Pour ajouter à cette analyse, Kysall nous avait également prévenus à l'avance des actuels évènements, en prenant visiblement des risques... elle avait aussi averti Erling de ne pas se laisser capturer à Rastryghën, et nous avait également permis d'inverser la tendance, dans le néant, en nous soufflant plus ou moins la voie à suivre pour rétablir ce qu'elle avait déclenché...

Ainsi l'idée n'a rien de saugrenu, en ce qui me concerne, bien au contraire.

Les quelques mots que j'ai échangé avec elle, devant Korsyne, confirment à mon sens cette analyse :
Je lui ai demandé "Vous m'aviez dit, dans le Néant, suivre votre voie... celle d'un espoir que vous aviez perdu.
Quel est donc cet espoir, quelle est donc cette voie, Kysall, qui vous amène à être l'outil de tant de haine... et de désespoir ?"

Et voici ce qu'elle m'a répondu :

L'outil apprend, Nelle Dymer, à se différencier de son artisan.
Il se façonne à force d'être manié.
L'espoir est là.

Je suis toujours la même voie.
Désespoir, haine, douleur et mort sont le lot de mes choix.
C'est ainsi, et je l'accepte.

Ne vous mettez pas en travers de mon chemin.
Ne cherchez pas à me détruire.
Voilà le message que vous devez adresser à vos peuples.
Cette cité tombera.
Ensuite Zarliff. Puis toutes les autres.
Lerth sera elle aussi éradiquée, car l'outil de sa destruction est du même sang que celui qui l'a bâtie.

Les Nemens vont périr.
Vous allez être seuls.
Préparez vous car la fin du Tableau est proche, Nelle Dymer.

Les outils apprennent.
Là est votre seul espoir...

Réponse certes sujette à interprétation, mais qui à moi me semble claire : oui, Kysall, malgré les apparences, contribue peut-être bien, avec ces mises en scènes et ces ultimatums -ces délais-, à sauver des milliers de vie...
Et qu'en effet, la détruire, elle -pour peu que cela nous soit possible- reviendrait peut-être à détruire notre seul atout : si le Tark'nal débarquait sans prévenir devant une cité pour commencer directement son oeuvre de corruption... sans doute l'évacuation serait moins heureuse.

Nous savons presque avec certitude que Zarlif sera la prochaine cible du Tark'nal : car quoi qu'on puisse penser, elle ne nous pas pour l'instant jamais menti dans ses avertissements.

Et à mon sens Kysall nous a également révélé plus que la prochaine cible :

"Lerth sera elle aussi éradiquée, car l'outil de sa destruction est du même sang que celui qui l'a bâtie."

L'outil de la destruction est le tark'nal, à première vue... or il semble qu'il soit lui-même une sorte d'invocation : le fait qu'il soit constitué de mana pur, le fait qu'à Oriandre il se soit comme évaporé en quelques instants une fois sa tache terminée, tout cela le laisse indubitablement penser.
Alors ce qui le manipule, qui se cache derrière le tark'nal, serait de sang nemen...?

Si l'on recoupe cette affirmation de Kysall avec ce qu'elle avait dit au pic de l'oublié :

"Ce qu'il a engendré, qu'Erling a contemplé, me suit. M'observe.
Je l'obsède.
J'aurai pu le sauver. Je ne l'ai pas fait et ne le regrette pas.
J'aurai pu empêcher tout cela, il vous faut le savoir.

Il attaquera, quoi qu'il arrive, mais il veut que je contemple son oeuvre."

Ces paroles prennent tout leur sens, désormais : ce nemen perverti qu'Erling et ses compagnons ont vu à Rastryghen est celui qui orchestre ces évènements, sans doute pour le compte du Maudit : il contrôle le Tark'nal, qui est peut-être une sorte de projection de lui-même.
Il suit Kysall, et veut qu'elle contemple cette oeuvre de destruction : voilà pourquoi c'est sans doute elle qui choisit les cibles, pourquoi elle représente pour l'heure un espoir pour nos peuples, grâce au peu d'influence qu'elle prétend avoir sur cette chose...

J'en viens maintenant aux observations que j'ai pu faire pendans les évènements de Korsyne :

Concernant le Tark'nal, j'ai voulu tenter de vérifier s'il était bien une sorte d'invocation, et vérifier mon hypothèse concernant ce nemen corrompu :

J'ai perçu en observant les flux que l'apparition du Tark'nal est différente d'une invocation poussiéreuse : ce n'est pas une "projection" de mana, ni une simple incarnation de celle-ci...
Mais cela relève effectivement, au niveau des flux, de phénomènes ressemblants. Dans le cas du Tark'nal, cependant, cela semble bien plus évolué, plus subtil... bien moins agressif pour la Trame.

J'ai ensuite cherché à voir s'il existait un lien perceptible entre le Tark'nal et son... invocateur, appelons le ainsi, mais je n'en ai pas trouvé : rien ne m'a permis de déterminer si l'aberration vue par Erling était à l'origine du Tark'nal, et s'il agissait depuis Rastryghën ou s'il se trouvait dans le périmètre de Korsyne.

La subtilité du phénomène observé a malgré tout tendance à me conforter dans l'idée que celui-ci est d'origine nemen (puisqu'ils considèrent notre sorcellerie comme brutale et violente, on peut supposer qu'à l'inverse leur, comme la suite de mes observations à propos de la corruption de la cité :

J'ai cherché à observer, toujours par le biais des flux, comment cette corruption se traduisait, en quoi consiste l'action du Tark'nal sur la cité nemen, chose que je n'avais pas eu la présence d'esprit de faire à Oriandre.
Et bien contrairement à ce qu'on pourrait penser, elle est très subtile.
Les flux sont déviés et sont absorbés par la cité...tout simplement. Je dirais presque "naturellement".

Pour moi, ce constat confirme l'hypothèse de l'origine Nemen du Tark'nal, et donc de celui qui le dirige... puisque la cité accepte ce qu'il fait sans broncher.
Et je suis donc de plus en plus persuadée que cette origine nemen est en lien avec l'aberration, amalgame de poussiéreux et d'un nemen perverti : à mon sens, à travers le Tark'nal, le Nemen corrompu déverse, simplement, sa propre corruption dans la cité.
Il la contamine , plus vite, plus directement que son état ne le fait déjà envers les Vahandras et le peuple nemen, d'une façon ou une autre...

Enfin, cela reste hélas de l'ordre de la spéculation, ma conviction personnelle, qui ne s'appuie sur des observations et déductions, mais pas de réelles certitudes.

Ma dernière observation notable a eu lieu juste avant l'incarnation des effluves de la cité :

Les flux sont redevenus normaux une fois l'action du Tark'nal terminée. Puis soudain ils se sont agités, comme devenus subitement instable, se mettant à tournoyer en spirale autour de Korsyne. Puis les effluves se sont incarnées, s'animant d'un coup, rapidement... et les flux sont redevenus normaux juste ensuite.

Or les flux tournoyaient en spirale également à l'extérieur de la Tour du concile, le parallèle me semble évident.
Le phénomène là-bas était durable, d'une part, et surtout inversé : à la tour, les flux tournaient de l'extérieur vers l'intérieur. A Korsyne, dans l'autre sens...

La Tour du concile, elle, ne présentait aucune trace de corruption, lors de notre expédition... alors que c'était le cas lors du concile, justement.
Et ce phénomène observé dans les flux était nouveau par rapport à cette première visite, selon Syrtaï'Nhymurtayag Varoga...

J'en suis donc arrivé à la supposition que ce phénomène de spirale des flux est liée à un phénomène de... corruption dans un sens... et de purification dans un autre.
Mes réflexions sur la question en sont pour l'heure à ce stade...

Voilà.
Dans le lot de ces observations, donc, des constats, des hypothèses, mais encore peu de certitudes. J'insiste sur ce point : de plus en plus de symbiosés de diverses factions semblent vouloir réfléchir aux origines, conséquences, implications, solutions, etc, des évènement actuels, ce qui me semble être une très bonne chose... si l'on ne multiplie pas les fausses pistes et les hypothèses hasardeuses...

En ce qui me concerne, je rentre pour l'instant à Farnya : avant l'attaque de Korsyne, nous avions commencé, avec l'Erudite Thanakis et certains savants tchaë, des recherches sur la méta-incantation du sort de disjonction d'essencialis.
Recherches qui me semblent toujours d'actualité maintenant que la nature d'invocation du tark'nal a été plus ou moins confirmée.

Et vu le délais écoulé entre Oriandre et Korsyne, je pense que nous disposons de nouveau de quelques semaines avant la prochaine ville : Kysall était sale et usée, négligée, lorsque je suis allée lui parler : je doute qu'elle ait pris des vacances entre les deux...

Nous explorons actuellement une piste potentiellement intéressante concernant la façon dont les effluves se diffusent dans Syfaria.

L'un de nos savants a émis la théorie que les effluves se diffusent via des ondes que l'on pourrait assimiler à des sons inaudibles à très basses fréquences que l'on nomme onde telluriques.

Le fait que le Tak'Nal ait utilisé comme escorte des harmonystes la première fois puis des Pulsons, créatures souterraines pour lesquelles le son a une grande importance me fait penser que nous ne sommes peut être pas si loin de la vérité. Cela ne reste qu'une théorie mais nous allons l'explorer.

Concernant la défense concrète que nous mettons actuellement en place à Arameth et dont nous sommes à l'instant même en train de valider la faisabilité je ne sais pas si elle aura un effet sur le Tak'Nal lui même mais elle devrait à minima nous permettre de repousser de façon quasi certaine l'intégralité de son escorte et donc de l'isoler pour un assaut décisif.

Pour ceux qui ne sont pas encore au courant et sans entrer dans les détails nous sommes en train de tester la première création d'un sort poussiéreux depuis plus de 400 ans. Son objectif est de diffuser un son sur de très grandes distances y compris à travers la matière en préservant de façon stricte les propriétés du son en question. Nous comptons nous en servir pour diffuser un chant bardique sur une aire couvrant une cité et ses alentours pour repousser natifs et rejetons. Le sort en question se distingue des sorts classiques car il est hors de portée d'un poussiéreux isolé et donc nous sommes en train d'effectuer un rituel nécessitant la présence de 13 arcanistes ainsi qu'un nombre presque équivalent d'apprentis et enfin la présence d'un maitre du chant bardique.

Il va de soit que nous n'avons pas choisi le chant bardique par hasard et donc je me tiens à votre disposition si d'aventure vous désirez des informations complémentaires sur cette technique qui nous en apprend beaucoup sur la trame de la réalité et la façon dont nous pouvons interagir avec.

Si le rituel réussi nous pourrons en diffuser le fonctionnement par pensée ce qui nous permettra de tenter de l'utiliser sur le lieu de la prochaine attaque. Il faut toutefois noter qu'il demande un nombre colossale de mages très expérimentés et le ritualiste principale doit être un arcaniste capable de manier des sorts de 10ième arcane...

Si je me permets de vous contacter aujourd’hui, c’est que le temps presse. Nemès et Khamaat ont découvert une bestiole dissimulée dans la trame d’Utrynia, corrompant peu à peu la cité. La Caria de l’art est fortement d’avis que c’est le Tarkn’al qui est à l’origine de cette créature, lors de l’attaque d’Utrynia il y a quelques mois. Les murs de la ville, qui étaient encore vaillants, n’ont pas pu être corrompus aussi rapidement qu’à Oriandre et Korsyne et l’infâme monstruosité de mana s’est retirée en laissant derrière elle cette créature abjecte dans la trame de la cité du bord du Lac des Mères. Et désormais Utrynia se meurt.

Suite à cette découverte et sous l’impulsion de Kaliss, Mestre d’Utrynia, un groupe de travail s’est constitué comprenant, outre Kaliss, la Caria de l’art, des érudites non symbiosées et moi-même. Je ne suis certes pas spécialiste de ce type de recherches, mais j’apprendrai.

J’ai lancé des recherches dans nos archives pour vérifier qu’aucun renseignement ne pourrait y être glané. Et rien n’a été trouvé. Les murailles nemens étaient uniquement connues pour être non corruptibles par les effluves. Elles le sont devenues. Quelque chose a changé, mais quoi ?

Il importe donc que nous mettions toutes nos connaissances en commun concernant le Tarkn’al, les effluves et tout ce qui s’y rapporte. Que nous unissions le savoir de toutes les factions, tous les individus, de façon à pouvoir structurer les observations. Peut-être qu’un événement anodin dans un premier temps prendra toute sa signification en regard d’un autre connu d’un seul poussiéreux.

Nous devons sauver nos villes.

Il va de soit que si je suis en mesure, suite aux informations que j’aurai reçues, de comprendre quelque chose, je vous en ferai immédiatement part.

Qui suis-je pour parler ainsi ? Je n’étais ni à Oriandre, ni à Korsyne. Pourtant, je déplore la perte des deux cités. Et c’est précisément parce que je n’étais pas présente que vos témoignages seront capitaux.

La cellule mise en place à Utrynia pourra tenter d’analyser, de décrypter et de comprendre chaque élément rapporté. Si d’autres factions souhaitent être représentées dans notre cellule de crise, elles seront les bienvenues. Mais les observations faites sur le terrain sont irremplaçables.

Je vous serais reconnaissante de relayer ce message vers tous les poussiéreux susceptibles d’aider à la compréhension du phénomène auquel Syfaria est confrontée.

Ma dernière observation notable a eu lieu juste avant l'incarnation des effluves de la cité :
Les flux sont redevenus normaux une fois l'action du Tark'nal terminée. Puis soudain ils se sont agités, comme devenus subitement instable, se mettant à tournoyer en spirale autour de Korsyne. Puis les effluves se sont incarnées, s'animant d'un coup, rapidement... et les flux sont redevenus normaux juste ensuite.

Or les flux tournoyaient en spirale également à l'extérieur de la Tour du concile, le parallèle me semble évident.
Le phénomène là-bas était durable, d'une part, et surtout inversé : à la tour, les flux tournaient de l'extérieur vers l'intérieur. A Korsyne, dans l'autre sens...

Je suis surprise : une spirale orientée vers l'extérieur génère une corruption, tandis qu'un tourbillon orienté vers l'intérieur purifie ? C'est cela ?
Dos-je comprendre que la corruption résulte d'un déficit... de quelque chose ?
Autrement dit, la corruption serait-elle le résultat d'une absence, plutôt que celui de l'ajout d'un agent corrupteur ?
Aurions-nous "en nous" un principe, un élément ou que sais-je, qui nous préserve de la corruption liée aux effluves dans lesquelles nous baignons ?

Si tel est le cas, c'est un changement assez radical, et intéressant, de perspective.

Les mots de Penthésilée qui m'ont rappelé un point que je considère important. Dame Matroshka Voroshk avait transmis un rapport exhaustif sur la "grotte de Kysall " et c'est la conclusion de cet exposé qui est revenu à mes pensés :
Citation :
Il n’y avait pas de perversion dans cette grotte, car elle était complète. Les effluves ne pouvaient y tenir place. Une grotte complétée par un Néant et tellement plus derrière.

Alors peut-être que si le Tarknal arrive à corrompre les cités que les Nemens nous ont abandonné c'est qu'elles ne sont pas complètes ?

Cette notion de complétude peut en effet s'appliquer aux cités, d'une certaine façon : lorsque j'ai demandé à Oriandre, pourquoi nous devrions nous réfugier à Ulmendya, puisqu'en tant que cité Nemen celle-ci risquait forcément de finir sur leur liste, Kysall m'a répondu :
"Elle ne peut être détruite, car les Nemens ont tant malmené la réalité que celle-ci fait dorénavant parti intégrante de Syfaria en tant qu'être de vie et de conscience.
Ulmendya est bien plus qu'une simple cité."

Ulmendya est peut-être complète, effectivement, dans le sens où elle n'est plus liée aux nemens comme le sont les autres cités.
Sans doute est-elle complètement indépendante, peaufinée, terminée ?

Voilà ce que j’ai découvert dans cette maudite grotte. Celle de Kysall. De nombreuses questions restaient sans réponses. En explorant cet endroit, en repoussant mes limites, j’ai pu apprendre et comprendre. Un petit peu.

A ma première transe, alors que j’observais les flux inondant l’endroit par vagues cycliques. C’était comme partout ailleurs. Les marées ne semblaient pas dérangées par l’endroit. Mais sans que je comprenne comment, une puissante fatigue m’extirpait de ma méditation. Visiblement magique, aucune blessure, aucune douleur, mais tellement profonde que je m’endormis presque immédiatement, pendant presque deux jours je crois. Bien que je ne sache quel jour nous sommes.

A ma deuxième transe, je pu enfin trouver le trou dont il était question. Là, au milieu de nulle part, flottant dans l’air naturellement, quelque chose me choqua. Les flux magiques l’évitaient, le contournaient, s’échappaient. Par curiosité, je lançais un sort de projectile magique en direction de ce nexus. Il ne se passa rien, probablement parce que le trou est infime. Mais je parie qu’en présence d’un trou plus gros, la boule d’énergie aurait été absorbée. D’un point de vue magique, il ne dérange en rien le lancer de sort et n’interfère pas à l’échelle macroscopique.

Cependant, quelque chose me dérangeait depuis que nous avions reçu le message de Penthésilée. Nous savons que la grotte est insensible aux effluves. Nous savons que Kysall en fait une base. Mais pourquoi alors quelqu’un servant les intérêts de l’Artisan du Déclin laisserait-elle un endroit si dangereux pour eux ? Pourquoi laisser la grotte intacte et les poussiéreux y accéder, risquant de découvrir une façon de se protéger des effluves ? Pourquoi ne pas détruire la grotte ?

Parce que Kysall ne pouvait pas ? Parce qu’elle ne voulait pas ?

Supposons. Je dis bien supposons. Si le trou est une absence de réalité comme il a été dit, peut-il dès lors entrainer une absence de perversion ? Conséquence : vu qu’il existerait d’autres trous, il existerait d’autres absences de perversion, d’autres lieux où les effluves du S’sarkh n’ont pas lieu d’être. Mais si l’absence de ces points noirs fragilise la stabilité de Syfaria, c’est un autre problème qui nous fait face. Comment se forment ces trous ? Que sait le S’sarkh à son sujet ?

A ma troisième transe, tout changea. Tout se clarifia. Je craignais de subir un nouvel épuisement mais ce fut le contraire. Quelque chose de doux, d’apaisant envahissait mon esprit blessé. Je quittais mon corps pour me laisser dériver par les vagues de flux. Je devinais que j’étais là où il fallait, que je faisais ce qu’il fallait. Comme si tout se jouait à la perfection. Puis vint un ensemble de sensations, un bouquet d’impressions que mon esprit percevait passivement. Je voyais le néant en face de moi, un néant qui existait. Un illogisme total et pourtant je l’ai senti.

Nous avions tort. Ce néant n’est pas un danger ou destruction. Notre perception était fausse. Tout comme l’ombre existe en l’absence de lumière, le néant existe en l’absence de réalité. Mais si vous inversez le tout, vous comprendrez…qu’il serait réalité s’il était isolé. Je l’ai senti fortement, il a toujours été là. Bien avant nous, bien avant les premiers sortis probablement. Des milliers de cycles probablement. Mais là, quelque chose de nouveau, je le sentais. Un lien. Le lien entre ces absences de réalité et les piliers de poussière. C’est pour ça que Kysall avait choisi cette grotte. Pour accéder au néant, le monde de Flymeur. Une grotte perdue dans les neiges éternelles, entourée par les collines maudites. Peu de personnes viendraient. Et elle, elle pourrait accéder au Néant.

Mais ce n’est pas tout. Il existe d’autres ruptures de réalité. Pourquoi ce point noir en particulier ? Parce que ce trou est lié à la Poussière. Oui, nous, les races de poussière. Un nouveau triptyque, je l’ai perçu : le néant, les piliers, la poussière. Tout est lié. C’est un tout, un ensemble complet. Je ne comprends pas comment tout cela fonctionne, je doute que quelqu’un puisse. Tellement compliqué pour moi. Mais quelle merveilleuse sensation. Je me sentais tellement bien. Sortant de ma transe à regret, affamée, j’avais toutes ces sensations, difficiles exprimables avec des simples mots. Il n’y avait pas de perversion dans cette grotte, car elle était complète. Les effluves ne pouvaient y tenir place. Une grotte complétée par un Néant et tellement plus derrière.

J'ai fait mener quelques recherches sur les créatures accompagnant le Tark'Nal par le groupe d'érudites que j'ai à disposition à Utrynia. Voici leur compte-rendu:


"Pour ce qui est créatures choisies, nous avons recueilli quelques informations.
Les Harmonystes sont des créatures purement natives.
Dans le sens qu'elles existaient sur Syfaria avant nous. Et sans doute aussi avant l'arrivée des Eduens.
Elles font parti des quelques races à avoir survécu au chamboulement qui a suivi la guerre entre les Eduens et leurs ennemis.
Les Flavistes en font parti aussi.
Ils sont natifs de Syfaria. Nombreux et organisés, contrairement aux Harmonystes qui semblent avoir une intelligence plus animale.

Par contre, les Psurlons qui ont attaqué Korsyne n'avaient jamais été vu avant cette confrontation.
D'autres psurlons, plus petits, avaient été repérés.
Ce sont des créatures perverties. Issues de créatures natives que les effluves ont transformé.
Les Psurlons gigantesques de Korsyne semblent être l'aboutissement de siècles de perversion.
Les Harmonystes et les Flavistes, par contre, sont sans doute peu sensibles aux effluves, mais nous ne savons pas s'ils y sont insensibles, comme le sont par exemple les Jolakars...
Les Flavistes absorbent la mana, mais ni les Harmonystes ni les Psurlons ne semblent avoir de lien particulier avec les flux et la magie en général.

En clair, au premier abord il n'y a pas de lien ou de concordance fondamentale entre ces trois types de créatures.
Un peuple intelligent, deux races de type animale.
Deux races purement natives. Une créature pervertie au plus haut point pendant des siècles.
Une race aveugle, une sensible à la mana, une autre qui n'a pour atout apparent que sa taille et sa puissance.

Alors, nous avons creusé un peu...
Ce qui ressort à nos yeux est que le Tark'nal affine sa méthode, en fonction des expériences passées.
En premier lieu, il est apparu avec les Flavistes, mais son action à Utrynia a été peu significative vu que notre cité est encore debout.
A Oriandre, il a eu le champ libre et a utilisé des créatures qui lui ont semblé être de bons vecteurs de son action.
Mais il s'attendait à de l'opposition à Korsyne, et a choisi des créatures plus puissantes et peut être moins pratiques à utiliser pour lui.

Notre conclusion est que le Tark'nal s'entoure de créatures qui le servent et qui doivent durer un certain temps face aux attaques subies.
Nul doute qu'il va changer de méthode à la prochaine attaque.
Nous ne savons pas quelles créatures il va utiliser, mais selon nous cela devrait être de plus petites créatures qu'à Korsyne, plus nombreuses, dont la mort individuelle affaiblira peu son action.
Selon la progression qu'il emploie, il devrait jouer sur la quantité cette fois-ci.

Mais rien ne nous dit que nous ayons raison, et rien ne dit que les créatures dont il se servira ne seront pas dangereuses individuellement..."

Mon hypothèse est effectivement que ce nemen perverti vu par Erling soit le créateur du Tark'nal et commanditaire de Kysall.
C'est Syin Lothar qui a précisé que ce nemen était, de son nom exact, Ast'yrithgarmania Loïa : il s'agit du nemen à l'initiative de la quête des Obsessions et du Concile.

Et responsable de la débâcle de ce dernier, ayant déclenché les évènements avant de s'enfuir...... bien qu'en réalité sa responsabilité semble sujette à caution : lors de rencontres diplomatiques au congrès de Lerth il y a deux ans, monsieur Colcook nous avait appris que le nemen "traitre" du concile, cet Ast'yrithgarmania Loïa, n'agissait manifestement pas de son propre chef : il était manipulé, contraint par un parasite que produisent les vortex, appelé "Kryratma".

Lorsque j'ai observé l'apparition du Tark'nal, et cherché à déterminé s'il était bien une sorte d'invocation, j'ai également remarqué une chose : comme je l'ai dit dans mon rapport, l'invocation du Tark'nal semblait bien plus évoluée, plus subtile qu'une invocation poussiéreuse.

Je n'ai pas détaillé en quoi :

C'est comme si le tark'nal était déjà là, et que l'effet auquel j'assistais validait juste sa présence.
J'en ai déduit qu'il faut donc un support à cette "validation", et j'ai perçu sans nul doute possible que ce support était Kysall.

Le Tark'nal pouvait apparaitre parce que Kysall était là.

Vous devez être au courant de la situation actuelle. Les Cités de Poussière tombent les unes après les autres, elles qui sont pourtant de fabrication Nemen, en phase avec la réalité et, d'une certaine manière, vivantes. Oriandre d'abord, Korsyne ensuite et Utrynia aux premiers jours, qui succombent lentement aux effets dévastateurs de la corruption la plus insidieuse. Une corruption qui est le fait d'une créature des plus étranges, le Tark'nal. J'ignore si certaines de mes prédécesseurs, dans des entretiens plus anciens, en ont parlé avec vous. Une entité de pure énergie.

Je viens vous voir pour deux choses, qui vous concernent plus étroitement encore que la survie de nos peuples, de nos races et de nos villes. Je viens vous voir pour parler de votre propre survie et des exactions de l'être qui guide le Tark'nal dans sa destruction systématiques de nos lieux de vie. Car c'est...ou du moins, c'était...un Nemen, lui aussi.
Que j'ai eu l'occasion de croiser autrefois. L'ancien Calligraphe Ast'yrithgarmania Loïa.
Je ne sais si vous savez tout cela, mais l'Usurpateur l'a capturé et l'a transformé.

En un être de pure terreur, de haine et de désolation.

Nos récentes études prêtent à croire que c'est lui qui utilise le Tark'nal, simple outil, pour déverser sa corruption et sa soif de sang, de cendres et d'amertume. Il est vraisemblablement l'origine des horreurs que nous vivons.
Mais pas seulement. Il est, selon toute vraisemblance, à l'origine des horreurs que vous vivez aussi.

Nous savons, Judicatrice Arkhenys, que votre peuple tout entier est menacé. Et qu'il se meurt.
Que vous vous affaiblissez et que vous vous mourrez depuis quelques mois déjà.
Que vous pouvez désormais être contaminés par les effluves. Rupture dans votre existence.
Pis que tout, nous savons que les Vahandras, piliers de cette cohérence vitale, se meurent.
Avec les terribles dégâts que cela implique sur la Trame et la réalité.

Je suppose que je ne vous apprends rien, Judicatrice. Tout cela, vous le savez sans doute.

Ce que je vous propose en revanche, c'est une aide concrète. Une alliance pratique, au-delà du principe.
Il ne sert à rien de nous isoler, chacun de notre côté, quand nous sommes en train de vivre le même calvaire.
Ou à défaut d'être le même calvaire, la longue et douloureuse descente vers une destinée semblable.
Vous avez des informations, des moyens, de l'expérience. Nous avons également nos atouts.

Nous ne pourrons pas vaincre seuls la créature qu'est devenue Loïa.
Créature qui est visiblement la source de la grande majorité de nos problèmes actuels. Les votre et les notre.
Nous pouvons, j'en suis convaincu, trouver une solution ensemble en conjuguant nos efforts et nos volontés.
Nous avons aussi appris à connaître l'ennemi, à connaître Syfaria, à connaître les effluves...

Je ne suis pas un benêt idéaliste, je sais ce que je vous demande.
J'ai également appris à connaître votre façon de penser. Et à deviner vos prérogatives.
Mais si l'idée est d'une pauvre simplicité, elle est pourtant immensément riche dans ses implications.

Nous vous aidons - car, nous le pouvons - et vous nous aidez.
Nous sortons ensemble de cette crise.

Nous sommes au courant de la situation, oui. Nous savons que nos cités de la surface tombent les unes après les autres. Que Nos villes passent à l'ennemi et se pervertissent à son contact. Les Effluves annihilant nos si belles créations.

Nous savons que dorénavant notre peuple est menacé par les effluves et leur corruption après des siècles d'immunité.

Nous savons également que le dénommé Ast'yrithgarmania Loïa est à présent au service de l'ennemi et complètement corrompu par les effluves.

Nous savons que son émanation que l'on nomme Tark'Nal est une grande menace.

Une si grande menace que nous, Nemens ne pourrions que difficilement le vaincre, Mais le prix à payer pour cela n'est pas envisageable, côtoyer de prés les effluves serait fatal à beaucoup d'entre nous et rapidement nos rangs seraient décimés et au pire nous nous retrouverions avec des dizaines de Nemens pervertis au service de l'Usurpateur, soit des dizaines de Tark'Nal.

Cette bataille, les peuples de poussières devront la mener seuls pour notre survie à tous. Nous nous associons à votre combat mais nous ne pouvons nous joindre à vous. Car cela ne ferait pas pencher la balance en la faveur de notre camp, bien au contraire. J'espère que vous comprendrez les enjeux de tout cela.

Car gardez bien à l'esprit que tout ceci n'est qu'une bataille dans cette guerre millénaire et que la victoire de notre camp ne sera pas décisive pour la guerre. Nous ne pouvons pas perdre sous peine de tous disparaître, mais vaincre ne nous amènera pas la paix, ni ne sera la fin de nos problèmes avec le Maudit.

Néanmoins, Une Vahandra connue de vos peuples vous rejoindra bientôt, dés la fin de sa convalescence, et elle vous apportera toute l'aide possible pour le salut de nos peuples. Elle seule parmi nous le peu car sa symbiose la protège de la perversion des Effluves.