
Mais justement j'avais autre chose en tête, une proposition d'intérêt commun. En prenant mon temps, je jaugeait le Tchaë. Un peu maladroit, pas énormément d'expérience, mais quel potentiel.
Avec ma nonchalance habituelle je sors du tabac et une feuille et tout en roulant je lui demande de me promettre de ne plus causer de tord à la Fraternité, fondement de la confiance que j'espère pouvoir lui accorder par la suite.
Le briquet claque et ma Klop' s'embrase, je souffle un nuage de fumée en le fixant au travers. ***
Alors ? Qu'est-ce que t'en dis ?