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Le Dhiwara 5 Astawir 1509 à 14h27
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 | Le jour tant attendu était arrivé : aujourd'hui, début d'après midi, l'Académie militaire débuterait, l'occasion pour Grim de s'y inviter, comme le lui avait suggéré le Général.
Le vieillard ignorait sur d'autres de ses camarades viendraient le soutenir, appuyer son message et argumenter à ses côtés. Mais au fond, qu'il soit seul ou accompagné, ceci n'avait pas d'importance. Il était Commandant après tout, sa voix devait avoir un minimum de poids !
C'est à la fois fier et nerveux que le mage noir, à peine sortit du déjeuné, prit la direction de l'Académie. C'était une bâtisse austère, comme la plupart des bâtiments pour Noirauds, et propre. Aucun débris de verre ni même la moindre trace d'excréments de chevaux, Tawhaks ou Yloatakus sur la chaussée.
Sans réellement tenir compte de ce contraste entre les abords de l'Académie et le reste des ruelles Fraternelles, Grim s'empressa de pénétrer dans la bâtiment, torse bombé de manière à mettre en évidence le petit blason du Corps Funeste de la Magie. L'intérieur était immense, les murs hauts et les colonnades massives. De ci et de là, des tchaës allaient et venaient, tous plus pressés les uns que les autres. Bien rapidement, le mage trouva ce qui semblait être le réceptionniste. Face au comptoir, l'air sérieux, Grim demanda :
Hep toi là ! C'est où qu'faut aller pour s'joindre à l'Académie Militaire d'aujourd'hui?
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Le Luang 20 Astawir 1509 à 00h17
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Le tchaë, derrière son comptoir, désigna du pouce une massive porte derrière lui.
V'là l'antichambre, vous y trouverez le Général et quelques autres, mon Commandant.
De fait, Krondor faisait les cent pas dans une vaste salle où colonnes de pierre et fresques de guerre se mêlaient avec un goût douteux.
L'air blasé mais résolu du Général contrastait avec l'air résolument déterminé et excité de la poignée de noireauds qui se trouvait avec lui.
Il tira par la chemise un laquais qui distribuait quelque boisson rafraîchissante.
Hé, toi ! Apporte donc des sandwiches, on va les emmener, histoire de pas commencer à faire trainer ça dès le premier jour...
En voyant entrer le mage, Krondor le héla de la main.
Commandant, par ici !
On n'attend plus que le capitaine des mousquetaires, et nous pourrons commencer la session.
L'imposant tchaë toisa le vieillard de biais.
J'espère que vous avez délégué vos pouvoirs pour la semaine qui vient. Vous allez découvrir les bienfaits d'une longue discussion sans voir la lumière du jour...
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Le Luang 20 Astawir 1509 à 11h23
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| La réponse obtenue, le vieux se dirigea d'un pas lent vers l'antichambre. Cette dernière était déjà remplie de quelques Noirauds, la plupart non symbiosés. Grim pu en reconnaitre certains, majoritairement des Lieutenants Fantassins et Artilleurs qui avaient participé à la bataille contre le Vortex. D'ailleurs, ils en portaient les séquelles.
Il jeta alors un regard autour de lui : le lieu était décoré de la plus originale des manière qui soit, contrastant avec l'architecture austère de l'extérieure. Curieux, le mage noir contempla quelques fresques de guerres, du bel ouvrage assurément. On y voyait des illustrations de Shamgre marteau à la main ou encore différents illustrations d'Elchior mousquet sous le bras.
C'est alors que la voix puissante du général résonna dans les oreilles de Grim. Ni une ni deux, le Commandant rejoignit son supérieur direct. Ce dernier paraissait lassé, comme si cet exercice politique était un fardeau pour lui. En guise de réponse, le mage grogna :
Hum...Une semaine enfermé? J'ai d'jà connu sa, à cause d'un enfoiré d'tydale assassin. Rester ici s'ra sûr'ment moins frustrant qu'les geôles puantes d'la caserne.
A entendre ces paroles, le souvenir de son emprisonnement était encore bien présent dans l'esprit du vieillard.
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Le Matal 21 Astawir 1509 à 10h49
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| Le tant attendu Capitaine des mousquetaires débarqua enfin dans l'antichambre, accompagné du Secrétaire palatial et de deux hommes de mains. Grim se souvenait vaguement de ce curieux personnage. Il hésitait toujours entre le classer dans la catégorie des "coincés" ou des "trop sérieux pour être de confiance". Quoiqu'il en soit, à peine fut-il arrivé au niveau du Général et du mage qu'il lâcha ce qui paru être, pour Grim, une pique mal déguisée.
L'Capitaine des mousqu'taires c'bien sa? répondit le vieux, J'me rappelle avec quelle douceur m'avez traité...Oh que oui qu'j'men rappelle...
L'ironie se faisait ressentir dans la voix du mage. Il ne lui en voulait pas particulière, après tout, seul Thosen avait demandé son emprisonnement, ce même Thosen qui avait tout fait pour que le drame se produise...Et par la suite s'afficher en héros guérisseur aux yeux des non-symbiosés...Ah le monde de la politique !
Après un bref silence, Grim reprit à l'adresse du Secrétaire palatial :
Tryphon, ah c'brave Tryphon ! Z'allez nous faire l'honneur d'ouvrir cette s'maine d'discution?
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Le Vayang 24 Astawir 1509 à 11h05
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Tryphon accusa d'un mouvement de surprise lorsque Grim s'adressa à lui.
Euh, de fait Commandant, de fait ! Nous allons d'ailleurs pouvoir commencer.
Il toisa l'assemblée par dessus ses lunettes, puis fit ouvrir les larges portes qui menaient à la salle de réunion.
Des gradins en hémicycle, devant un large comptoir, où étaient installés trois fauteuils. Le secrétaire prit celui de gauche, et le général celui de droite. Les autres participants s'installèrent à des places qui étaient vraisemblablement habituelles pour eux, ils commencèrent à discuter entre eux dès qu'ils furent assis.
Tryphon se répéta.
Bien, nous allons donc pouvoir commencer, je crois que tout le monde est là. Nous n'attendons plus personne ?
Hochements de tête dans l'assemblée.
Bien. Alors. Ouverture des tours de parole. Qui souhaitera prendra la parole au cours de l'Académie ?
Quelques mains se levèrent, Tryphon griffonna les noms sur un parchemin devant lui.
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Le Merakih 29 Astawir 1509 à 09h01
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Des deux premières heures de débat, il apparait qu'une motion préliminaire semble remporter un certain nombre de suffrages et d'approbations, manifestes ou implicites, parmi la majorité de participants non-symbiosés : celle consistant à demander un reéquilibrage salarial en faveur des gens... ordinaires.
En fait, il apparait rapidement à Grim que nombre de noirauds présents voient d'un oeil sinon mauvais, tout au moins revanchard, la différence de statut évidente séparant les symbiosés des autres. En particulier, plusieurs personnes présentes le regardent de travers, considérant à mi-voix que sa présence est la preuve tanguible que le dernier véritable bastion d'un contre-pouvoir interne à la Bulle Noire vis-à-vis des gens nantis d'un mou, à savoir l'académie militaire, tombera bientôt sous leur coupe réglée...
Et ça passe mal. Ainsi, comme l'exprime un orateur artilleur, délégué de son casernement :
"(...) et tout le monde sait que la Bulle noire évolue à budget constant ! Or, la part affectée à la masse salariale des têtes molles ne cesse d'augmenter avec leur effectif et leur montée bien trop rapide en grade ! La conséquence ? Vous et moi, les amis, n'avons plus un girasol en poche, et nos familles voient leur pouvoir d'achat s'effondrer tandis que d'autres s'en fourrent plein les poches...
En conséquence, je demande au gouvernement de bloquer dès maintenant les salaires des nouveaux riches qui gangrènent nos rangs, squattent les meilleures places, prennent des décisions à notre place sans jamais nous consulter et passent leur temps à couiner qu'ils "sauvent la Fraternité" ! Ah oui ? Contre quoi, ou contre qui ? Foutaises !"
"Ouaiiiiiiiis", braille une assistance plutôt enthousiaste, même si quelques têtes inquiètes se tournent subrepticement vers le Général Krondor.
- "Hmmmpf"... grommelle d'ailleurs ce dernier.
"Ca commence fort", s'amuse Nemiès Thorn, un vague sourire en coin.
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Le Merakih 29 Astawir 1509 à 12h20
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| Le débat avait débuté. Visiblement, avant de pouvoir aborder le déséquilibre entre les Bulles, Grim devrait s'occuper du problème de l'égalité entre symbiosés et non-symbiosés. Par chance, ce sujet entrait dans ses revendications. Toutefois, il s'aperçut bien vite que son message serait...difficile à faire passer.
Des clameurs résonnaient de ci et de là dans les gradins à la suite du discours si ce n'est engagé d'un artilleur. Lorsque la rumeur eut baissé d'un ton, le vieux mage se leva de toute sa petite taille puis s'éclaircit bruyamment la gorge.
Frère, Soeurs, j'm'adresse là à vous tous, qu'vous soyez symbiosés ou non.
Comme l'a dit l'brillant gars là bas, c'est évident qu'les symbiosés sont plus valorisés qu'les non-symbiosés. Est-ce justifié? Certains vous diront qu'oui, parc'qu'y progressent plus vite, sont télépathes et bla et bla et bla; d'autres vous diront qu'non. Pour ma part, j'me range dans l'rang d'ceux qui voient en la symbiose un p'tit plus qui peux r'lancer une carrière, un coup d'pied au cul qui permet aux déchets comme moi d's'él'ver, à force d'travail, au rang des braves Noiraud qui eux ont pas eut b'soin d'une boule d'poil pour s'faire un nom au sein d'la Noire.
Vous m'direz "non c'pas juste qu'ces gars là, en bossant moins, arrivent à s'faire plus d'pierres qu'les autres" et vous avez raison ! D'puis què'ques temps, j'ai tout fait pour qu'la barrière entre symbiosés et non-symbiosés disparaissent, d'où ma v'nue ici.
A titre d'exemple, j'estime qu'tout Frère ou Soeur d'la fraternité a droit à l'information, c'qui n'est actuell'ment pas l'cas ! Qui d'entre vous a entendu parler d'l'affaire Flymeur? Qui d'entre vous sait précisément pourquoi l'pillier s'est mit à briller comme un sort mal contrôlé? Qui sait pourquoi les températures ont subit'ment chutés au cours d'l'affaire du pillier brillant?
Les symbiosés ont accès à ces informations, pourquoi le reste de notre peuple n'a t'il pas les même droits? Hein?
C'que j'attends d'notre bon Roi et d'notre Général, c'est la mise en place d'un corps chargé d'la communication envers l'ensemble d'notre Peuple et pas seul'ment envers les symbiosés. Les non-symbiosés sont pas plus cons qu'les autres, y l'sont souvent moins même !
Le vieillard fit une petite pause. Sa gorge était sèche. Il aurait voulu avaler quelques gorgée d'une bière bien fraiche mais cela aurait été déplacé, assurément.
V'là d'jà une des choses qui m'parait importante pour assurer l'égalité entre ces deux groupes qu'ont, en vrai, pas lieu d'être.
Maint'nant, reste l'problème des salaires et surtout, des promotions.
Les salaires, c't'un problème pour tous. J'me suis assez fâché là d'ssus pour pouvoir l'dire haut et fort d'vant tous.
Il est vrai qu'le salaire des symbiosés et non-symbiosés, c'est pas l'même truc. Pourquoi? J'en sais rien. Pour ma part, j'distribue sa en fonction du rang, du mérite. Et y s'avère qu'seul un symbiosé a mérité d'toucher l'salaire d'un Lieut'nant, et c'la après plus d'un an et d'mi d'travail acharné. Il a rejoint l'cercle très fermé d'mes lieut'nants, dont les trois autres sont non-symbiosés, bien payés et d'un talent incroyable, les deux allant d'paire. J'fais pas d'différence entre les télépathes et les autres, seul l'résultat compte. Y d'vrait en être d'même dans tout les autres Corps mais j'crois pas avoir l'pouvoir d'gérer sa, c'est un boulot d'Général.
Mais y'a un truc qu'a pas été dit et qui faut qu'j'dise, ouai...
Vous autres Noirauds, quand vous vous apprêtez à partir en mission, avec la certitude qu'vous manqu'rez d'vous faire embrocher quatre ou cinq fois par un Jytryan, vous trouvez normal d'd'voir payer plein pot les potions qui vous sauv'rons p't'être la peau? Ou encore ces parch'mins qui vous permettront d'soigner l'taré qui s'était paumé en pleine montagne?
Moi j'vous ldit, c'pas normal qu'on doive payer aussi cher c'qui nous permet d'sauver notre peau et celle d'toute la Fraternité !
Et qu'dire des p'tits nouveaux pour qui on a du mal à trouver d'quoi leur mettre sur l'dos. On paie d'notre poche bien sûr, mais sa suffit pas.
Pour preuve, j'avais créée un compte uniqu'ment pour l'Corps Funeste d'Magie. Après près d'six mois d'existence, j'me suis aperçu qu'y'avait qu'moi qui l'remplissait et qu'les autres l'vidaient, preuve qu'c'système c'était pas une si bonne solution.
Alors quoi?! Faut qu'en plus d'faire régner la sécurité on fasse d'l'artisanat pour pouvoir équiper nos rangs? Et pi quoi encore !
J'suis prêt à baisser mon salaire et c'lui d'mes gars pour peu qu'on nous fournisse des aides pour les jeunes arrivés, symbiosés ou pas, et qu'les tarifs des artisans soient r'vus à la baisse !
C'est sur ces mots que Grim se tut. Sa bouche était tel un désert, sèche au possible. Mais il était satisfait, il avait pu dire ce qu'il souhaitait. Allait-il être entendu? La question restait en suspens.
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Le Sukra 2 Manhur 1509 à 03h07
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Les réactions au discours de Grim sont variées, mais globalement positives.
En fait, il apparait rapidement au mage qu'il n'est pas bien compris de tous, lorsqu'il fait allusion au prix des potions : la raison tient au fait avéré que les non-symbiosés ne sortent pratiquement jamais de l'enceinte des villes, repoussant les éventuelles créatures un peu trop approchées en les bombardant des remparts et des tours, et certainement pas pour aller se frotter à un Jytryan ! En vérité, c'est là une tâche qui n'a de sens que depuis l'avènement de la symbiose, et n'est dévolue - rarement - qu'à des soldats nantis d'un mou... à celles et ceux, pour faire simple, qui ont les moyens d'affronter une telle horreur et surtout, qui pourront ressusciter par les piliers en cas de mort violente.
Plusieurs questions fusent de l'assistance ; la plus souvent exprimée et reprise tient en cette formule laconique :
Tu parles du coût élevé des potions et du matériel, l'ami... mais comment comptes-tu t'y prendre pour le faire baisser ? Ce sont les rouges qui décident de leurs tarifs, comme nous décidons de nos missions ! Ils ne changeront pas leur façon de travailler pour nos beaux yeux, et réciproquement...
Que proposes-tu exactement ? Quelle motion veux-tu faire valoir auprès du gouvernement ?
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Le Dhiwara 3 Manhur 1509 à 00h09
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| Du concret, du pratique, voilà ce quoi à Grim devait maintenant répondre.
Un silence plana sur l'Académie. le vieux passa sa main noueuse dans sa barbe.
Mhhhh...
M'est avis qu'y'a trois moyens d'faire baisser les prix.
L'premier, sa s'rait tout simpl'ment d'd'mander aux Rouges d'faire un p'tit geste commercial à chaque commandes des Noires chez eux. Compte t'nu d'notre fidélité et d'nos achats souvent importants, rien d'plus normal en théorie.
L'deuxième, s'rait d'éxiger des Rouges leur service minimum au sein d'la Noire, soit une s'maine par mois. Au cours d'c'te s'maine, y nous suffirait, nous autres Commandants responsables d'ces gars là, d'leur ordonner d'faire usage d'leur artisanat pour la Noire, fournissant leur service à prix extrèm'ment réduit.
Enfin, la troisième, plus radicale, s'rait d'forcer les Rouges à abaisser leur prix sous peine d'ne plus accéder à leur demandes. C'la paralys'rait l'artisanat tchaë et les pouss'rait à accéder à nos d'mandes.
J'suis pas très friand d'la dernière solution, d'une parc'que j'trouv'rais sa con d'en v'nir là, mais aussi car j'aime la Fraternité et n'souhaite pas participer à sa chute.
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Le Matal 5 Manhur 1509 à 12h23
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Ca brouhahate, ça bruisse, ça discute ferme dans les travées de l'académie militaire. Le secrétaire palatal Tryphon observe l'assistance mouvante avec un mélange d'habitude et d'amusement intéressé ; le capitaine des mousquetaires est en pleine discussion avec l'une de ses subordonnées ; seul le Général Krondor demeure stoïque, tandis que son expression permet d'avoir un doute sur son activité mentale : soit il réfléchit posément, soit il dort debout. Difficile à savoir.
Des échos qui reviennent à Grim de l'assistance, il peut déduire plusieurs choses :
Sa première proposition semble la plus consensuelle, notamment parce qu'il constate que nombre des noirauds de l'assistance, non-symbiosés, pratiquent déjà un tel arrangement avec leurs fournisseurs habituels de la bulle Rouge : que ce soit par relations amicales, par ententes tacites, par échange de services variés, par petits trafics et autres arrangements à la limite de la légalité... ou par liens familiaux, une majorité de soldats bénéficient déjà de ristournes plus ou moins sensibles. Ce qui est clair, en revanche, c'est que lesdites ristournes leur semblent assez légères ; en légitimant la chose, cela permettrait peut-être d'améliorer les prix..?
Les seconde et troisième idées ont moins de succès : exiger quelque chose de la Rouge par le biais de la contrainte ne passera pas, selon la plupart des observateurs présents, les fourches caudines du vote gouvernemental. Et ce, dans l'hypothèse plus qu'heureuse où le roi déciderait d'accorder son appuis à une mesure qu'on peut déjà deviner très impopulaire chez les milliers de petits artisans rouges qui, à l'inverse de leurs ainés symbiosés, ne roulent pas tous sur l'or...
Après quelques bonnes dizaines de minutes de débat, un sergent artilleur s'exclame depuis les derniers rangs :
Et bien, Mage Grim ! Des trois propositions que tu soulèves, quelle motion proposes-tu de défendre ?
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Le Sukra 9 Manhur 1509 à 12h59
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| Face à la réaction de la foule, relativement simple à interpréter, Grim marqua une pause. Il restait convaincu que demander quelque chose aux Rouges aurait peu voir aucune chance d'aboutir. Néanmoins, il sentait que l'assemblée était peu favorable à une méthode plus expéditive, rigoureuse et efficace. Peut-être faudrait-il attendre un peu...
Le vieux se racla bruyamment la gorge.
Mon p'tit gars, lança t'il à l'adresse du sergent artilleur,c'pas à moins d'décider c'que l'ensemble d'l'assemblée souhaite à savoir : continuer à nous faire entuber par les Rouges ou user d'une des trois solutions qu'vous ai proposé.
C'pendant, j'vous énonce ma préférence.
Dans un premier temps, j'crois qu'y faudrait faire sa en douceur. On d'mande et on voit c'qu'y en r'ssort. On sait jamais hein !
Après, en fonction d'l'évolution des prix, y s'pourrait qu'on passe à quèqu'chose d'plus...musclé. Qu'est-ce z'en dites?
Son auditoire semblait quelque peu endormi. A cet instant, Grim pensa que si chaque Noiraud présent avait vidé une ou deux pinte avant de venir, le débat n'en aurait été que plus divertissant.
Il se souvint d'une chose : l'alcool dans l'armée, à faire légaliser.
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Le Sukra 9 Manhur 1509 à 18h36
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L'esprit de Krondor revenait peu à peu de son vagabondage. Le Général était trop consciencieux pour rêvasser lors de semblables réunions, aussi ennuyeuses soient-elles, mais il devait aussi assurer un contact mental permanent avec ses troupes et ses collègues. Ses inquiétudes personnelles quant au maintien de l'intégrité de la Fraternité occupaient toujours ses pensées. Cependant, quelque chose dans l'évolution des discussions retenait peu à peu son attention. Cela valait peut-être vraiment le coup, après tout, d'en rendre compte au Roi. Il toussota, ce qui acheva de plomber un silence qui était déjà suffisamment lourd.
Mage Grim, je dois vous rappeler que, en-deçà de votre habileté à tirer à vous un problème qui ne touche pas les non-symbiosés -ou d'étendre à eux au contraire un problème qui ne touche que vous, vous vous devez de formuler vos requêtes en y apposant des propositions concrètes. Qu'entendez-vous par "faire ça en douceur" ou "de façon plus musclée" ? L'accès à un tarif préférentiel aux sorts, alors qu'à l'heure actuelle ni les chercheurs ni même les artisans ne bénéficient d'un tel avantage ?
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Le Luang 18 Manhur 1509 à 12h08
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| Suite à la remarque du Général, Grim lâcha un faible grognement. Il n'aimait pas la manière de penser de ce tchaë, avis qui se voyait aussi influencé par les soupçons qui pesaient du Krondor et ses activités.
Mon Général, y m'semble tout à fait normal d'considérer ensemble les problèmes des non-symbiosés et des symbiosés. Sauf votre respect, c'est avec c'genre d'raisonn'ment qu'on en arrive à séparer notre Fraternité en deux. Et pour tout vous dire, c'est pas,d'cette Fraternité là qu'j'veux. J'veux une Fraternité égalitaire, qu'ce soit dans la Noire, comme j'l'ai dit y'a d'sa quèques minutes, ou dans l'reste des Bulles. On est des frères et sœurs avant tout ! L'problème des uns c'est l'problème des autres !
Le vieux se racla la gorge.
P't'êtres qu'les artisans et chercheurs ont pas accès à des tarifs préférentiels, mais z'ont accès à autre chose.
Les Chercheurs s'font financer leurs r'cherches, même les plus dingues. J'en fut l'témoin. Pour c'qui est des artisans, y r'çoivent bien entendu des subventions pour leur projets, sa m'parait clair. Et nous? Même pas une broutille pour nous équiper, ni même une p'tite minoration sur l'prix qu'on paie pour sa.
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Le Dhiwara 24 Manhur 1509 à 23h41
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Tandis qu'un brouhaha particulièrement bruyant s'installe et menace de couvrir la voix de l'orateur et de ses débatteurs immédiats du premier rang, le secrétaire palatal Tryphon s'approche de Grim et lui hurle dans les oreilles, afin qu'il l'entende :
Tant que vous resterez le cul entre trois chaises, sauf votre respect, ça n'avancera pas et l'assemblée va s'impatienter, jusqu'à ce qu'un autre gars prenne votre place pour ne plus la lâcher.
Gueulez un bon coup pour obtenir un silence relatif, et proposez une motion précise ! C'est à celui qui demande et prend la parole d'être clair et de poser les bases d'une demande officielle, pas à un gus choisi au hasard dans la salle. Faites-le maintenant, ou laissez la tribune à quelqu'un d'autre !
Et n'oubliez pas que votre motion ne sera retenue que si elle obtient une majorité suffisante, au terme de la séance...
Sur ce, le secrétaire lève et descend successivement les bras, pour inviter la foule des militaires à baisser d'un ton.
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Le Merakih 27 Manhur 1509 à 19h06
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La sortie vocale de Grim déclenche un mélange d'hilarité et d'approbation bon enfant, puis l'ambiance se calme et l'orateur peut placer sa motion dans un brouhaha modeste.
Un premier vote s'organise à main levée, et la motion obtient une majorité évidente : apparemment, nombre de noirauds semblent avoir voté avec un enthousiasme modéré. Le Mage psychopompe entend distinctement Tryphon dire à Nemiès Thorn :
Bah, ça ne mange pas de pain... c'est le genre de motion qui n'a pas grande chance de passer, vue la filiation du Prince, mais qui ne coûte rien. Et qui sait ?
Le Capitaine des mousquetaires hoche la tête :
Le vieux a bien fait de ne pas chiffrer la ristourne, comme ça, la balle est dans le camps du gouvernement. D'ordinaire, nos gars sont plus clairs, ce qui n'est pas forcément un avantage. Bon, on verra bien.
Sur ce, d'autres orateurs prennent la place de Grim et les discussions reprennent de plus belle, sur de nouveaux thèmes...
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Le Sukra 30 Manhur 1509 à 14h45
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| A la suite du vote à main levés, Grim ne tint d'attention qu'à la remarque du secrétaire palatial vers son collègue le Capitaine Thorn. Ce qu'il attendu, bien qu'au départ mit en doute à cause de son ouïe par moment défaillante, l'irrita au plus haut point. Il lâcha un grognement bruyant puis quitta sa place pour se diriger d'un pas lent vers la loge des "décideurs" de la Noire.
Bien entendu, tout le monde savait que le Prince usait de son influence pour favoriser les Rouges au détriment des autres Bulles. Or, cette idée de privilèges déplaisait au vieux mage, lui qui rêvait d'une Fraternité où tous seraient égaux, où tous pourraient mener leur vie avec les même obstacles de sorte que leur situation soit véritablement mérité.
Arrivé auprès du secrétaire, il marmonna :
J'vous ai entendu...Les privilèges du Prince hein? Humpf...Sa chang'ra...Tôt ou tard...J'vous l'jure...
Sans demander son reste, il s'adresser alors au Général Krondor.
Mon Général, faut qu'j'vous parle d'què'qu'chose d'assez...Important. J'vous attend dehors.
Le Mage Noir avait rempli ses objectifs : participer à un débat politique de la Fraternité. A présent, il pourrait aborder les suivants avec plus de sérénité...Car d'autres suivraient ! En tant que membre de la loge Contestataire, nul doutes que le vieux prévoyait de se consacrer à la lutte du droit tachë, de tout les tchaës. Cette assemblée l'avait largement conforté dans cette idée.
En quittant l'immense salle, il ne jeta pas le moindre regard vers les rangs parsemés de Noirauds. Il savait que rien de bien important ne serait traité ici. D'ailleurs, bien qu'il affirmait le contraire, sa propre intervention n'était pas des plus urgente et primordiale, juste un prétexte pour se faire voir.
Dehors, le vieillard attendait son supérieur. Sa capuche était rabattue, son visage fermé.
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