Elle s'approche.
Elle a matérialisé ce qu'elle était.
Kalavador. Kallas. Raltemiane. Temia. Elle était l'apprentie Ombre.
La spadassine, l'assassin, la voleuse, l'espionne.
Et la pensée de Mirgahal, juste avant son départ l'alarma...
Lerth... il était parti à Lerth... Et il s'était passé quelque chose là bas. Il s'était passé quelque chose de très grave.
De très très grave.
Un carreau était parti.
Partir de l'Equilibrium...
La présence de Kiavè disparut soudain encore une fois. A la place... lui était là.
Avec ses outils de tanneurs, et sa gorge tranchée d'où fuyait un flot de sang.
Mais Temia, cette fois-ci ne réagit pas. Elle sentait les Morts s'agiter autour d'elle lui susurrer multiples choses.
Mais elle ne fit rien. Ne dit rien. Fit comme si ils n'existaient pas.
Eut-ce été autrement si elle n'avait pas rencontré le caravanier?
Une excellente question que voilà...
Elle releva la tête, et froidement fixa le tanneur :
Toi. Le Premier. Approche.
Il s'avança devant elle avec un grand sourire. Elle murmura :
Notre pacte est rompu.
Il sourit :
Il semblerait...
Le visage de Temia flamboya au milieu de la flamme verte : elle n'avait pas tué Arsille. Elle s'était acceptée d'une certaine manière. Quelques jours auparavant.
La Tchaë redressa le visage. L'arbalète.
Or'dovan et Mirgahal se ressemblaient tout d'un coup. Elle avait eu tort...
Tu as eu tort...
Voir du bon en lui? Oui. Mais non. Et sa parole.
Sa parole à Ner'hion. La personne qu'elle respectait le plus... qui avait tiré les morceaux brisés de sa personnalité et lui avait offert la rédemption.
Je veux servir les Ombres... Pour me repentir de cette vie que l'on m'avait offert et que j'ai croqué à pleine dent au mépris de l'équilibre.
Elle releva la tête : Kiavè était là.
Le Premier était là. Tous les autres étaient là...
Il est temps... Souffla le premier.
Le temps de ta rédemption est venu petite.
Un calice apparut entre ses doigts. Le sang de sa gorge vint le remplir :
Il est temps.
Kiavè dit :Il est temps de rejoindre les Ombres.
Temia leva le calice et, après un silence souffla :
Ombres. Nous n'existons pas. Nous apprenons les Ombres. Nous sommes façonnés des Ombres... et un jour...
Elle but le calice d'une traite.
Nous serons maîtres des Ombres.
Elle ferma les yeux et, dans un dernier regard pour les Morts, murmura :
A Syrinth, à présent... Nous allons nous débarrasser de ce qui souille l'Equilibre.
Et, dans un flash de lumière, le pilier s'ouvrit sur l'aube rouge de l'Hatoshal.
Digne ou indigne,ma vie est ma matière, ma matière est ma vie.